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Puisqu’on vous dit qu’à Tunis, tout va bien…

Publie le jeudi 13 janvier 2011 par Open-Publishing
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Hier soir, Tunis a vécu sa première nuit de couvre-feu. Tout au long du weekend dernier, la pression du régime est montée suite à l’arrestation de plusieurs opposants (dont Slim Amamou rédacteur, entre autres, pour ReadWriteWeb). En début de semaine, la répression a commencé de manière forte et entre le massacre de Kasserine et les affrontements à Thala, la police ne fait plus que contenir le mécontentement des manifestants, elle tire. A balles réelles. Elle fait des morts, elle fauche des civils sans se soucier de leurs revendications puisqu’elle n’est pas là pour protéger le reste des habitants du pays, mais bel et bien pour TERRORISER une nation toute entière. J’ai joint un membre de ma famille hier soir qui me disait dégoût d’être coincé chez lui, dans les environs de Tunis. La rage est là, l’envie de sortir, de ne pas laisser le soufflé retomber aussi. Mais qui dit couvre-feu dit excuse rêvée pour la police de tirer sur tout ce qui bouge, et il est « hors de question de laisser ce plaisir à ces connards ». Ça ferait trop le jeu du régime.

Pendant ce temps, de l’autre côté de la Méditerranée, nos ministres et ex-ministres semblent s’être donné le mot pour jouer à « Qui Dira La Plus Grosse Connerie ». Frédéric Mitterand a lancé le bal dimanche, se foutant à dos toute la population en niant, purement et simplement ce pour quoi un pays tout entier est en train de se battre « Dire que le Tunisie est une dictature univoque, comme on le fait si souvent, me semble tout à fait exagéré. ». Notre Ministre de la Culture a été suivi de près par Michèle Alliot-Marie qui hier, face à l’assemblée nationale (FACE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE DE LA FRANCE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AVEC LES DÉPUTÉS DEDANS), a proposé d’envoyer au régime en place et à la milice de Ben Ali (je n’arrive plus à parler de l’armée ou de la police en Tunisie, vu l’absence totale de service à la population que l’on connait à ces deux administrations) des policiers pour partager « l’expertise » de la Police Nationale Française dans ce genre de débordements. Enfin, hier soir, sur BFMTV, Fadela Amara, fraîchement nommée Inspectrice Générale Aux Affaires Sociales a lancé « il ne faut pas se tromper de combat. L’ennemi c’est l’intégrisme ».

Reprenons ensemble, si vous le voulez bien :


Monsieur le Ministre de La Culture,

J’ai toujours aimé vous entendre parler avec émotion du Café Sidi Chebhane de Sidi Bou Saïd et des rues de Hammamet dans lesquelles vous passâtes (oui, oui, passâtes) votre enfance en vacances. J’ai toujours eu beaucoup de fierté à vous voir lancer des fleurs au pays d’origine de mes parents dés que vous en aviez l’occasion, de votre voix lancinante et si reconnaissable. Mon affection pour Bertrand Delanoë a les mêmes origines : vous êtes (presque) un « enfants du pays ». Alors je comprends que pour vous, vos vacances, votre villa de la Marsa et la Tunisie de carte-postale que vous semblez particulièrement affectionner, le statu quo et le régime de Ben Ali, c’est ce qui vous arrange le plus. Et en vrai, j’aurais du mal à vous jeter la pierre, c’est finalement assez humain de vouloir se préserver son petit plaisir égoïste. Mais si c’est pour sortir des énormités de ce genre, franchement Frédéric (vous permettez que je vous appelle Frédéric ?), on va dire qu’on s’en passera. Ou alors c’est moi qui divague, hein. Un pays ou aucun organisme de presse et d’information indépendante n’est toléré, un pays où la corruption au plus haut niveau et la nation entière semblent n’être là que pour enrichir un « Président » et son entourage, un pays où ce même « Président » est élu au minimum à 89,62% depuis 23 ans, finalement, ça n’est pas du tout la définition d’une dictature univoque. Non. J’exagère. Vraiment, il faudrait que je pense à faire attention, je me laisse emporter par mes émotions.


Madame la Ministre des Affaires Étrangères,

Tout d’abord, comment ça va au Quai d’Orsay ? Vous êtes bien installée ? Vous avez tout ce qu’il vous faut ? Ils ont pensé à passer vous faire le plein en capsules Nespresso ? Non parce que si ce n’est pas le cas, il faut nous dire, hein, on enverra un mémo à Jacqueline de la compta, c’est elle qui fait les commandes. Donc ça va ? Super. On est bien content. Maintenant, il faudrait penser à réfléchir un peu avant de dire des trucs, parfois. Parce qu’en fait, Madame la Ministre des Affaires Étrangères, le mercredi après-midi à l’Assemblée Nationale, c’est les Questions au Gouvernement, c’est pas Question pour Un Champion. Y’a pas de buzzer ni de points qui descendent si on ne dit pas VITE quelque chose. Non. Vous avez le temps de tourner votre réponse 7 fois dans vos services de communication (et d’en virer la moitié, par la même occasion), avant de l’ouvrir. Mais vous avez raison, Madame La Ministre des Affaires Étrangères, proposer d’envoyer un « soutien » et une « expertise » françaises à des « forces de l’ordre » qui TIRENT À BALLES RÉELLES SUR LA POPULATION (plus de 30 morts à ce jour, et encore plus de blessés), ça me parait aussi tout à fait justifié. Non mais on imagine bien la scène hein, de Roger capitaine de brigade français, conseillant Abdelhamid, chef de la police Tunisoise : « Alors tu vois Abdelhamid, le problème, c’est que tu fais un coup de semonce avant, donc les groupes s’éparpillent, ce qui fait que quand tu tires dans le tas ensuite, évidemment, y’a des espaces. Et quand y’a des espaces, tes balles ne touchent pas à tous les coups, et dans ce genre de situations, les balles, faut pas gâcher ». En gros, vouloir prêter main forte au régime de Ben Ali, c’est comme de dire qu’on va aller filer un coup de main, comme ça, entre voisins, à un tueur en train de dépecer sa victime dans une allée, en bas de l’immeuble. Non mais parce que, vous avez raison, Madame la Ministre des Affaires Étrangères, l’efficacité, c’est ce qu’il y a de plus important.


Fadela,

Tu permets que je t’appelle Fadela ? Hein ? Enfin en même temps, même si tu permets pas, je vais le faire, et puis je vais te tutoyer aussi, parce qu’entre blédards, on est comme ça, on est tous un peu cousins, si j’en crois les mecs qui me taxent des clopes à Châtelet. Donc Fadela, pour toi, ce qui importe le plus, c’est de combattre l’intégrisme, hein ? De faire rempart ? C’est ça ? De faire rempart contre l’intégrisme ? C’est bien, on saurait pas que t’est passée au gouvernement FRANCAIS, et que tu occupes un poste de haut-fonctionnaire FRANÇAIS, on pourrait croire que tu fais partie de l’organisme de propagande tunisien AMMAR qui envoie ses trolls laisser des commentaires débiles sur tous les billets anti Ben Ali qu’ils trouvent sur les internets. Non parce que l’argument est surranné et absolument plus d’actualité. Comme le note Pascal Boniface : « L’immobilisme politique, l’absence de tout débat public créent un espace pour l’islamisme (NdlA : en Tunisie) ». Ce qu’il y a de bien, c’est que finalement, vous n’êtes pas très éloignés dans vos avis, Ben Ali et toi. Toi tu te « bats » contre l’intégrisme religieux, lui, se bat contre l’intégrité politique. C’est juste une bête question de terminaison cette histoire. Un simple malentendu, c’est ça ? Hein ? Dis-moi que c’est ça Fadela ? Parce que si ce n’est pas le cas, je te demanderai de bien vouloir te taire, plutôt que de dire des conneries grosses comme Roselyne Bachelot (on avait dit pas le physique).


Parce que finalement, c’est le point commun de toutes ces déclarations.

Plutôt que de sortir des énormités dans le genre, je pense qu’on aurait tous préféré que vous gardiez le silence, messieurs et mesdames « du » et « ex » gouvernement. A l’ouvrir comme ça, tout ce que vous faites, c’est rouer de coups de pieds une population déjà à terre, c’est cracher à la figure de millions de Tunisiens qui tentent aujourd’hui de regagner une liberté depuis longtemps perdue. En avançant ce genre de choses, vous piétinez la mémoire des dizaines de morts, tombés parce qu’ils voulaient s’exprimer. Vous riez au nez de Slim Amamou et des autres opposants emprisonnés. En même temps, je m’énerve sur vous alors que le Président de la République, lui, n’a toujours pas dit un mot sur la situation. Que la communauté internationale se fait timidement entendre, alors que les gens crèvent encore aujourd’hui, dans tout le pays.

Il y avait finalement un maigre avantage quand vous faisiez comme la population tunisienne depuis 23 ans, et que vous ne vous exprimiez pas (même si, vous, c’était par choix) : quand on ne vous entendait pas, il nous restait l’espoir que vous alliez l’ouvrir pour vous positionner comme tout le monde s’attend à ce que la NATION DES DROITS DE L’HOMME se positionne : pour défendre les droits des hommes, pas ceux d’un dictateur corrompu.

http://cestlagene.com/2011/01/13/puisquon-vous-dit-qua-tunis-tout-va-bien/

Messages

  • Les miliciens de Ben Ali font régner la terreur en Tunisie

    Alors que l’insurrection a gagné l’ensemble du pays et touche dorénavant la capitale, Tunis, ou il y a eu au moins un mort, des très graves dérapages sont signalés.
     Une partie de la police de Ben Ali, transformée en milice, fait régner la terreur en s’attaquant aux citoyens. Meurtres, pillages et viols sont signalés dans plusieurs villes. Les miliciens en civils, pourchassent les citoyens, incendient les infrastructures, pillent les biens privés. Selon des informations obtenues par nos correspondants sur place, l’appareil policier qui entoure Ben Ali, a décidé de se maintenir au pouvoir coute que coute. Impliqués pendant des années dans une politique répressive, (enlèvements, tortures, racket en tous genre) ils savent que la population leur demandera des comptes si le régime change.
    Face au hésitations de la communauté internationale, voire dans certains cas, à la complicité de certains dirigeants, notamment le président français, Nicolas Sarkozy qui tente de sauver le régime actuel, l’appareil policier de Ben Ali s’engage dans une guerre totale contre la population.
    Radio Kalima le 13 janvier 2011.

    http://www.kalimadz.com/fr/index.php

    L’armée fraternise avec les manifestants à Sfax le 12 janvier 2011

    http://www.youtube.com/watch?v=9_fslhS-WgE

    Une grande partie de l’Armée tunisienne est avec le peuple et le protège lors de ces manifestations contre la police.