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Rénovatrice de l’indépendantisme sahraoui

Publie le dimanche 13 décembre 2009 par Open-Publishing

ANALYSES : Conflit hispano-marocain

Rénovatrice de l’indépendantisme sahraoui

IGNACIO CEMBRERO 13/12/2009

Une femme fragile et de petite formation a réussi, avec sa protestation à Lanzarote initier il y a un mois, à mettre à gêner les gouvernements de deux pays - le Maroc et l’Espagne - et, surtout, a réussi à tirer de l’oubli un conflit en stagné depuis 34 ans, celui du Sahara Occidental.

Selon l’opinion de plusieurs diplomates européens, le Maroc a fait une très mauvaise en expulsant l’activiste sahraouie d’El Aaiún à Lanzarote le 14 novembre. Au meilleur des cas, il mettra des mois à recomposer sa bonne image en Europe. Au pire, il verra comment fait son chemin l’une de ses pires craintes : l’élargissement des compétences de la Minurso, le contingent de l’ONU au Sahara, pour qu’elle inclue la supervision des droits de l’homme.

Haidar, de 42 ans, non seulement a placé dans une première ligne de l’actualité le contentieux de la dernière colonie africaine de l’Espagne – même les gros médias américains ont mentionné sa protestation-, mais elle lui a donné une touche "moderne", même "romantique", assurent certains de ses sympathisants espagnols.

Bien que José Marie Aznar avait de mauvaises relations avec le Maroc, son ministre des Affaires Etrangères, Ana Palacio avait une opinion funeste du Front Polisario. Elle traitait son leader, Mohamed Abdelaziz, de "diplodocus surgi de la nuit des temps". Depuis plus de 30 ans dans ce poste. Maintenant la figure médiatique principale de la lutte pour l’indépendance sahraouie est substituée en un clin d’œil par une jeune femme, mère, non violente et pas du tout intégriste. C’est un saut vers la modernité dans un monde musulman où appartenir à ce sexe signifie, fréquemment, être reléguée. Haidar ne milite pas formellement dans le Polisario, mais elle s’identifie pleinement à lui. Elle répète jusqu’à la satiété que le mouvement indépendantiste est le représentant unique du peuple sahraoui.
Bien qu’il essaie de se maintenir dans un second plan, le Polisario, enthousiasmé, applaudit la protestation de Haidar. Pour essayer de tirer le plus grand intérêt politique de sa grève de la faim il a envoyé Madrid à Emhamed Khadad, l’un de ses plus brillants dirigeants. Khadad la soutient, mais il assure aussi "ne pas vouloir qu’elle devienne une martyre". Pour les autorités de Rabat en revanche le succès médiatique et la mobilisation diplomatique qui a suscité l’initiative de Haidar est un véritable casse-tête. Une preuve de cela consiste en ce que sa presse oficielliste, et à leur tête l’agence étatique MAP, dédie de grands espaces à reprendre des déclarations de partis, d’associations sahraouies pro-marocaines, etc., en s’en prenant à la "traîtresse".

La diplomatie marocaine consacre aussi des efforts, sans trop de succès, à expliquer en Espagne sa position en envoyant des ministres et les présidents des deux chambres du Parlement. Il s’embrouille, finalement, dans des aigres polémiques avec des institutions, comme le Parlement portugais, qui a approuvé une résolution de soutient à Haidar. Jamais, sans elle, la chambre baisse lusitaine n’aurait découvert la cause de l’indépendantisme.
La revendication que Haidar pousse depuis une petite pièce sans fenêtres de l’aéroport de Lanzarote donne à parler, mais elle ne sera pas décisive pour résoudre le conflit qui a éclaté après la livraison, par l’Espagne, du Sahara, au Maroc et à la Mauritanie en 1975. Ce dernier pays a renoncé à sa partie en 1981 et Rabat s’est emparé d’elle.

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a nommé un nouveau représentant personnel pour le Sahara, l’américain Christopher Ross, et celui-ci a convoqué une première réunion informelle des délégations marocaine et sahraouie, en Autriche, au début du mois d’août. Son intention était de renouer la négociation formelle, interrompue depuis le printemps de 2008, à la fin de cette année, mais la traîne créée par le "cas Haidar" le complique.
Le conflit du Sahara maintient le Maghreb divisé - la tension est permanente entre l’Algérie et le Maroc dont la frontière est fermée depuis 15 ans-, mais il ne le déstabilise pas. Il en résulte que les grandes puissances, qui occupent des postes permanents dans le Conseil de Sécurité, se limitent à donner des orientations sur la solution à l’un ou l’autre des belligérants. Tant que la région n’est pas sur au bord de l’abîme ils ne leur imposeront pas de compromis.

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