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Rencontre entre des militants de Sud-Etudiant et des anticolonialistes israéliens

Publie le lundi 26 avril 2010 par Open-Publishing

Le Havre, 25 avril 2010

La mission civile de solidarité réalisée par nous quatre, membres de Sud-Etudiant, aura été l’occasion de nombreuses rencontres et les militants des partis politiques palestiniens, et les anticolonialistes israéliens. Un certain nombre de ces organisations de résistance étant considérées comme « terroristes » par l’Etat israélien, il était impératif de taire ces liens avant notre retour en France.

Mardi 6 avril. Nous sommes à la terrasse d’ « un des deux bars de gauche de Jérusalem-Ouest » avec trois militants israéliens, animateurs des Anarchistes Contre le Mur.
Daniel, le camarade rencontré la veille, nous présente ses deux acolytes. L’une d’elles lui demande de ne pas prononcer son prénom trop fort, car elle est officiellement bannie de Jérusalem, ville où elle fait ses études et milite, depuis qu’elle a été interpellée dans une manifestation en Cisjordanie. Cette camarade se sent très isolée. Elle nous explique que peu de gens de son âge s’intéressent à la situation en Palestine. Etudiante en photographie, elle s’est vue reprochée son manque de loyauté à sa patrie il y a un peu plus d’un an, lors de l’opération « plomb durci ». Elle avait réalisé plusieurs photographies des territoires palestiniens, et reproché aux autres étudiants leur absence de réaction face au crime contre l’humanité que perpétrait leur Etat …
La troisième membre du groupe nous explique être la petite amie de Daniel. « On est ensemble depuis quelques années. Mais, bien que l’on soit athées, je suis Juive, puisque c’est une nationalité en Israël, et Daniel est de nationalité chrétienne … Les mariages mixtes étant interdits en Israël, nous avons dû aller à Prague pour nous marier. » Voilà les pratiques de « la seule démocratie du Moyen Orient ».

Les présentations faites, nous passons à l’Histoire du mouvement.
Les Anarchistes Contre le Mur nous expliquent ne pas être une organisation avec une carte de membre, mais une nébuleuse qui peut mobiliser quelques centaines de militants pour les manifestations. Le noyau des organisateurs ne compte qu’une quinzaine de membres.
La genèse des Anarchistes Contre le Mur remonte à la seconde intifada. La population palestinienne se sentait alors exclue de cette résistance, qui était surtout l’œuvre de groupes armés. Les Anarchistes Contre le Mur se sont alors proposé de créer des comités populaires de Résistance, d’abord à Ma Asala, puis dans d’autres villes.

Partout où l’occupant construit le mur de la honte tout en détruisant des maisons, la lutte est constructible. Les Anarchistes Contre le Mur sont de toutes les manifestations contre la colonisation et la répression. Le mur paraît être le symbole de l’apartheid à ces militants, dont le but premier est d’œuvrer pour la suppression de toutes les barrières, et pour le rapprochement des communautés. Le but est, en construisant des passerelles entre palestiniens et israéliens, de démontrer l’absurdité du sionisme, idéologie ethniciste et coloniale.
Pour cela, les Anarchistes contre le Mur doivent adapter leurs stratégies à des sociologies très disparates d’une ville palestinienne à l’autre. « On n’intervient pas de la même manière à Sheikh Jarrah, quartier où les gens sont assez aisés financièrement, très éduqués et politiquement indépendants, à Hébron, où le but principal est de survivre, et à Bi’lin, où les palestiniens sont liés au Fatah. »

Sheikh Jarrah, quartier de Jérusalem-Est, est la preuve que ce travail paie. Le dévouement des militants a fait connaître ce quartier et ses habitants harcelés par les colons. Des parlementaires s’y sont déplacés.

Des liens sont tissés avec les différents partis politiques palestiniens, les partis arabes d’Israël, et l’Alternative Information Center de Jérusalem. La priorité est plus à l’action contre l’occupation qu’à l’écriture d’un programme à mettre en œuvre après une hypothétique révolution prolétarienne. Une recherche de la convergence et de l’unité que nous, militants français, leur envions. Cependant, nous ne savons pas s’il faut être amusé ou dubitatif en apprenant que, lors du massacre à Gaza, des anarchistes criaient « Allah Akbar » dans une manifestation à Jéricho, en signe de solidarité avec les palestiniens.

Le lendemain, nous sommes à l’Alternative Information Center, avec Michel Warschawski, écrivain franco-israélien, militant de Matzpen (parti trotskyste israélien), et un des créateurs de l’Alternative Information Center.

Une partie importance de notre discussion tourne autour de l’unité et de la convergence des anticolonialistes. Celle-ci se fait systématiquement en Israël. Les militants en assument le prix à payer, bien qu’ils soit parfois lourd : Ses militants n’ayant pas le temps d’animer le parti tout en s’investissant dans les collectifs unitaires, Matzpen n’est plus qu’un nom.
Michel déclare qu’ « il est stérile de se demander s’il faut un Etat ou deux Etats. C’est à mille lieues de ce que vivent les palestiniens et de la nécessité de lutter contre la colonisation. Il n’y a pas de « moi je préfère que », on n’est pas au supermarché. Le pragmatisme doit l’emporter. »
Pragmatisme toujours ; pourtant partisan du marxisme, courant de pensée généralement peu enclin aux appels au boycott, qui est une action individuelle qui s’appuie sur le consommateur et oublie le prolétaire, Michel Warschawski met une grand part de son énergie dans la campagne Boycott, Désinvestissement, Sanctions : « Il faut s’appuyer sur ce qui existe. » déclare-t-il.
L’inconvénient de ce pragmatisme et de cette urgence perpétuelle est évidemment un certain vide idéologique. « Ils ne seront probablement pas d’accord avec moi, mais beaucoup des Anarchistes Contre le Mur ne sont pas anarchistes. Ce nom doit s’entendre comme « Rebelles contre le Mur ». Un travail théorique est à faire. »,

Nous parlons de l’Alternative Information Center qui rassemble, depuis 1984, plusieurs mouvements pacifistes israéliens et organisations palestiniennes, dans cette démarche de rapprochement des cultures.
Michel Warschawski compte œuvrer, tant que cela sera possible, à « l’ouverture de brèches dans le mur ». « Si cela n’est plus possible un jour, et qu’une barrière étanche est dressée entre les deux communautés, je me demande si ma place ne serait pas plutôt du côté palestinien … »

Lueur d’espoir dans cette situation : le discrédit qui frappe l’armée israélienne. « Il était inconcevable, lorsque j’avais vingt ans, de ne pas « faire l’armée ». J’aurais été totalement marginalisé, et n’aurais pu convaincre personne. Je me suis donc contenté de refuser de servir hors d’Israël, car je refusais l’occupation de la Palestine et la guerre du Liban, ce qui m’a valu quelques semaines de prison. Aujourd’hui, vingt-cinq à trente pour cent des jeunes arrivent à se faire exempter. A ma connaissance, aucun des Anarchistes Contre le Mur n’a fait son service militaire et seuls quelques uns ont du se mettre dans l’illégalité et aller en prison. Même s’ils voient les palestiniens comme l’ennemi, les israéliens ne supportent plus cette guerre. »

Enfin, tout comme les Anarchistes Contre le Mur, Michel Warschawski n’a aucune sympathie pour l’OLP et l’Autorité Palestinienne, auxquels il reproche leur « collaboration avec Israël ». « L’OLP s’est éloignée du peuple, et les missions de la police de l’Autorité Palestinienne sont misérables. Des accords de coopération avec Israël les contraignent à canaliser la révolte du peuple. Les flics palestiniens sont des flics avant d’être des palestiniens. J’ai vu des gosses de colons organiser une ratonnade, et les policiers y assister en disant qu’ils n’étaient là que pour réagir aux problèmes causés par des palestiniens ».

La veille, Daniel, des Anarchistes contre le Mur, apprenant que nous allions rencontre le Fatah, nous avait comparé à « des français qui, en 1960, auraient rencontré des fonctionnaires algériens qui collaboraient avec l’Etat français. » …