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RETRAITE:DE L’IMPOSTURE A LA FORFAITURE

Publie le dimanche 25 mai 2008 par Open-Publishing
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RETRAITE : DE L’IMPOSTURE A LA FORFAITURE
Par Jean-Marie Harribey, économiste

à l’Université Bordeaux-IV, co-président d’ATTAC.

« Ne pas comparer l’accroissement de la charge pesant sur les actifs avec l’augmentation de leur productivité constitue une imposture. »

Depuis le début de la décennie 1990, s’organise la destruction systématique des systèmes de retraite par répartition, en France, en Europe et dans le monde entier.
Non seulement cette destruction met à mal les acquis sociaux les plus fondamentaux, mais elle est l’occasion d’une énorme campagne de désinformation, faite de non-dits et de mensonges. Au-delà du constat exact que l’espérance de vie augmente sensiblement, que la fécondité s’est ralentie et donc que la population voit sa moyenne d’âge augmenter dans tous les pays développés, et bientôt dans tous les autres, le reste est entièrement faux.
Tous les patronats du monde, tous les gouvernements, toutes les institutions internationales répandent inlassablement des contrevérités, relayés par la plupart des médias.

Le cas français est emblématique. Propagande et contre-réformes se sont succédé : Balladur en 1993 contre les retraites du secteur privé, Fillon en 2003 contre celles du public, Fillon en 2007 contre les régimes spéciaux et maintenant contre tout le monde. Pourtant, au milieu des rapports d’experts acquis d’avance à l’idée de démolir les retraites collectives, on trouve la preuve de l’inanité du discours libéral. Il y a aujourd’hui en France, disent-ils. 4 retraités pour 10 travailleurs actifs cotisants. Dans 40 ans, il y en aura 7 pour 10 : l’augmentation sera donc de trois quarts. Notre système de retraites par répartition ne serait plus viable.

Mais ne pas comparer l’accroissement de la charge pesant sur les actifs avec l’augmentation de leur productivité constitue une imposture. Car, si peu que progressera la productivité du travail en 40 ans, cette progression sera supérieure à l’augmentation de la charge retraités/actifs : ainsi, il suffit d’une progression de 1,4% par an en 40 ans, sans rien dire pour l’instant des profits.

L’accompagnement de l’évolution de la démographie et de la productivité par une augmentation très faible mais continue des cotisations sociales est parfaitement possible économiquement. Or le gouvernement et le patronat français n’entendent jouer que sur deux autres leviers : l’augmentation de la durée de cotisations (de 37.5 ans à 40. puis 41 et 42. voire repousser l’âge de la retraite à 63 ans et demi, comme vient de le réclamer Mme Parisoî) et la baisse du niveau des pen- sions. Les réformes en cours dégraderont la situation des retraités parce que peu de salariés pourront réunir 40 ans et plus de cotisations et parce que le niveau des pensions est définitivement déconnecté de l’enrichissement de la collectivité.

Le comble du cynisme est atteint en appelant au travail les « seniors », poussés dehors à l’approche de la soixantaine, alors que pas un emploi supplémentaire ne peut jaillir de cette exhortation, sinon au détriment des jeunes.

Cette désinformation a pour but d’éviter à tout prix une augmentation des cotisations sociales dont la plus grosse partie serait à la charge des entreprises puisque, par ailleurs, les salaires directs sont bloqués. Au nom de la « compétitivité », le « coût du travail » ne doit pas augmenter, tandis que le coût du capital a atteint des sommets depuis trente ans, au point d’avoir, par une exigence de rentabilité accrue, déplacé 8 % de la richesse produite de la masse salariale vers les profits. Il s’agit donc de figer éternellement ce véritable hold-up et les inégalités qui s’en sont suivies.

En réduisant le périmètre de la protection sociale, les forces du capital veulent élargir celui des compagnies d’assurances et des fonds de pension privés, et ainsi drainer une épargne supérieure vers des marchés financiers avides de liquidités. Or les systèmes de retraites par capitalisation n’engendrent aucune valeur supplémentaire, ils ne font que répartir vers les plus riches celle produite par les actifs, et ils soumettent les retraites aux règles de la finance et à la spéculation,
À l’imposture s’ajoute donc la forfaiture. Face à cela, il faut arrêter les exonérations de cotisations patronales (26,8 milliards d’euros en 2007, soit 1,4% du PIB), augmenter le taux de celles-ci ou élargir l’assiette des cotisations à l’ensemble de la valeur ajoutée.

Le Conseil d’orientation des retraites a estimé à 1 point de PIB le besoin de financement supplémentaire en 2050 : c’est dérisoire par rapport au détournement de 8 points pour la masse salariale qui pâtit depuis 25 ans.

Huma du Mai 208

Messages

  • membre d’Attac, syndicaliste CGT et militante politique, je suis très étonnée que vous ne fassiez jamais référence à l’AGCS de 1995 ; tout ce que nous subissons aujourd’hui, n’est-ce pas l’aboutissement de cet accord de concurrence libre et non faussée avec la totale marchandisation y compris de la santé, de la culture et de l’éducation ?

    Pourquoi Attac qui a mené une réelle bataille ne rappelle plus en permanence cet accord imposé par l’OMC et le FMI, que le traité de Lisbonne va achever la destruction totale de nos acquis du CNR puisque les états ne sont plus souverains.

    Et voila que le PCF appelle à réformer le FMI ? je me pince pour savoir si je cauchemarde ?
    Quand allez-vous appeler à la lutte unie de tous les sans ? allez-vous attendre des émeutes de la faim en France ?