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Reflexions sur la strategie syndicale

Publie le mardi 1er novembre 2005 par Open-Publishing

A travers les luttes, des enseignements stratégiques...

La SNCM nous a de nouveau montré de manière très claire une chose : les intérêts de l’Etat et du Capital sont indissociablement liés. La force dite “publique” est une fois de plus utilisée pour briser les luttes sociales. Après l’intervention du GIPN à Bordeaux CTC, cette fois-ci, ce furent les
commandos de marine et le GIGN qui arraisonnèrent le Pasquale Paoli récupéré
par les marins du STC.

Réprimer toute contestation

Tout cela nous montre bien une chose : l’hystérie sécuritaire des dernières années avait un objectif à court terme : permettre l’accroissement des moyens policiers dans le but de mater toute révolte contre la démolition sociale organisée. Les entrainement récents de l’armée à la guerilla urbaine
dans des “villes reconstituées” ont précisément ce but : parer toute action syndicale, toute révolte sociale qui se situerait à un moment donné hors du terrain de la légalité. Comme c’est l’Etat en tant que relais de la bourgeoisie, qui fixe la légalité, la marge est faible. Or c’est peu dire au vu de 150 ans d’histoire des luttes ouvrières et syndicales, que lors des luttes, c’est souvent à la marge de la légalité, voire hors de la légalité (grèves hors délais de préavis, occupation, séquestration, acte de sabotage) que se créent les conditions des victoires décisives. L’Etat le sait et prend ses dispositions, en tapant fort histoire de bien faire comprendre qu’il y a des limites à ne pas dépasser.

Des limites bien tracées

Les seules actions syndicales dès lors
autorisées, ce sont la grève partielle ou le
recours juridique. Mais les récentes
défaites des OS sur la question de la Pentecôte,
ou sur le CNE montrent que sur ce
terrain là aussi la marge de victoire est
plus que faible. La justice reste une justice
de classe, en témoigne ne serait-ce que sa
composition sociologique. Les rares victoires
(recalculés...), si elles montrent que
cette voie n’est pas à priori à négliger,
masquent l’essentiel : c’est que lorsqu’il est
question de conflit du travail, le rapport de
force prime sur le droit, la légitimité prime
sur la légalité.

Le pouvoir méprise sa propre légalité

Les gouvernants ne se privent d’ailleurs
jamais de fouler la légalité. Ainsi, le
maire de marseille, affirme t’il publiquement,
au 17 ème jour de la grève des traminots,
qu’il mettra en place des bus de
substitution. S’il ne s’agit pas d’une
volonté claire de briser la grève en recourant
à l’embauche de jaunes pour remplacer
les grèvistes, au mépris de toute
“légalité”, on se demande ce que c’est.

Nervosité étatique et patronale

Si la gestion policière s’accentue, cela
nous montre bien une chose : à la SNCM
comme à EDF lors de la lutte contre la
privatisation (avec les coupures et les
remises en service), au PAM comme
ailleurs, c’est lorsqu’on touche là où ça
fait mal, au portefeuille des patrons et des
actionnaires, que l’économie est bloquée,
par la grève, l’occupation, les piquets de
grève que le patronat, l’Etat deviennent
nerveux et sortent l’artillerie lourde. Parce
qu’il n’ont peur que d’une chose, c’est que
cette idée vieille comme le syndicalisme
refasse son chemin et que ces pratiques se
généralisent à nouveau. Pour preuve la
provocation patronale que constitue la
pose d’une banderole “SNCM, plus
jamais ça” sur le siège marseillais du
MEDEF.

Le 4 octobre, un coup dans l’eau

Le MEDEF et le gouvernement ne tremblent
guère devant des journées d’action
sans lendemain. Si de telles journées ont
le “mérite” de permettre de se compter,
elles n’offrent guère de perspectives et ne
contribuent pas à construire un quelconque
rapport de force, à part, ponctuellement,
quand telle ou telle branche, telle
ou telle entreprise s’en saisit pour mener
une bagarre sur plus long terme, comme
la CGT à Nancy et marseille dans les
transports en commun.

Un-e pour tou-te-s, tou-te-s pour un-e-s

Pourtant, dans ces deux luttes comme à la
SNCM, ou dans la lutte du PAM, comme
auparavant pour EDF, la Poste ou l’éducation
nationale, comme pour la santé ce 20
octobre, une chose est de plus en plus
claire : même pour la seule défense de
revendications de branches, de secteur, la
seule mobilisation dans ces branches et
secteurs est vouée à l’échec. Sans généralisation,
la lutte courageuse et exemplaire
des marins SNCM, avec un syndicat CGT
des marins combatif, était plus qu’incertaine.
Face à un gouvernement déterminé, l’action isolée, mais massive et
déterminée aura au moins permis le maintien
d’une “minorité de blocage”, Etat + salariés,
mais les marins eux-mêmes savent
que cette pseudo garantie est illusoire, et
c’est bien pour cela qu’ils se battaient
pour le maintient d’une majorité
publique. Ceci étant, l’attitude de l’Etat
montre bien que l’Etat patron, lorsqu’il en
a la volonté, est aussi crapuleux que
n’importe lequel de ses alter ego privés.
L’Etat a choisi de mettre la CGT-marins
au bord du gouffre. Cet isolement n’aurait
guère été possible si l’organisation syndicale
avait organisé l’élargissement de la
lutte, au moins sur marseille et plus largement,
à la faveur du 4 octobre. Mais la
bureaucratie y a mis un frein, par timidité,
calcul ou lacheté.

Combattre les tendances corporatistes, pour défendre les revendications corporatives et interpro efficacement !

On objectera que dans nombre de secteurs,
la volonté collective des salariés
faisait défaut, du fait de la persistance
d’une culture corporatiste. Même si l’on
peut donner du crédit à cette constatation,
il est de la responsabilité du syndicalisme
et des O.S, il est de notre responsabilité à
nous, militantes et militants syndicalistes,
de combattre cette tendance, et de montrer
que la lutte et la solidarité interprofessionnelle
est bien souvent le meilleur
moyen de faire avancer les revendications,
y compris professionnelles. Car ce
replis corporatiste n’est pas le fruit du
hasard ou d’une évolution inexorable,
mais de la démission de tout un pan du
syndicalisme et des militant-e-s syndicalistes
face à l’adversité, et au discours
dominant, des difficultés de la lutte mais
aussi de l’abandon de la culture et de la
pratique interprofessionnelle dans de
nombreux-ses secteurs. Nous sommes
des milliers, des dizaines de milliers de
militant-e-s syndicalistes à lutter sincèrement,
pieds à pieds, sur notre lieu de travail.
Mais trop souvent ces luttes, parce
que morcellées et isolées, sont
confrontées à l’échec. Syndicalistes libertaires,
nous ne sommes pas des militante-
s de fractions, nous n’utilisons pas le
syndicalisme comme enjeu de pouvoir.
Aussi nous n’avons que faire “d’appels
aux directions syndicales” chers au trotskystes,
qui ne sont qu’autant d’appel à
une “direction syndicale alternative”
composée de ces mêmes apprentis hiérarques.
Car pour nous, il ne saurait y
avoir de “directions” dans le syndicalisme, mais, fidèles à ses
origines, des instances
mandatées et révocables, dans le
cadre du double fédéralisme. Le seul
enjeu réel, c’est de mettre fin à un fonctionnement
hiérarchique, souvent clientéliste,
basé sur une logique pyramidale
(avec parfois distributions de décharges
et postes de permanent en fonction du
soutien à tel ou tel). Car cette logique est
étrangère au syndicalisme, et a été le fruit
d’un dévoiement par l’entrisme de partis,
par l’introduction de concepts étranger au
mouvement syndical. Ce mouvement
syndical, c’est la libre organisation des
travailleuses et travailleurs pour défendre
leurs intérêts, dans l’esprit de la charte
d’Amiens. Alors, plutôt qu’un illusoire et
politicien “appel aux directions”, nous
soutenons le réinvestissement des syndiqué-
e-s dans le syndicat, le contrôle des
mandats, la révocabilité des mandaté-e-s,
la vigilance des sections syndicales face
aux respects des orientations syndicales.
Les instances ont des comptes à rendre,
parce qu’elles sont tout simplement l’expression
des syndicats ! Et ceci vaut pour
tou-te-s les O.S., sans exception, car
quelles que soient les différences de fonctionnement,
la démocratie syndicale ne se
décrète pas mais est une pratique et une
conquète permanente.

Démocratie et interpro

Les unions locales restent ausi l’un des
terrains de choix qu’il nous faut réinvestir.
Les pratiques de solidarité (appel et
présence de syndicalistes et syndiqué-e-s
d’une boite en soutien à la lutte de syndiqué-
e-s d’une autre boite, caisse de grève,
souscription), la relance ou la reconstruction
de bourses du travail là ou c’est possibles
le sont également. A ce titre, la
campagne CGT en faveur des Bourses
dans le 93 est de bonne augure, mais pour
autant que cette défense puisse déboucher
sur une conception autre que celle des
bourses du travail comme simples locaux
syndicaux, mais bien comme lieux de
brassage et de vie interprofessionnel.
Tout cela ne se décrète pas, et c’est avec
la volonté des sections et des militant-e-s
que cela peut vivre et exister. L’unité syndicale
joue également un grand role, mais
l’unité dans la lutte et non l’unité de façade.
C’est tout un syndicalisme de lutte, et
non de négociation (elle n’est pas à rejetter,
mais la négociation sans le rapport de
force ce n’est que le recul social) qui est à
consolider.
La tache est grande, nos moyens sont
faibles comparé à l’enjeu, mais le syndicalisme
s’est aussi construit et à vécu
grace à une volonté déterminée.
Cette lettre est un espace, parmi d’autre,
pour discuter de ces perspectives stratégiques,
des difficultés auxquelles elles
sont confrontées. Camarades, n’hésitez
pas à vous en saisir !

Sam (CNT-Educ 93)

Texte extrait de " La Lettre des militant-e-s syndicalistes
libertaires " # 52 - octobre 2005

Cette lettre est un outil d’échange d’informations et de réflexions qui
s’adresse à tous les
militant(e)s syndicalistes, anarcho-syndicalistes ou syndicalistes
révolutionnaires, anarchistes ou
"sympathisant(e)s" libertaires. Les militant(e)s qui animent cette
Lettre entendent agir dans une
logique pluraliste et dans le respect intégral des choix
organisationnels de chacun. Autrement dit, la
Lettre des militant(e)s syndicalistes libertaires s’interdit toute
exclusive ainsi que tout prosélytisme en faveur de telle ou telle
organisation syndicale en particulier. Elle peut ainsi constituer un Lien
solide entre des camarades / sympathisant(e)s libertaires, impliqués dans
diverses organisations syndicales :
CFDT, CGT, CGT-FO, CNT, Confédération Paysanne, FEN, FSU, PAS,
Solidaires, UNEF, syndicats de chômeurs(euses) etc.
Ses buts sont :
1) La
circulation d’informations utiles à nos activités syndicales respectives
2) La diffusion des idées, critiques et propositions anarchistes dans les
milieux militants syndicalistes,
3) Organiser des échanges de pratiques et permettre de coordonner l’action
des militant(e)s

contact : lettremsl(a)wanadoo.fr