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di MONA CHOLLET
FRANCE - Ils ont profité de la cérémonie des César, samedi soir, pour rappeler la nécessité d’abroger le protocole régissant leur assurance-chômage.
Sur le tapis rouge, devant le Théâtre du Châtelet à Paris, le ballet des berlines a commencé. Dans le froid polaire, les robes de soirée dépassant des épais manteaux brillent de mille feux. De l’autre côté du trottoir, au centre de la place, les intermittents de la CGT-Spectacle, de la Coordination nationale des intermittents et de la CNT (anarchistes) font un maximum de raffut, sous une banderole réclamant l’abrogation de leur protocole d’assurance-chômage. Le champ de vision restreint oblige les manifestants qui veulent se montrer et les badauds qui veulent voir à se partager quelques mètres carrés de trottoir. Quand les slogans commencent à fuser (« Séparation de l’Etat et du Medef », « La précarité c’est pas du cinéma », « Gaymard avec nous »...), une chasseuse d’autographes grommelle : « Ah, c’est bien la France, ça ! Ça va encore donner une de ces images...! »
Campé sur le toit d’une camionnette, le porte-voix de la CGT interpelle dans son mégaphone les vedettes, qui, à leur arrivée, sont priées d’adresser un petit signe de solidarité aux manifestants. Avant de disparaître dans le théâtre, Lambert Wilson salue de la main et désigne fièrement son badge « Pas de culture sans droits sociaux ». Pendant la cérémonie, c’est lui qui lira le texte de revendication, succédant dans ce rôle à Agnès Jaoui (« J’ai relu son texte, et je me suis rendu compte que j’aurais pu le reprendre tel quel »), qui, l’année dernière, avait étrillé le ministre de la Culture et de la Communication Jean-Jacques Aillagon, provoquant sa chute. Dans la rue, des pancartes remercient ironiquement le successeur d’Aillagon, Renaud Donnedieu de Vabres, « sans qui nous ne serions pas là ce soir ».
PROJET DE LOI
Car, depuis un an, rien n’a changé pour les intermittents. Le protocole signé en juin 2003, restreignant considérablement le droit aux indemnités chômage entre deux périodes salariées, continue d’exercer ses ravages, sans avoir pour autant mis fin aux abus des employeurs. Renaud Donnedieu de Vabres, qui assure avoir tout mis en oeuvre pour éviter que les tournages ne soient « délocalisés », privant de travail les techniciens français, s’est contenté de multiplier les colmatages : les congés-maternité ont été repris en compte ; en juillet a été créée une « Allocation du fonds spécifique provisoire » destinée à rattraper certains des effets néfastes du protocole. Estimé à 80 millions d’euros, ce fonds n’a pas fait l’objet d’une grande publicité, ce qui n’a permis d’en profiter qu’à quelques centaines d’intermittents.
Pendant ce temps, à l’Assemblée nationale, un groupe de travail réunissant des représentants des intermittents et de leurs syndicats, ainsi que des parlementaires de tous bords (il est présidé par l’UMP Etienne Pinte), s’est attelé à l’élaboration d’une proposition de projet de loi « relative à la pérennisation du régime d’assurance-chômage des professions du spectacle, de l’audiovisuel et du cinéma ». Elle sera déposée le 2 mars, et a déjà reçu le soutien unanime des députés et sénateurs de gauche, ainsi que de quarante-quatre députés UMP. « Tous ceux qui se penchent sérieusement sur le protocole de 2003, y compris à droite, tombent d’accord pour dire qu’il est bon à mettre à la poubelle », martèle la Coordination des intermittents et des précaires d’Ile-de-France.
« Qu’attend-on encore pour l’abroger ? L’assentiment du Medef ? » lançait Lambert Wilson dans son allocution. Une cinquantaine de « nommés » aux César (dont Gérard Jugnot, Jean-Pierre Jeunet...) ont également signé un texte de soutien à la proposition de loi - pour avoir manqué à l’appel, Arnaud Desplechin se faisait enguirlander dans le mégaphone à son arrivée au Châtelet. Il est urgent de refondre entièrement le régime d’indemnisation, fait-on valoir de toute part : la saison des festivals sera bientôt là...