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Quel avenir pour l’Irak "Ou les subtilités de la constitution provisoire irakienne"
Publie le mardi 8 juin 2004 par Open-Publishing2 commentaires
La guerre en Irak a eu lieu il y a déjà plus d’un an. Plutôt que de continuer à dénoncer une occupation qui est hélas devenue nécessaire maintenant que les structures politiques irakiennes pré-existantes ont volé en éclat, pourquoi ne pas s’intéresser à l’avenir de ce pays et regarder de plus près ce qui s’y prépare ? C’est le geste qu’ont fait les opposants à la guerre de l’année dernière - essentiellement France, Allemagne, Russie et Chine - en donnant leur accord à la nouvelle résolution américano-britannique sur le futur de l’Irak déposée à l’ONU. Les derniers aménagements retenus visent en effet à équilibrer les pouvoirs entre Irakiens et occupants, en donnant aux premiers un droit de regard sur les actions militaires engagées par les forces de la coalition, mais ne remettent pas en cause le principe même de l’occupation.
Au-delà de cet accord qui tente de poser les bases du développement de la société irakienne, il est intéressant de se pencher sur les structures politiques définies et mises en place par les Américains, tant dans leur version provisoire qui doit accompagner la transition, que dans leur version définitive idéale qui doit résulter de l’approbation de la nouvelle constitution par référendum.
La première étape a été la mise en place du Conseil de gouvernement - entité non-démocratique issue de négociations entre les composantes ethniques et religieuses de l’Irak - et le vote de la Loi fondamentale - sorte de pré-requis des éléments de base devant figurer dans la future constitution, sensés garantir les droits de tous les irakiens.
La seconde étape, entamée récemment, a été la mise en place du Gouvernement transitoire, qui s’appuie sur la nouvelle constitution - écrite aux Etats-Unis par le juriste Noah Feldman - qui s’appuie en grande partie sur la constitution américaine de 1787, dont les principes diffèrent fortement de ce que l’on peut connaître au niveau de notre Union Européenne.
La constitution américaine - inspirée librement des thèses de Montesquieu et inspiratrice des constituants de la Révolution Française - mélange deux grands principes : la démocratie et le fédéralisme. La démocratie américaine repose sur le classique trépied : le pouvoir est réparti entre les trois entités Exécutif-Législatif-Judiciaire sensées être strictement indépendantes les unes des autres. Si un des pouvoirs devient tyrannique, les deux autres s’allient pour le combattre.
Si deux pouvoirs se neutralisent dans l’affrontement, le troisième prend le relai. L’originalité des Etats-Unis est le découpage du Législatif en deux corps indépendants, la Chambre des Représentants - qui représente les citoyens - et le Sénat - qui est composé de deux sénateurs par Etat - , rassemblés au sein du Congrès. Ce principe de double corps est sensé assurer à la fois l’expression du vote démocratique et le juste équilibre entre des Etats aux démographies différentes. L’Exécutif est incarné par le Président, qui s’entoure de conseillers et de secrétaires d’Etat pour former son gouvernement. Le Judiciaire est incarné par la Cour Suprême.
On voit ainsi clairement la différence structurelle avec les Etats européens - qui représentent aux yeux des Américains l’héritage des tyrannies monarchiques - et notament la France qui s’apparente plus à une monarchie républicaine qu’à une démocratie avec son Président intouchable et doté de tous les pouvoirs, qui contrôle de fait l’Assemblé nationale et le gouvernement du Premier ministre, et se retrouve hors de portée du pouvoir Judiciaire.
La différence est aussi flagrante avec l’Union Européenne, qui est dirigée par un Parlement unique, objet de tractations difficiles et fluctuantes quant aux nombres de sièges attribués à chaque pays en fonction de sa démographie mais aussi et surtout de sa puissance réelle au sein de l’Union. Et dont la séparation Exécutif/Législatif n’est pas toujours très claire du fait de l’existence de la Commission européenne, contrôlée par les gouvernements des Etats-nations qui composent l’UE.
Le but n’étant pas de comparer les mérites et défauts de chaque système mais de comprendre ce qu’il se passe à Bagdad, revenons à l’Irak ?
Actuellement, la situation est encore confuse autour du Gouvernement transitoire, les kurdes exigeant le maintien de la Loi fondamentale - laïque - rejetée par les religieux chiites qui composent la plus grande force politique du pays. Toujours est-il que le Gouvernement transitoire existe et se voit dirigé non par un président mais par un Conseil de la Présidence composé de trois personnes : aujourd’hui, le sunnite Ghazi Al-Yaouar est président mais se voit encadré par le chiite Ibrahim Jaafari et le Kurde Roj Nouri Shawis aux postes de vice-présidents.
Tout le pari américain de la nouvelle constitution irakienne est là : assurer l’équilibre des pouvoirs dans un cadre démocratique, tout en respectant les composantes ethniques et religieuses de l’Irak et en neutralisant les affrontements en elles.
Dans la nouvelle constitution irakienne, le Législatif est composé d’un seul corps, l’Assemblée, qui représente les composantes de la société irakienne et est élue au suffrage universel. L’Exécutif est assuré par le gouvernement du Conseil de la présidence, composé de trois personnes - un Président et deux Vice-présidents - dont l’unanimité est requise pour valider une décision, et le Judiciaire est assuré par une Cour Suprême calquée sur celle des Etats-Unis.
Le premier Conseil de la présidence a été formé après négociations. Mais à l’avenir, dès que des élections seront possibles, la liste des trois membres le composant sera soumise à l’Assemblée qui pourra devra la valider avec les deux-tiers des voix des députés.
Le but étant d’avoir idéalement un Conseil de la présidence composé d’un kurde, un chiite et un sunnite, reflet des trois grands groupes ethniques et religieux de l’Assemblée, ou à défaut un exécutif issue de négociations entre ces trois groupes.
Cette constitution est transitoire, mais contient les éléments inaliénables de la future constitution qui sera définie par les Irakiens eux-mêmes. C’est ainsi que les Américains espèrent semer les graines de la démocratie au Moyen-Orient.
Le découpage ethnico-religieux du nouvel Irak peut choquer, mais c’est déjà une réalité sur le terrain. Par contre, il risque de mécontenter les minorités politiques radicales qui voient leur influence anéantie au sein de cette belle machine juridique et politique. Avec le risque du choix de la déstabilisation de ce système par la violence, à l’instar de l’Armée du Mehdi chiite extrémiste, ou des séparatistes kurdes du Nord, prêts à reprendre les armes contre le pouvoir central.
Aujourd’hui, la communauté internationale a retrouvé un semblant d’unité à l’ONU afin de mener à bien cette transition à hauts risques, dans un pays toujours en guerre malgré la fin officielle des combats depuis plus d’un an.
Auteur : Zedrx
Sources :
http://www.herodote.net/histoire09170.htm
http://www.lemonde.fr/web/dh/014-0@14-0@2-320839-23061149,0.html
http://www.lemonde.fr/web/article/01-0@2-321836-367927,0.html
http://www.solidarite-irak.fr.fm/
http://www.reseauvoltaire.net/article10604.html
en anglais :
http://asmallvictory.net/archives/006178.html
Messages
1. > Quel avenir pour l’Irak "Ou les subtilités de la constitution provisoire irakienne", 9 juin 2004, 18:25
Blanchiment onusien
Par MANUEL GRANDJEAN
Mercredi 09 Juin 2004
Hier soir (à 22 h 45, heure suisse), le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité une résolution sur l’avenir de l’Irak. Avec ce texte, le « blanchiment » de la sale guerre des Etats-Unis et de leurs alliés a franchi une étape décisive. Dans les hautes sphères internationales, plus personne n’évoque l’illégalité de l’agression déclenchée le 20 mars 2003 ni les mensonges qui ont servi à masquer ses motifs réels. Pour obtenir cela des autres puissances, les Etats-Unis n’ont dû lâcher qu’une concession mineure : le futur Gouvernement irakien aura théoriquement un droit de regard sur les opérations militaires menées par la « force internationale ». Mais aucun pouvoir réel.
Dans cette grande opération de légitimation, a posteriori, de l’invasion et de l’occupation de l’Irak, il est une priorité : le passage d’un pouvoir fictif aux autochtones. Les coalisés s’efforcent donc de donner une apparence de légitimité aux structures qu’ils mettent en place. La nomination, la semaine dernière, du gouvernement qui devra prendre le relais le premier juillet prochain est révélatrice.
L’émissaire de l’ONU, Ladkhar Brahimi, avait clairement fait savoir qu’il ne souhaitait pas voir dans la nouvelle autorité un seul membre du Conseil transitoire. Celui-ci, nommé par les occupants l’été dernier, avait une image de « collabo » trop marquée pour pouvoir prétendre à la moindre crédibilité auprès de la population irakienne. D’ailleurs, la désignation de la future équipe dirigeante revenait bien à l’ONU, selon un protocole avalisé par Washington et le Conseil intérimaire irakien.
Mais, dans les faits, l’homme de Kofi Annan n’a pu que compter les points et avaliser humblement le résultat.
D’après le récit de l’envoyé spécial du quotidien Libération, l’administrateur US Paul Bremer a convoqué d’urgence les membres du Conseil irakien vendredi 28 mai. Ces derniers sont sortis de la réunion avec le nom du premier ministre désigné, Iyad Allaoui. Un homme lié à la CIA, avec l’appui de laquelle il avait tenté de renverser Saddam Hussein en 1996.
Quelques jours plus tard, lors de la nomination du futur président irakien, la puissance occupante s’est risquée à une autre stratégie. Elle a ouvertement feint une préférence marquée pour Adnan Pachari. Mais celui-ci, disqualifié par cette publicité dont il se serait bien passé, a aussitôt renoncé à la présidence au profit de Ghazi Al-Yaouar.
Ce dernier, revendiquant d’entrée une « pleine souveraineté » irakienne, est apparu comme le héraut d’une indépendance irakienne retrouvée.
Mais la réalité est autre. Le correspondant du Monde rapporte les propos laconiques et désabusés de M. Pachari : « Le favori des Américains, ce n’était pas moi mais un autre. » Et le directeur du Centre irakien de recherches et d’études stratégiques, Saadoun Al-Duleimi, de commenter : « Vous vous êtes tous fait « enfumer. » Le cheikh Ghazi Al-Yaouar était le vrai candidat de Washington depuis plusieurs semaines déjà. Tout le jeu a consisté à le présenter comme moins proaméricain que son rival pour le rendre plus présentable. »
Le reste du futur gouvernement est à l’avenant. La plupart des ministres choisis appartiennent déjà au Conseil intérimaire mis en place il y a un an par les Etats-Unis, ils ont fait leurs études aux USA ou en Grande-Bretagne, ils ont des liens avérés avec les gouvernements de ces pays, et, pour la moitié environ, ils possèdent même un passeport de leur pays d’accueil.
La conséquence est claire : le premier juillet prochain, le nouveau Gouvernement irakien n’aura, fondamentalement, guère plus de légitimité que le Conseil provisoire qu’il remplacera et les Etats-Unis guère moins de pouvoir réel. Par un tour de passe-passe, Washington aura cependant effacé son ardoise onusienne et se sera acquis la complicité des gouvernements autrefois les plus hostiles à sa politique prédatrice, tels que ceux de la France de l’Allemagne ou de la Russie.
– http://lecourrier.programmers.ch/.../order=0&thold=0
2. Une signature contre du pétrole ?, 9 juin 2004, 18:43
Le vice-ministre russe des affaires étrangères, Iouri Fedotov, a fait état d’une "nette amélioration". La nouvelle version du projet de résolution confirme en particulier "que le nouveau gouvernement irakien détiendra l’entière souveraineté, le contrôle des ressources naturelles et des forces de sécurité".
LEMONDE.FR | 08.06.04 | 00h02 • MIS A JOUR LE 08.06.04 | 00h03
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3218,36-367925,0.html