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Poutine prêt à lâcher le dollar

par Umberto Pascali

Publie le lundi 7 avril 2014 par Umberto Pascali - Open-Publishing
5 commentaires

La Russie, « contrainte et forcée » par les sanctions internationales, crée un système indépendant du dollar.

La Russie, « contrainte et forcée » par les sanctions internationales, crée un système indépendant du dollar. Moscou annonce qu’elle vendra (et achètera) ses produits et matières premières, comme le pétrole, en roubles et non plus en dollars. Cela fait un certain temps que Poutine prépare cette transition, avec la création d’un système de paiement en roubles complètement indépendant et protégé du dollar et des spéculations meurtrières des grandes institutions financières occidentales.

Après avoir sanctionné plusieurs banques russes pour punir Moscou suite à l’affaire e la Crimée, les dirigeants de Washington ont reçu un ordre du pouvoir financier leur intimant de faire marche arrière, puisqu’évidemment, les vampires de Wall Street comprennent bien que mettre les banques russes hors de portée de leurs griffes n’est en aucun cas une bonne idée. [...]

Pour Wall Street et les organisations financières de la City, des pays comme la Russie devraient toujours conserver une porte financière ouverte, à travers laquelle leur économie réelle puisse être périodiquement saccagée. Ainsi Washington a annoncé que cela fut une erreur d’appliquer des sanctions à l’ensemble des banques russes, mais qu’une seule d’entre elles, la Banque Rossija, devait être frappée de sanctions, pour des raisons de propagande et aussi pour faire un exemple.

Cela a suffi à Poutine, qui cherchait depuis au moins 2007 à lancer un système indépendant basé sur le rouble, un système financier qui s’appuiera sur l’économie réelle et les ressources de la Russie, garanti par ses réserves d’or.

Aucune tolérance pour le saccage et la spéculation financière : une manoeuvre discrète, mais aussi une déclaration d’indépendance que Wall Street prendra [très certainement] comme une « déclaration de guerre. »

Comme le veut la stratégie en judo, l’attaque menée au travers des sanctions a créé la situation idéale pour une mesure « défensive » qui renvoie la force brute de l’adversaire contre lui-même. C’est ce qui se passe actuellement. La Banque Rossija deviendra la première banque russe à utiliser exclusivement le rouble russe.

La manoeuvre n’est pas un secret. Bien au contraire. Un énorme symbole d’un rouble en or sera érigé face à la Banque Rossija à Moscou, « afin de symboliser la stabilité du rouble basé sur les réserves d’or du pays, » explique l’agence Itar-Tass, citant les fonctionnaires de la banque.

En réalité, les fonctionnaires se montrent clairs quant à la volonté de punir les spéculateurs occidentaux qui ont mis à sac leur pays pendant une si longue période : « La Russie, à son stade actuel de développement, ne devrait pas dépendre de valeurs extérieures. Ses ressources internes rendront sa propre économie invulnérable aux manigances politiques. »

t ce n’est que la première étape, a déclaré Andrej Kostin, président de la VTB, une autre banque déjà sanctionnée : « Nous nous dirigeons depuis déjà quelque temps vers un large usage du rouble russe comme valeur de règlements. Le rouble est devenu pleinement convertible depuis longtemps. Malheureusement, nous avons vu les conséquences essentiellement négatives de cette mesure, sous la forme de fuite des capitaux du pays. L’afflux d’investissements étrangers en Russie fut motivé par la spéculation et a grandement déstabilisé nos marchés d’actions. »

D’après l’agence Itar-Tass, Kostin s’est montré très précis et concret : « La Russie devrait vendre à l’étranger ses produits nationaux, des armes au gaz en passant par le pétrole, en roubles, et acheter les marchandises étrangères également en roubles. Alors seulement nous pourrons utiliser les avantages du rouble en tant que monnaie d’échange internationale. »

Poutine lui-même a poussé pour l’adoption de ce nouveau système lors des réunions au sommet le 28 mars devant les députés de la Chambre haute de la Douma, le Parlement, effaçant les derniers doutes et controverses : « Pourquoi ne le ferions-nous pas ? Il est certain que c’est la chose à faire. Nous devons protéger nos intérêts, et nous allons le faire. Ces systèmes fonctionnent, et ils rencontrent un grand succès dans des pays comme le Japon et la Chine. À l’origine il s’agissait de systèmes exclusivement nationaux limités aux seuls marchés et territoires internes, et à la seule population du pays, mais progressivement, ils sont devenus de plus en plus populaires. »

http://ilfattoquotidiano.fr/crise-ukrainienne-poutine-pret-a-lacher-le-dollar/

Messages

  • POUTINE doit se rendre en Chine, fin/mai début/juin. Il sera intéressant de voir comment évolue les choses dans le domaine monétaire. La Chine souhaite une nouvelle monnaie internationale comme monnaie d’échange. En un mot, Y EN MARRE DU DOLLAR.
    Les pays du BRICS, qui représente 3 milliards de personnes, ne sont pas indifférents à cette démarche.
    Ceux qui pensent que la Russie est isolée risquent de rire "jaune". Je sais, c’est un mauvais jeu de mot, mais je n’ai pas pu m’en empêcher.

    • salut Richard

      Comme tu le sais, j’ai eu ici et là , à participer dans des"colloques" ou débats -souvent chiants ou certains se masturbent leurneurone de pseudos "économistes" anticapitalistes( je ne cite pas de noms)qui ne connaisent laclasse ouvrière, le monde du désespoir que par film, lectures ou témoignages..

      J’ai parfois serré les poings devant ce que produit un cerveau , quand les fondamentaux de LUTTE de CLASSE, les repères du Marxisme , l’urgence d ’analyse des modifications du K , de la part dévolue à la "financiarisation" de l’economie , aujourd’hui avec une pieuvre finacière, un rpole des monnaies, etc etc..loin, très loin de ce que Marx aa pu vivre.,
      .......quand cette nécessaire"mise à plat" avec humilité, conduit à des monologues ou je perçois l’insupportable et"subliamle"

      "Je sais , MOI, puisque je VOUS cause, ignorants !"

      Perso, je m’en tiens à rechercher quelques certitudes. ;à partir de "doutes" !

      C’est tout le sens de ma ciation de Gramsci sur mon bistro- blog"(Pub !)

      http://sanseprendrelechou.forumactif.com/forum

      Il faut avoir une parfaite conscience de ses propres limites, surtout si on veut les élargir."

      Je continue -ça aide toujours de faire de l’"exercice" à "nos âges, en faisant travailler ce qui est encore en ordre de marche" , à réfléchir et à échanger, à lire et relire des textes concernant par exemple ce que furent les conséquences de telle ou telle dévaluation en Amérique latine, la conséquence de la non appartenance à lazone EURO, en terme de progrès social, de la Grande Bretagne..

      Tout ça pour dire avec franchise mon souci, que j’aborderai durant lacampagne des européennes :

      Comment lier ces questions d’indépendance (???) de CHOIX progressistes de gestion avec la LDC , le besoin d’Orga révolutionnaire si...-c’est la raison de ma prise de distances d’avec des gens comme leM’PEP notamment avec lesquels j’ai croisé le fer, , on combat le simplisme nationaliste et patriotard des fafs , avec des slogans de copier coller"Sortir del’EURO, Sortir de l’UE)

      ET, en même temps comment lier la campagneà venir, à la permanence de LDC qui implique de ne jamais refuserde "voir" des aspects de profonde recomposition de la sphère "capitalistique" des possédants, assorti de moyens identifiés visant à enfumer le terrain des luttes ?

      Combien dommage l’absence de dizaines de débats , préparés avec les travailleurs et les populations, débats sans tabous, contradictoires, nécessairement sans concession mais avec souci d’ECOUTER les autres !!

      Alors que nous entendons bien que les catégories populaires exsangues , te disent
      " putain d’EURO, putain d’EUROPE"..mais pas "Enfoiré de CAPITALISME"

      Pas simple.

      Mais ne pas laisser croire à un Smicard, un bénéficaire comme mon p’tit fils, pour "vivre" de sa seule "assistance d’handicapé", à ma dernière gamineavec Master et encore sans droit au chom’du...que finir fauché le 2 du mois , avec trois francs en poche pluot qu’avec 50 cm d’euro, une demi piastre ou demain un yen , une rouble ou trois carambars,
      ...que c’est un "moindre mal", cebesoin de mettre en garde fraternnellement sur ce qui parait certes moins complexe que de réfléchir ENSEMBLE,
      ....................c’est un devoir révolutionnaire de COURAGE !

       ça nécessite àla fois departir de ce qui est dans les têtes, ne pas déclamer du marxien à 10 Km des masses, et sans mégaphone,mais porter, en lien avec les colères, les résistances en germe, des IDEES neuves ;

      Avec modestie, en évitant notre habitude de l"affirmation"

       C’est apprendre à savoir dire, à celui qui nous parle, mais qui ne peut pas exprimer du"révolutionnaire" sans ORGA pourl’aider !

      "« OUI..tu as raison..je partage ..Je vis comme toi...On n’en peut plus..Cecidit.., tu crois que si on en reste à"Sortir de l’euro, Sortir de l’Europe" on se SORTIRA de la MERDE ? »

      J’en suis là...

      c’est comme pour le 12..je continue de gamberger

      Mais nous partageons, RICHARD, avec d’autres cette passion pour ce qui est passionnant

      Amitiés coco

      NB

      Bien sur cen’est qu’une parenthèse qui ne se veut pas volonté de polluer un débat concernant Poutine et le Dollar.....

      Pourmoi, la question "POUTINE" c’est mille fois plus complexe

      Je pense qu’on "saucissonne" ces questions sans les mettre dans une cohérence :
       Le cadre des contradictions d’un Impérialisme qui croyait que déboulonner lénine serait étendre sans aucun problème le champ du Capital et son besoin d’accroitre le périmètre des zones ou le taux de Profit peut se "redresser"...dans sa baisse tendancielle.

    • SALUT ALAIN , tu as remarqué que je pose une question ( pour ouvrir le débat ) mais que je n’ apporte pas de réponse pour la bonne raison que je ne connais pas la solution miracle et que les solutions que j’entends ça et là s entrecroisent pour ne pas dire s’entrechoquent parfois ...

      J’ écoute et lit attentivement tout ce qui concerne les sujets qui tournent autour de " sortir de l’europe " et " sortir de l’euro" et il est exact que je trouve également que certaines propositions sont trop belles ou trop "faciles" pour être crédibles , sans compter la non prise en compte des obstacles y compris autoritaires que ne manquera de mettre en place le capital pour empêcher cette sortie .

      Il me semble par exemple évident que sortir de L’EURO et ou de l’ EUROPE sans changer le sytème dominé par les banques relève de l’utopie ou d ’une ignorance totale du fonctionnement du sytème financier dans le capitalisme mondialisé .

      On peut tout de même faire quelques constats , les pays européens capitalistes qui ne sont pas dans l’euro n’ont pas été plus fragiles devant la crise que les autres , ils arrivent bon gré mal gré à mener une politique économique et sociale ( pas toujours dans la bon sens comme la GBT )plus indépendante vis à vis de BRUXELLES . Bien sûr comme cette "indépendance " ne s’effectue pas dans le cadre de la lutte des classes celà ne profite pas aux travailleurs , mais celà démontre néanmoins qu’il est possible de sortir de l’euro .

      D’ aiileurs les derniers entrés ( les ex pays de l EST ) sont pour l’instant écartés de L EURO dans l’attente qu’ils ( selon BRUXELLES ) présentent les critères économiques , ce qui signifie à contrario que si ils étaient actuellement dans la zone euro celà constituerait un frein pour leur économie et ce qui est vrai dans un sens doit également l’être dans l’autre : sortir de l ’ EURO ne conduirait pas forcément à la cata économique .

      D’un point de vue strictement anticiapitaliste , je suis pour la sortie de l ’europe et de l’euro , mais j ai parfaitement conscience que là comme dans d autres domaines , la baguette magique n’existe pas , surtout lorsque le peuple , les travailleurs que l’on soule avec l EUROPE et le spectre de la guerre ne sont pas forcément pour l’instant acquis majoritairement à cette idée .

      saisissons des élections européennes pour relancer le débat sur le sujet et pour appeler tous les mécontents de cette europe des marchés à boycoter les urnes , et pour ceux qui n’aiment pas l’abstention car ils considèrent que voter est un devoir , rappelons leur que pour la première fois le vote blanc sera pris en consédération .

    • Sur ce thème, je suis tombé ce matin sur cet article/résumé (trouvé sur le site du NPA) :

      «  Rompre  » ou «  refonder  », à propos d’un débat sur l’Union européenne

      Est-il possible de «  refonder  » l’Union européenne dans l’intérêt des classes populaires et du progrès des sociétés  ? Si tel n’est pas le cas, l’alternative est-elle de «  rompre  », un pays puis un autre, avec l’UE  ? Ou bien les choses se présentent-elles de façon différente  ?

      La revue Regards (proche de la FASE, organisation membre du Front de gauche et de sa composante Ensemble) a publié sur son site, début janvier 2014, un échange entre d’un côté Cédric Durand et Razmig Keucheyan, principaux auteurs du livre récent En finir avec l’Europe1, et de l’autre Pierre Khalfa, coprésident de la fondation Copernic et ancien responsable de l’Union syndicale Solidaires2. Quoique les intervenants se situent tous dans le cadre du Front de gauche, les questions qu’ils posent concernent directement les anticapitalistes.

      Pas d’Europe en dehors de l’UE  ?

      Dans son texte, Khalfa développe la position qui est traditionnelle au sein de la gauche antilibérale en Europe (elle a encore été reprise lors du congrès du PGE, Parti de la gauche européenne, de décembre 2013 à Madrid) comme en France (nul doute qu’elle servira de base à la prochaine campagne européenne du Front de gauche). Il part d’un principe que l’on peut partager, au niveau de généralité où il est énoncé  : «  nous avons besoin d’Europe. Pas de celle-là, certes, mais d’une Europe refondée  ». Sauf que pour l’auteur, une telle refondation devrait (ou ne pourrait que – mais cela revient au même) s’opérer dans le cadre des institutions actuelles.

      Car Pierre Khalfa met un signe d’égalité entre «  Europe  » et «  Union européenne  ». Il faudrait bien selon lui créer une autre Europe, mais ce ne serait possible que dans le cadre de celle qui est aujourd’hui réellement existante, à savoir l’UE. La disparition de cette dernière serait même gravement contre-productive, car elle ne pourrait laisser la place qu’à des surenchères nationalistes  : «  l’éclatement de l’Europe serait un facteur d’aggravation. Le dumping règne en maître, ce qui favorise la montée de la xénophobie. L’éclatement de l’Union européenne, loin de mettre fin à cette situation, risquerait même au contraire de l’aggraver, chaque pays cherchant à accroître encore plus ses avantages concurrentiels aux dépens des autres pour gagner en compétitivité (…) Au pire, cette rupture avec l’Union européenne sera le fourrier d’un repli nationaliste dont pourrait tout à fait s’accommoder un patronat obsédé par la compétitivité et les gains de parts de marché.  »

      Il en va de même avec l’euro, auquel l’auteur ne fait qu’une référence incidente, mais sans laisser de doute quant au fait que pour lui il faudrait le conserver  : «  contrairement aux dévaluations compétitives prônées par les partisans de la sortie de l’euro  »…

      Cédric Durand et Razmig Keucheyan, ne partagent pas de telles illusions. Signalant cette évidence que les mesures préconisées par le PGE et le FdG (notamment «  un budget européen substantiel et une banque centrale soutenant les finances publiques, des investissements dans les infrastructures écologiques et une assurance chômage continentale  ») sont «  contraires au code génétique des traités européens en vigueur  », ils ne croient pas non plus que l’on puisse réformer des institutions «  dont les fondements démocratiques sont dans le meilleur des cas très faibles, mais le plus souvent inexistants  ».

      L’Union européenne n’est pas un Etat mais un accord interétatique. Ce n’est pas un pays, supra ou plurinational, même en devenir, mais un ensemble de traités (néolibéraux) et d’institutions (non démocratiques). Imaginer la possibilité d’une transformation politique et sociale progressiste sans rupture avec les institutions nationales en vigueur (ici la Ve République, ailleurs des monarchies…) est déjà outrancier. Mais transposer une telle perspective au niveau de l’UE, cela va au-delà du réformisme.

      Un scénario pour une bonne part commun

      Avant d’aboutir à ce désaccord, certes substantiel, Durand-Keucheyan et Khalfa partagent cependant une grande partie du raisonnement. Avant que leurs chemins ne divergent, les uns et les autres insistent en effet sur le fait qu’un ou des gouvernements authentiquement de gauche surgissant dans un ou des pays de l’UE devraient «  désobéir aux traités  ».

      Pour les premiers, cela impliquerait une rupture avec l’Union européenne  : «  au cas où elle connaîtrait des succès électoraux dans un ou plusieurs pays, ce qui est tout à fait possible, une gauche en rupture avec le néolibéralisme sera donc placée devant une alternative implacable  : ravaler ses ambitions de transformation écologique et sociale afin de devenir euro-compatible, ou désobéir et in fine rompre avec l’UE. Il n’y a pas de troisième possibilité.  » Pour le second, comme on l’a vu, cela ouvrirait la voie à un processus de refondation de cette même Union  : «  un gouvernement de gauche désobéissant aux traités au nom d’une autre conception de l’Europe mettrait les gouvernements européens au pied du mur, et les confronterait à leur opinion publique (…) En montrant concrètement qu’il est possible de rompre avec le néolibéralisme, un gouvernement de gauche rendrait cette perspective crédible au niveau européen.  »

      Mais, les passages cités le montrent, les différents interlocuteurs ont encore entre eux un autre accord de fond  : celui de considérer qu’avant le moment de la «  désobéissance  », le fait générateur serait l’installation en Europe d’un, éventuellement de plusieurs, gouvernements «  de gauche  » par la voie électorale, institutionnelle.

      Une autre perspective

      Or, c’est un schéma peu crédible. Chacun a évidemment en tête la situation grecque et la possibilité que surgisse des prochaines élections un gouvernement de gauche dirigé par Syriza3. Mais justement, plus la possibilité d’une future victoire électorale de Syriza paraît se rapprocher, plus l’évolution du parti et de son appareil dirigeant rend un tel scénario improbable  : les aspects progressistes de son programme officiel (par exemple sur la dette) sont gommés, des alliances sont recherchées sur sa droite (avec des secteurs du PASOK et même avec les Grecs Indépendants, liés en France à Dupond-Aignan), sans compter les réaffirmations répétées que le cadre de l’UE et celui de l’euro seraient respectés.

      Imaginons cependant, en tout cas n’écartons pas totalement, l’hypothèse que dans son Programme de transition de 1938 Trotsky jugeait déjà «  pour le moins peu vraisemblable  »  : «  il est, cependant, impossible de nier catégoriquement par avance la possibilité théorique de ce que, sous l’influence d’une combinaison tout à fait exceptionnelle de circonstances (guerre, défaite, krach financier, offensive révolutionnaire des masses, etc.), des partis  » (tels que Syriza) «  puissent aller plus loin qu’ils ne le veulent eux-mêmes dans la voie de la rupture avec la bourgeoisie  ».

      L’expérience des partis et Etats bureaucratiques-staliniens a montré que ceux qui, dans de telles circonstances, ont pu à un moment donné «  aller plus loin dans la voie de la rupture avec la bourgeoisie  » se sont simultanément retournés contre la classe ouvrière – dans leurs frontières et internationalement. Mais c’était une autre époque et de tels phénomènes ont aujourd’hui perdu leur actualité. Ce qu’il importe ici de souligner, c’est que le type de situation objective qui pourrait éventuellement rendre possible une radicalisation (très hypothétique, mais considérons l’hypothèse) de formations réformistes antilibérales aurait, dans le même temps, des répercussions très rapides dans toute l’Europe – voire même s’inscrirait elle-même d’emblée dans une vague européenne. Sans parler du fait que des mesures progressistes un peu conséquentes qui seraient prises par tout éventuel gouvernement européen (par exemple une annulation de dette) auraient des effets boule de neige immédiats au niveau du continent, à commencer par la situation de ses principales banques.

      L’interpénétration très avancée des économies européennes, tout comme la communauté de destin de leurs peuples face à l’austérité capitaliste et à la tutelle néolibérale des institutions de l’UE, rendent un tel processus beaucoup plus plausible que dans le passé. L’internationalisation des révoltes populaires et des processus révolutionnaires, typique de ces dernières années (du Caire à Madrid et Barcelone, New York et Sao Paulo, maintenant Kiev et Tuzla), en renforce la crédibilité.

      En d’autres termes, un processus de «  rupture  » serait d’emblée – ou en tout cas deviendrait très vite – non pas national mais européen. Durand et Keucheyan affirment par ailleurs que «  ce n’est qu’une fois la rupture avec l’UE consommée que la vraie politique pourra commencer  : politique de plein emploi, réorientation de l’économie en fonction des besoins sociaux, intégration internationale solidaire, planification de la transition écologique…  » Il n’y aura pourtant aucune «  vraie politique  » de ce type qui pourrait se mettre en place tranquillement et «  démocratiquement  »  ; mais bien plutôt une déstabilisation générale et un processus d’éclatement de l’UE – dans un cadre de révolutions et (comme c’est toujours le cas) de contre-révolutions voire de guerres.

      Préconiser une ou des ruptures nationales avec l’Union européenne signifie ainsi s’inscrire dans un scénario fort peu vraisemblable. Mais c’est aussi préconiser une orientation politique qui, nonobstant les confusions possibles avec le discours de courants souverainistes ou nationalistes, ne prépare pas aux affrontements à venir.

      L’alternative est d’indiquer que les institutions de l’UE, foncièrement, consubstantiellement anti-ouvrières et antisociales sont à renverser, mais qu’elles ne pourront l’être que par l’action conjointe des travailleurs et des opprimés d’Europe. Nous sommes toutes et tous dans la même galère, confrontés à des forces qui nous sont aujourd’hui infiniment supérieures. Nous ne pourrons nous en sortir qu’en nous unissant et en joignant nos forces. Et en préparant ainsi, dans le même temps, l’avènement d’une autre Europe, démocratique, des travailleurs et des peuples.

      Jean-Philippe Divès

      Notes

      1 Yann Cézard en a fait une recension critique dans le numéro 46 (septembre 2013) de notre revue.

      2 Voir http://www.regards.fr/web/Desobeir-a-l-U... pour la contribution de Durand et Keucheyan, http://www.regards.fr/web/Desobeir-a-l-U... pour la réponse que leur fait Khalfa.

      3 Voir notamment l’article d’Emil Ansker, «  La gauche révolutionnaire grecque à un tournant  ?  », dans le numéro 51 (février 2014) de cette revue.