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Publie le mardi 8 mai 2007 par Open-Publishing
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L’ancien trésorier de Dominique Perben a été condamné fin février 2007 à deux ans de prison ferme.
Il avait détourné plusieurs millions d’euros dans le cadre de ses fonctions de liquidateur judiciaire.
En fait, il pillait les entreprises en faillite qu’on avait placé sous sa responsabilité.

Me Jean-Yves Aubert, ex-mandataire judiciaire de Chalon-sur-Saône et proche de l’ancien maire aujourd’hui candidat UMP à la mairie de Lyon, n’a pas pu expliquer où était passé tout cet argent.


Montebourg dénonce une justice aux ordres

Me Jean-Yves Aubert, ex-mandataire judiciaire de Chalon-sur-Saône, a été jugé fin février pour avoir détourné de l’argent d’entreprises en difficulté. Mais Arnaud Montebourg, député PS de Saône-et-Loire, accuse la justice de ne pas avoir cherché où allait cet argent en soulignant qu’Aubert finançait les campagnes électorales de Dominique Perben, ancien député-maire UMP de cette ville.

Vous accusiez Dominique Perben de bloquer cette affaire, mais le procès de Me Aubert a bien eu lieu !

Arnaud Montebourg : Oui, mais je maintiens que l’instruction de cette affaire s’est déroulée sous influence politique ! Le juge d’instruction a quand même volontairement limité ses recherches aux malversations de Me Aubert, alors qu’il aurait dû procéder à une vérification systématique des 900 dossiers de son étude et de ses douze comptes bancaires.

Qu’est-ce que les magistrats auraient pu trouver ?

Découvrir à qui a profité tout cet argent ! C’était le minimum. Car des millions d’euros ont été détournés. Quand le président du tribunal l’a interrogé sur ce point, Me Aubert s’est contenté de dire qu’il avait tout dépensé. Mais c’était au juge d’instruction de découvrir comment a été utilisé cet argent ! Or, le magistrat s’est volontairement contenté de démonter le mécanisme de détournement de l’argent, sans chercher s’il y avait d’autres bénéficiaires qu’Aubert qui gagnait quand même jusqu’à 60 000 euros par mois au temps de sa splendeur. Je n’ai jamais vu une affaire financière où la justice ne s’intéresse qu’aux détournements en faisant l’autruche sur l’usage qui a été fait des fonds détournés.

Quelles pistes la justice n’a pas vérifiées ?

Moi-même, j’ai été destinataire de plusieurs lettres anonymes parce qu’à l’évidence les témoins avaient peur dans cette affaire, que j’ai transmises à la justice et qui faisaient état de montages financiers passant par des paradis fiscaux dans les Caraïbes. Plus grave, aucune victime de Me Aubert n’a pu se porter partie civile dans ce dossier.

Comment la justice a bloqué les plaintes des victimes ?

Le juge d’instruction a exigé que ce soit ces victimes qui apportent la preuve de la culpabilité de Me Aubert ! Ce qui était très difficile pour ces petits patrons et petits artisans qui ont tout perdu. Alors que ce magistrat aurait dû leur offrir le concours de la justice pour les aider à obtenir réparation du préjudice qu’ils ont subi. Et ceux qui ont quand même porté plainte se retrouvent aujourd’hui dans une seconde procédure qui, j’en prends le pari, va dormir dans les tiroirs de la justice chalonnaise !

Pourquoi le juge d’instruction a refusé d’entendre les victimes d’Aubert ?

Parce qu’elles auraient naturellement posé des questions sur les bénéficiaires de ces détournements. Des questions que la justice de Chalon a refusé de se poser ! C’est pour ça qu’elle a traité ces victimes comme des gêneurs. Mais dans une affaire financière, on ne juge pas que celui qui détourne l’argent mais on enquête aussi sur ceux qui en profitent !

Et comment vous expliquez que les médias parlent si peu de cette affaire ?

Parce qu’il y a là aussi une forme de silence autour d’intérêts politiques qu’il faudrait à tout prix protéger. D’ailleurs le journal de Saône-et-Loire, le quotidien de Chalon, a toujours refusé de me donner la parole sur cete affaire, contrairement à Lyon Mag. D’ailleurs, je peux vous dire que vos numéros consacrés à cette affaire Aubert ont été très lus en Saône-et-Loire, notamment par tous ces artisans et patrons floués. Comme tous ceux qui attendent que la vérité éclate enfin.

Vous avez des soupçons sur les destinataires de cet argent ?

Ecoutez, ce procès a eu au moins le mérite de montrer au grand jour tout le réseau d’influence mis en place par Me Aubert pour plumer les entreprises. Car s’il a pu gonfler ses honoraires en toute impunité pendant 20 ans, c’est grâce au président du tribunal de commerce, Gentien, conseiller général UMP et à l’époque suppléant de Perben à l’assemblée nationale, qui a signé toutes les ordonnances validant ses magouilles.

Mais Gentien n’a pas été poursuivi dans cette affaire !

Ce qui démontre bien le manque de curiosité de la justice chalonnaise dans cette affaire ! Normalement, c’était à Gentien, en tant que président du tribunal de commerce, de contrôler un mandataire judiciaire comme Aubert. Or, il lui laissait tout faire. C’est d’ailleurs pourquoi j’avais demandé à Gentien de démissionner puisqu’on a aujourd’hui les preuves de son incompétence. C’est quand même le minimum !

Cet argent a pu profiter à Perben pour financer sa carrière politique ?

Je me garderais bien de lancer toute accusation puisque la justice a verrouillé cette affaire ! Mais c’est de notoriété publique : Aubert était le trésorier de Perben et du RPR à Chalon. Aubert était aussi un ami de Perben qui lui a remis la légion d’honneur. Et Perben s’est opposé à toute réforme des tribunaux de commerce et il a même procédé par décret ministériel à une augmentation scandaleuse des honoraires des mandataires judiciaires quand il était ministre de la Justice.

Comment vous expliquez ce blocage de la justice ?

Le plus choquant, c’est que cette affaire Aubert ait été jugée à Chalon-sur-Saône. Avec un procureur, nommé par le gouvernement à l’époque où Perben était ministre de la justice, et un juge d’instruction qui a fait partie du cabinet de Gérard Longuet, quand il était ministre et qui lui aussi est membre de l’UMP.

Vous remettez en cause l’indépendance du juge d’instruction ?

Je dis que les conditions n’étaient pas réunies pour que la justice travaille avec sérénité dans cette affaire qui aurait dû être délocalisée pour être confiée à un pôle financier comme celui de Paris. Avec des magistrats aguerris qui auraient pu faire leur travail sans être gênés par les pressions inévitables à Chalon. Mais si cette affaire a été mise sous cloche à Chalon, ce n’est pas un hasard. Et cela démontre une fois de plus que la justice peut être, à juste titre, intraitable avec les petits délinquants, mais bien trop complaisante quand elle juge les amis du pouvoir en place !

Quelle leçon vous tirez de ce procès ?

Un arrière-goût d’injustice. Les patrons, les artisans et les salariés qui ont été spoliés par Aubert et son réseau ne connaissent toujours pas la destination finale des fonds détournés.

On ne saura jamais à qui a profité l’argent détourné par Aubert ?

Il y a quand même un autre dossier, c’est l’affaire Aubry, un transporteur qui a fait faillite et dont le dossier a été confié à Me Aubert. Un dossier où sont apparues des malversations immobilières. Des proches de Perben pourraient être mis en cause dans cette affaire, en particulier un de ses anciens adjoints. Et je peux vous dire que j’exigerai, comme les victimes, la vérité. Nous n’accepterons pas que la justice ferme les yeux une nouvelle fois !

© Lyon Mag, février 2007
 http://www.lyonmag.com/spip.php?art...

Messages

  • C’est qu’un début, nous allons, à n’en pas douter, en apprendre de bien bonnes sur "l’excellente moralité" de l’UMP. Je commence à sourire ! Le feuilleton des semaines à venir va réveiller les doux rêveurs qui ont ouvert la porte qu’il ne fallait pas !