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Libération 14/03/2009
Ils ont protesté dans un avion, rechargé un téléphone ou donné un coup de main.
Les histoires de citoyens poursuivis en justice pour avoir aidé des sans-papiers se multiplient. En voilà trois.
Le 16 avril 2008 à bord d’un vol Air France Paris-Brazzaville, deux Congolais crient que les liens les entravant leur font mal. Des passagers se lèvent. Quatre d’entre eux sont désignés par la police comme les fauteurs de trouble, dont André Barthélemy, 72 ans, membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Ils sont débarqués et placés en garde à vue. André Barthélemy est poursuivi pour « provocation directe à la rébellion » et « entrave volontaire à la navigation ou la circulation d’un aéronef ». Selon la police, il aurait crié « c’est inadmissible, une honte »,« vous ne respectez pas les droits de l’homme », puis incité les passagers à la révolte. André Barthélemy revendique un « réflexe d’indignation » et de « solidarité active » de la part de « quelqu’un qui voit des gens souffrir ». Les reconduites, dont il n’a pas contesté la « légitimité », doivent être menées « avec humanité et dans le respect des droits fondamentaux ». La peine encourue par André Barthélemy est de cinq ans de prison et 18 000 euros d’amende. Trois mois avec sursis ont été requis contre lui. Jugement le 19 mars.
Le 18 février 2009, à 7 h 45 du matin, la police frappe à la porte de Monique Pouille, 59 ans, bénévole aux Restos du cœur et à l’association Terre d’errance. Depuis deux ans et demi, cette femme organise les dons de nourriture et d’habits pour les migrants qui errent autour de Calais dans l’espoir de passer en Angleterre. Elle recharge aussi leurs portables. Les policiers « m’ont dit "on vient vous chercher pour vous mettre en garde à vue, pour flagrant délit d’aide aux personnes en situation irrégulière", raconte-t-elle. Je pense qu’ils croyaient trouver des réfugiés chez moi ». Les forces de l’ordre emportent trois portables en charge sur la table du salon. A Coquelles (Pas-de-Calais), Monique Pouille est placée en garde à vue. « Ils ont dit que j’avais eu de la chance de ne pas être menottée. » Ils posent des questions à chaque migrant. Comment s’appelle-t-il ? Depuis combien de temps est-il là ? « Ils m’ont dit que je pouvais continuer à recharger les portables, mais pas ceux des passeurs, ceux qui sont bien habillés et qui sont là depuis longtemps. Moi je ne m’occupe pas de ça. J’aide les gens sans poser de questions. » Vers 17 heures, Monique Pouille est libre. Sans charges, ni mise en examen pour l’instant. A la police aux frontières, on indique que la garde à vue a eu lieu dans le cadre d’une commission rogatoire « pour aide au séjour irrégulier en bande organisée ». Peine encourue : jusqu’à dix ans de prison.
Le 19 novembre 2007, deux travailleuses sociales salariées de France Terre d’Asile (FTDA) sont interpellées à leur domicile et maintenues en garde à vue pendant plus de douze heures pour l’une, vingt-quatre heures pour l’autre. Selon le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, cette intervention a pour but de vérifier si ces femmes se sont rendues complices « d’aide au séjour irrégulier ». La justice reproche aux deux travailleuses sociales d’avoir donné leur numéro de portable privé à des jeunes Afghans et de leur avoir remis une carte à l’en-tête de FDTA attestant qu’ils font l’objet d’un suivi social par cette association. Le procureur conclura à une « générosité mal placée ».