Quand Michèle Alliot-Marie veut faire des maires des intouchables...

Par Bruno Lamothe

Hier midi, au lendemain de l’intervention de Nicolas Sarkozy au Congrès de l’AMF (Association des maires de France), Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, des Collectivités territoriales, des fêtes foraines et des chiens dangereux, était amenée à lui succèder à la tribune.

Et la ministre a donné un avant goût de "l’Etat Sarkozy", de la "rupture", tant vantée à droite...

Une intervention qui a profondément surpris, voire choqué les édiles présents, dans sa partie axée sur la responsabilité pénale des élus locaux. A tel point que le communiqué de l’AMF dénonce un discours qui , "a surpris nombre d’observateurs, qui soulignaient que le dossier, plutôt nourris d’affaires nombreuses voici quelques années, jusqu’à ce que la loi Fauchon du 10 juillet 2000 limite les risques des élus dans le domaine des infractions non-intentionnelles, était désormais globalement réglé".

Mais comment faire pour s’attirer la symathie des maires lorsque les problèmes sont réglés ? Eh bien en en inventant des imaginaires, tout simplement ! Ainsi, les maires de France ont pu apprécier le spectacle d’illusionniste : "la ministre a posé plusieurs questions donnant le sentiment que quelques cas (sans les citer) restent réels et relancent le débat" s’étonne le communiqué.

Et la ministre, en pleine séance de retape, de se scandaliser "Comment justifier qu’un maire puisse être traduit devant le tribunal correctionnel pour un accident survenu le lendemain de son élection ?" Les juristes et les élus savent bien que c’est impossible, puisque le droit pénal prévoit que l’on ne saurait répondre de faits dont on n’est pas responsable... Mais, en effet, tout est dans "l’impression". Seconde interrogation, "comment tolérer que, dans un contexte de juridicisation croissante de la vie publique, le droit soit instrumentalisé à l’appui de rivalités politiques ?" : on passe là à l’étape supérieure, puisqu’il s’agit d’une violente mise en cause des juges qui, volontairement ou manipulés (parce qu’un magistrat est stupide, dans l’esprit de Madame Alliot-Marie) livreraient non plus la justice, mais un combat politique.

Mais nous n’étions pas au bout de notre surprise : "MAM", visiblement heureuse de pouvoir s’exprimer et de se sentir aimée a annoncé deux réformes importantes : tout d’abord, "en ce qui concerne le favoritisme, je souhaite un déclassement du délit en contravention pour les marchés inférieurs à 210 000 euros". Et puis, puisque plus c’est gros, mieux ça passe, "en ce qui concerne la prise illégale d’intérêt, je souhaite éviter qu’un maire puisse être condamné à l’occasion de l’octroi d’une subvention à une association communale".

Rappelons quand même que le favoritisme est le fait, lors d’un marché public, de procurer à un candidat à l’attribution du marché un avantage injustifié par rapport aux autres. Le fait, pour un maire UMP, par exemple, de préférer un fournisseur choisi parmi ses proches...

Quant à la prise illégale d’intérêt, c’est tout simplement le fait, par exemple, de diriger une association au profit duquel on ferait voter une subvention...

Mais ce n’était pas totalement terminé : il manquait, bien entendu, la traditionnelle charge contre les méchants fonctionnaires de l’Etat qui "ne doivent être là ni pour jouer les censeurs ni pour se muer en technocrates tatillons" suivi de l’hommage vibrant au nouveau maître à penser de la "droite décomplexée", Jacques Attali, avec une charge violente contre le principe de précaution : "Je crois que si le principe de précaution est une chose, l’asphyxie normative en est une autre" a tenu à marteler la ministre.

Le discours de l’ancienne présidente du RPR (qui vient d’ailleurs d’être "autorisée à témoigner" sur le dossier de l’affaire Clearstream) a été injustement passé sous silence par les médias. Il est pourtant révélateur de cette nouvelle ligne politique inaugurée voilà tout juste six mois : dure face aux faibles, faible face aux puissants.

http://ensemble-a-gauche.over-blog.com/article-14002975.html