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Prisons : Perben prend des libertés avec la réalité
Publie le samedi 28 février 2004 par Open-PublishingRéponse discutable au rapport critiquant la surpopulation carcérale.
C’était un rapport accablant. Le Comité européen de prévention de la
torture y parlait de « traitements inhumains et dégradants » dans les
prisons françaises (Libération du 28 janvier). Notamment en raison d’une
inflation carcérale sans précédent depuis la Libération. Aux sévères
critiques des experts européens, le garde des Sceaux a répondu à sa
manière. Légèrement par-dessus la jambe.
Ainsi, le CPT soulignait un surpeuplement dû à « une politique pénale
répressive », mettant, de fait, en cause les récentes et sécuritaires
lois Perben et Sarkozy. Pas du tout, répond Perben dans ses
« observations » que Libération s’est procurées : « le surpeuplement
invoqué ne trouve pas sa source dans un excès de pénalisation des
comportements délictueux et criminels, mais dans l’insuffisance du parc
pénitentiaire ». Et aussi dans « l’augmentation réelle de la délinquance
que la France a subie ces dernières années ». Une réponse assez
incohérente. D’abord parce que son « ami » Sarkozy ne cesse de se vanter
de la baisse de cette même délinquance. Et aussi parce que le
gouvernement Perben et Sarkozy en tête aimant à invoquer « la
tolérance zéro », se targue publiquement de ses lois plus répressives et
plus efficaces.
Au CPT qui assurait dans ses conclusions : « aucun progrès réel ne pourra
être accompli sans réduction immédiate et drastique du surpeuplement »,
Perben répond par un « programme de construction (initié par la gauche,
ndlr) comportant 13 200 places ». Le ministre de la Justice avance aussi
les taux d’incarcération de certains pays européens, tels l’Italie, les
Pays-Bas, le Luxembourg, l’Espagne, l’Angleterre « tous supérieurs à 100
détenus pour 100 000 habitants, et pour certains supérieurs à 130
[...] », tandis que la France, « avec 60 536 détenus pour 61 684 300
habitants, présente un taux de 98,1 ». Une manière de botter en touche,
face à des prisons Loos et Toulon où le CPT a compté une
suroccupation de 240 %, avec des « détenus confinés à trois dans des
cellules de 9 m2, ou, au quartier des femmes, à quatre voire à cinq dans
12 m2 ».
Une réponse pas très glorieuse non plus, puisque, selon les statistiques
européennes, l’Albanie, l’Autriche, la Belgique, la Croatie, le
Danemark, la Finlande, l’Allemagne, la Grèce, la Norvège [...] et même
la Turquie ont des taux de détention inférieurs à 100 pour 100 000.
Autre paradoxe, le garde des Sceaux avance ses efforts pour « développer
les mesures alternatives à l’incarcération », contenues dans sa future
loi Perben 2, alors qu’en même temps des ordres sont donnés aux
procureurs pour requérir des peines plus sévères.
Le CPT avait aussi critiqué la fermeture, dans la journée, depuis mai
2003, des portes de cellule dans les centrales de haute sécurité,
supprimant ainsi, aux condamnés à de longues peines, la possibilité
d’une petite autonomie préconisée par l’institution européenne. Evoquant
des motifs de sécurité, Perben « n’envisage pas » de revenir sur la
mesure. Lorsque le rapport du CPT avait été dévoilé en janvier, le garde
des Sceaux l’avait minimisé, assurant qu’il contenait « des erreurs et
des approximations ». Et sa réponse n’est guère moins désinvolte.
Libération