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Progrès social (suite) Licenciement des fonctionnaires ?
Publie le mardi 2 février 2010 par Open-PublishingJusqu’alors un fonctionnaire ne risquait la porte qu’en cas d’insuffisance ou de faute professionnelle. Demain, il pourrait en aller tout autrement. Les syndicats ont découverts hier avec stupéfaction un projet de décret autorisant leur licenciement pur et simple. Et même pire, à les en croire.
Le texte, qui doit être présenté le 11 février au Conseil supérieur de la fonction publique, accompagne la loi de mobilité sur la fonction publique adoptée en juillet. La mesure concerne tout "fonctionnaire dont l’emploi est supprimé dans le cadre d’un projet de réorganisation ou d’évolution de l’activité du service".
Dans un premier temps, l’intéressé est placé en statut de "réorientation professionnelle" : tout en le conservant à sa disposition pour des missions ponctuelles dans une administration territoriale ou dans un hôpital, l’Etat-employeur lui garantit un accompagnement personnalisé - bilan de compétences, entretiens, etc. L’administration est susceptible surtout de lui proposer de nouvelles fonctions afin de le réintégrer. Mais, attention, l’agent qui refuserait trois postes, peut être "mis en disponibilité d’office". En clair : il ne travaille plus ... et ne reçoit plus de salaire.
Cette période de disponibilité ne doit pas durer ad vitam aeternam. L’administration est censée proposer de nouvelles opportunités de réintégration. Mais là encore, le chiffre fatidique de trois offres refusées conduit à une sanction : le licenciement définitif, avec indemnité cette fois.
"Sans aucun dialogue social"
Ce serait peu de dire que ce nouveau dispositif inquiète les syndicats. Ceux-ci estiment, comme Vincent Blouet, secrétaire national de l’Union des fonctionnaires CGT de la CGT, que "la procédure ne respecte même pas le minimum prévu par le code du travail en cas de restructuration dans le privé." En cas de licenciement économique, les entreprises sont tenues à des règles strictes d’information, de consultation et de reclassement dont l’Etat semble vouloir se dispenser.
Autre crainte des syndicats : entre un fonctionnaire mis en disponibilité et non rémunéré, et un ex fonctionnaire devenu chômeur et indemnisé, l’Etat ne va-t-il pas traîner les pieds avant de procéder au licenciement pur et simple ? Ce texte est "très lourd", "dangereux pour la carrière des fonctionnaires" et présenté "sans aucun dialogue social", critique pour sa part Brigitte Jumel, secrétaire générale des fonctionnaires CFDT.
"Profondément normal"
Vincent Blouet reproche également au texte son flou : les postes proposés ne seront pas nécessairement dans la même région ou le même métier, note le syndicaliste, "on pourra vous licencier si vous refusez un transfert à Marseille alors que votre conjoint travaille à Lille". "Rien non plus n’est précisé pour définir la notion de restructuration qui peut en fait s’appliquer à toute la fonction publique, en raison de la Révision générale des politiques publiques", poursuit-il.
Enfin, le projet de décret sur la réorientation professionnelle des agents de l’Etat prévoit dans son article 2 qu’un fonctionnaire est placé "en réorientation professionnelle", par "arrêté ministériel" ou par "l’autorité investie du pouvoir de nomination dans l’établissement". "Jusqu’ici, les changements d’affectation imposés passaient par une commission administrative paritaire, là, il n’y aura plus aucune discussion, plus aucune transparence", dénonce Anne Balthazar, secrétaire générale des fonctionnaires FO. "Cela va vers la fin de la garantie d’emploi", déplore-t-elle.
Ces critiques n’émeuvent guère le ministre du Budget et de la Fonction publique. Eric Woerth a jugé "profondément normale" cette nouvelle procédure, mardi sur France Info. "Si la personne refuse, c’est qu’au fond elle n’a plus envie de travailler dans l’administration" et il n’y a "pas de raison que l’administration continue à ce moment-là à payer", a-t-il jugé. L’intersyndicale, qui a demandé hier le retrait du projet de décret, se réunira le 8 février. Les syndicats tenteront de retrouver un peu d’unité, alors que se profilent d’autres combats à l’horizon : négociations salariales triennales et réforme des retraites.
Par David Straus le 02 février 2010 à 10:12