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Rupert Murdoch avait une ’Hotline’ avec Tony Blair, juste avant la guerre d’Irak
Publie le mardi 24 juillet 2007 par Open-Publishingde Andrew Grice, rédacteur en chef - Politique
The Independent, le 19 juillet 2007, article original : "How Murdoch had a hotline to the PM in the run-up to Iraq war"
Tony Blair a eu trois conversations téléphoniques avec le magnat de la presse, Rupert Murdoch, dans les neufs jours qui ont précédé le début de la guerre d’Irak. C’est ce que le gouvernement [britannique] vient de dévoiler.
Les détails sur les contacts entre l’ancien Premier ministre et Rupert Murdoch ont été rendus publics en vertu du Freedom for Information Act [La Loi sur la Liberté d’Information]. Après avoir essayé d’en bloquer la révélation pendant quatre ans, le gouvernement britannique a fait machine arrière dans une volte-face surprise après la démission de M. Blair le mois dernier.
En vertu de cette Loi, une requête en information a été soumise par le pair [membre de la chambre haute, House of Lords] démocrate-libéral, Lord Avebury, et le journaliste de l’Independent, James Macintyre. Un jugement en appel était imminent et des preuves étaient sur le point d’être utilisées devant un Tribunal d’Information [Information Tribunal].
Hier, le Cabinet du Premier ministre [Gordon Brown] a déclaré qu’il y avait eu, en 20 mois, six discussions téléphoniques entre M. Blair et M. Murdoch, chacune à des moments cruciaux de son mandat. Les sujets de ces appels téléphoniques n’ont pas été révélés.
En 2003, les 11 et 13 mars, puis le 19 mars, la veille de l’invasion de l’Irak par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, M. Blair a téléphoné au propriétaire du Times et du Sun. Dans le monde entier, les journaux [et les chaînes de télévisions] de Murdoch soutenaient fermement cette guerre. Le lendemain de deux de ces appels, le Sun a lancé des attaques au vitriol contre le président français, Jacques Chirac. Le gouvernement britannique le citait pour avoir dit qu’il ne soutiendrait "jamais" une action militaire contre Saddam Hussein, une affirmation violemment contestée par la France.
MM. Blair et Murdoch se sont reparlés le 29 janvier 2004, le lendemain de la publication du rapport Hutton sur la mort du Dr David Kelly.[1] Une nouvelle conversation a eu lieu le 25 avril 2004, juste après que Blair eut plié devant la pression exercée contre lui par le pour qu’il promette un référendum sur la constitution européenne proposée. Ils se sont aussi parlé le 3 octobre de cette année-là, après que M. Blair eut dit qu’il ne conduirait pas une quatrième campagne pour les élections générales.
Le cabinet du Premier ministre a aussi déclaré que M. Blair a eu trois rencontres avec Richard Desmond, le propriétaire des Express Newpapers, entre janvier 2003 et février 2004. Le gouvernement britannique avait déclaré que rendre publique cette information serait préjudiciable à la conduite efficace des affaires publiques et que révéler les dates de ces échanges avec les "personnes intéressées" pourrait révéler le contenu de cette discussion.
Lord Avebury a déclaré : "Cette victoire est la bienvenue pour la cause de la liberté de l’information. Cela n’aurait pas dû prendre autant de temps et d’efforts pour extraire une information qui était clairement d’un très grand intérêt public. Rupert Murdoch a exercé en coulisse son influence sur la politique, sur laquelle il est connu pour avoir un point de vue très ferme, y compris la régulation de la diffusion télévisée et la guerre d’Irak."
Dans les carnets d’Alastair Campbell, publiés la semaine dernière, l’ancien propagandiste [de Blair] a décrit un dîner à Downing Street donné, en 2002, en l’honneur de Rupert Murdoch et de ses fils, James et Lachlan. "Murdoch a fait remarquer que ses journaux ont été les seuls à nous apporter leur soutien lorsque les choses allaient mal. ’J’ai remarqué’, a dit TB," a écrit Campbell. Lance Price, l’adjoint de M. Campbell, a appelé M. Murdoch "le 24ème membre du Gouvernement [de Blair]". Il ajoutait : "Sa présence se faisait toujours sentir. Aucune grande décision ne pouvait jamais être prise au No 10 [le cabinet du Premier ministre britannique], sans prendre en compte de la réaction probable de trois hommes, Gordon Brown, John Prescott et Rupert Murdoch. Sur toutes les décisions vraiment très importantes, n’importe qui d’autre pouvait être ignoré en toute tranquillité."
L’année dernière, Richard Thomas, le Commissaire à l’Information, a statué que les contacts officiels entre MM. Blair et Murdoch devaient être révélés, mais pas les autres contacts, sauf si des minutes ou des notes avaient été prises.
Les appels téléphoniques… et les réponses éditoriales
Comment le Sun a servi la soupe à Tony Blair après les conversations téléphoniques qu’il a eues avec le propriétaire, Rupert Murdoch :
* Appel téléphonique : 11 mars 2003
Le Sun dit : 12 mars 2003
"Comme une pute bon marché qui place le prix devant les principes, l’argent avant l’honneur, Jacques Chirac se pavane sur les sentiers de la honte. Le serment du président [français] de mettre son veto sur la seconde résolution [sur l’Irak] aux Nations-Unies - quel que soit son contenu - le place directement dans le caniveau."
* Appel téléphonique : 13 mars 2003
Le Sun dit : 14 mars 2003
"Le charlatan Jacques Chirac se prélasse dans les applaudissements de pacotille pour sa campagne ’Sauvez Saddam’ - mais sa trahison coûtera cher à son peuple. Cet égocentrique qui joue pour la galerie a infligé des dégâts irréparables à certaines des structures les plus fragiles de l’ordre international."
* Appel téléphonique : 19 mars 2003
Le Sun dit : 20 mars 2003
"Le temps est écoulé pour Saddam Hussein. Le jour du Jugement dernier n’est pas loin. La guerre contre l’Irak a commencé… Le courage et la détermination de Tony Blair et de George Bush vont à présent être mis à l’épreuve ultime."
Traduction [JFG-QuestionsCritiques]
Note :
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[1] Lire : Des hommes de conviction, par Michel Chossudovsky.