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Raffarin se présente en "patron" du gouvernement

Publie le vendredi 7 mai 2004 par Open-Publishing
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par Emmanuel Jarry

PARIS - Jean-Pierre Raffarin s’est présenté jeudi soir en "patron" du
gouvernement, près de six semaines après la déroute de la droite aux
élections régionales, qui a assombri son avenir à Matignon.

"Je suis le pilote de l’Airbus gouvernemental. Alors bien sûr je prends des
coups", a-t-il dit lors de sa première intervention télévisée, sur France 2,
depuis les régionales, au terme d’une semaine qui a vu s’exprimer tous les
poids lourds du gouvernement.

Le président Jacques Chirac "fixe le cap", a-t-il poursuivi. "Je suis là
pour donner de la cohésion, pour rassembler ; nous décidons ensemble. Quand
il y a des ministres qui ne sont pas d’accord, j’arbitre, je prends la
décision (...) Je suis le patron d’une équipe. Je veux que les talents
puissent s’exprimer mais j’assume mes responsabilités."

Il s’est efforcé d’en administrer la preuve tout au long de l’interview. Il
s’est ainsi posé en arbitre d’un litige entre le ministre de l’Economie et
son collègue de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, sur les gels de
crédits en 2004.

"Nicolas Sarkozy a raison de faire la régulation budgétaire telle qu’il l’a
faite pour le budget 2004 (...) Je ne veux pas que nous dépensions un euro
supplémentaire", a-t-il dit.

Toutefois, a-t-il laissé entendre, ce qui vaut pour 2004, ne vaudra pas
nécessairement pour les prochaines années en ce qui concerne le financement
de la politique de cohésion sociale.

"Je travaille à ce financement", a souligné Jean-Pierre Raffarin, qui a
déclaré être à la recherche de "moyens extra-budgétaires" pour financer
cette politique. Il a ainsi jugé que la taxation mise en place en Allemagne
sur les fonds investis à l’étranger n’était "pas une mauvaise idée".

Le Premier ministre s’est de nouveau dit fermement opposé à toute
privatisation de la Sécurité sociale - "Je ne le souhaite pas. Ni
étatisation, ni privatisation. Je l’empêche !"

Il a fixé à six milliards d’euros les économies à faire "dans trois ans"
dans le système de santé mais il a dit qu’il n’était favorable ni à un
"impôt nouveau", ni à l’instauration d’une "TVA sociale", ni à une
cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour financer la "Sécu".

Il a été plus ambigu sur l’éventualité d’une hausse de la contribution
sociale généralisée (CSG), affirmant seulement qu’il n’était pas favorable à
ce qu’une telle augmentation soit envisagée "comme un préalable"

Dans le sillage de Nicolas Sarkozy, il a prôné, après avoir longtemps hésité
malgré les pressions de sa majorité, une réouverture du dossier de la
semaine des 35 heures - "une mauvaise loi" selon lui - et a invité les
partenaires sociaux à inscrire ce débat dans le cadre de leurs négociations.

RAFFARIN VOIT AU-DELA DES EUROPEENNES

Il a limité la portée du rétablissement des droits des chômeurs de longue
durée privés d’indemnisation par une nouvelle convention de
l’assurance-chômage.

"La réforme de l’Unedic est bonne (...) Mais nous mettons de l’humanité où
il y avait de la brutalité", a-t-il dit. "Ceux qui croyaient de bonne foi
qu’ils avaient le droit à 30 mois alors qu’on leur a changé la règle du jeu
(...) nous allons faire en sorte qu’ils aient les moyens d’avoir leur 30
mois. Ce qui ne veut pas dire que nous changeons la réforme : la réforme
pour tous les autres restera la même."

Il a en revanche confirmé une hausse du smic de 5% au 1er juillet et annoncé
que les fonctionnaires qui ont commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans
pourront prendre leur retraite à 60 ans, comme dans le secteur privé - cette
réforme devra être "bouclée" avant la fin du mois de juin, a-t-il dit.

Jean-Pierre Raffarin a prôné la poursuite du dialogue avec les intermittents
du spectacle sur un aménagement de la réforme de leur assurance-chômage mais
les a mis en garde contre tout débordement à une semaine de l’ouverture du
festival de Cannes.

"Je ne souhaite pas que l’on prenne en otage quelque festival que ce soit.
Nous sommes une démocratie sociale responsable. Que les partenaires se
mettent autour de la table. On n’est pas une démocratie du chantage", a-t-il
déclaré.

Deux jours après la spectaculaire conférence de presse de son ministre de
l’Economie, il a tenu à mettre les choses au point : Nicolas Sarkozy "a du
talent" pour expliquer la politique gouvernementale aux Français ; mais "il
n’y a pas la politique de Nicolas Sarkozy et la politique de Jean-Pierre
Raffarin ; c’est la même."

Il a de nouveau assuré avoir "entendu" les Français et discuté avec le
président Jacques Chirac d’"un certain nombre de changements" à apporter à
l’action gouvernementale - "plus de dynamisme mais (...) des réformes moins
brutales".

"Nous avons remis en cause un certain nombre de nos comportements ; il n’y a
pas écrit entêté ici ; je ne fais pas des réformes coûte que coûte", a-t-il
souligné.

Jean-Pierre Raffarin a refusé de subordonner son avenir politique aux
élections européennes du 13 juin, qui semblent s’annoncer aussi difficiles
pour la droite que les régionales.

"Pour moi ce qui compte ce sont mes échéances de réforme", a-t-il déclaré.
"Nous écouterons ce que les Français disent mais je n’en fais pas pour moi
l’échéance de mon action."

"Je souhaite vraiment que les Français s’intéressent à ces élections (...)
mais là ce ne sont pas des élections qui jugent la politique nationale mais
un projet européen", a-t-il ajouté. "L’action du gouvernement a un horizon
qui est plus long. Je suis à la tête d’une majorité qui est élue pour cinq
ans et donc qui mène un travail qui est un travail pour cinq ans."

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