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Procès Yvan Colonna : Le témoignage inattendu d’un commissaire, a fait l’effet d’une bombe

Publie le samedi 14 février 2009 par Open-Publishing
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Didier Vinolas était le dernier témoin de la journée. Il était un peu plus de 19 h 30, vendredi 13 février, quand il s’est présenté à la barre du procès en appel d’Yvan Colonna. Son témoignage a fait l’effet d’une bombe sur la cour d’assises spécialement composée de Paris. L’issue du procès pourrait s’en trouver bouleversée.

Selon ce commissaire divisionnaire, deux hommes susceptibles d’avoir appartenu au commando responsable de l’assassinat du préfet Claude Erignac, le 6 février 1998, à Ajaccio, seraient encore en liberté. Pis. Alors que leurs noms seraient connus depuis sept ans de plusieurs hauts responsables de la justice et de la police, ils n’auraient jamais été inquiétés.

Devant la cour, qui juge depuis le 9 février M. Colonna, M. Vinolas a refusé de dévoiler ces noms. "Ce serait trop dangereux", s’est-il justifié, tout en assurant les tenir d’une source "tout à fait respectable et digne de foi".

"Mais pourquoi avoir attendu jusqu’à ce jour pour livrer une telle information ?", se sont étonnés en choeur le ministère public et les parties civiles. "Je ne vivrai pas jusqu’à la fin de ma vie avec ça sur la conscience", a-t-il répondu. Déjà interrogé lors des précédents procès - celui du commando qui avait préparé l’assassinat, en juin-juillet 2003, et le premier procès de M. Colonna, en novembre-décembre 2007 -, M. Vinolas avait choisi de ne pas faire état de ces informations.

En septembre 2002, il en avait révélé la teneur au procureur de la République de Paris de l’époque, Yves Bot, lors d’un dîner. Selon M. Vinolas, ce haut magistrat aurait alors rencontré un informateur anonyme afin d’en vérifier la crédibilité. M. Vinolas s’en était aussi ouvert à l’actuel directeur de cabinet du préfet de police de Paris, Christian Lambert.

A l’époque, ce dernier était patron du RAID, avant de devenir préfet chargé de la sécurité en Corse. "J’ai donné les noms à Lambert. Il m’a dit qu’il en connaissait un. C’était, selon lui, un personnage périphérique", a-t-il indiqué.

Pour le patron du RAID, qui était à la tête de ces hommes lors de l’arrestation de M. Colonna le 4 juillet 2003 dans la bergerie de Monti-Barbatu (Corse-du-Sud), comme pour le procureur de la République de Paris chargé des affaires terroristes, ces renseignements n’auraient présenté aucun intérêt. Magistrats et policiers disposaient alors de la version qui leur avait été racontée en garde à vue par les hommes du commando en mai 1999 ; ils mobilisaient tous leurs moyens de recherche dans la traque de M. Colonna, et ne menaient plus aucune investigation dans des directions jusque-là inexplorées.

Cité par les avocats de la famille Erignac, M. Vinolas est un fonctionnaire de police sans histoire. Il a exercé des missions à la police judiciaire, aux renseignements généraux et au ministère de l’intérieur, où il fut voisin de bureau de Jean-Hugues Colonna, le père d’Yvan. Il est devenu directeur de projet en détachement à la Ville de Paris. Lors de l’assassinat du préfet Erignac, il occupait les fonctions de secrétaire général adjoint à la préfecture de région de Corse. Il était à ce titre l’un des plus proches collaborateurs du plus haut représentant de l’Etat dans l’île.

Depuis "mai ou juin 2001", a-t-il témoigné, il avait un poids sur la conscience. C’est à cette époque que le sous-préfet de Corte (Haute-Corse), Jacques Naudin, lui a fait une première confidence. M. Naudin aurait été destinataire d’un renseignement de première importance concernant l’attaque, par un commando de nationalistes, de la gendarmerie de Pietrosella (Corse-du-Sud) dans la nuit du 5 au 6 septembre 1997. Cette attaque avait permis au groupe des "anonymes" de s’emparer de l’arme utilisée pour abattre le préfet. Trois mois plus tard, en septembre 2001, M. Vinolas est approché par un personnage - celui dont il protège encore l’anonymat. Celui-ci aurait été en possession d’informations sur M. Colonna, et en aurait demandé 300 000 euros. Vrai ou faux ? M. Vinolas s’interroge. "Je craignais que le tuyau soit crevé", dit-il encore. Le commissaire Vinolas soupçonne désormais que des informations de première importance ont été dissimulées. "Vous avez gardé par-devers vous des renseignements qui pourraient innocenter un accusé", s’est indigné Me Gilles Simeoni, un des avocats de M. Colonna. Ces nouveaux éléments sont "d’une gravité extrême", a-t-il insisté. La défense de M. Colonna va demander l’audition de M. Bot, actuellement avocat général à la Cour de justice des communautés européennes. Samedi 14, Me Patrick Maisonneuve a ajouté que la défense réclamerait aussi un supplément d’information.

Yves Bordenave

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