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De Frédérique
J’ai passé 25 ans, un quart de siècle à écrire des lettres de motivation.
Un quart de siècle à motiver mes atouts, mes compétences, mes qualités, motiver ma motivation à travailler. Ma motivation à vivre par son travail, ma motivation à recevoir ma pitance, mon droit à subvenir à mes petits besoins de solitaires, salariées précaires, nomade éternelle.
Un quart de siècle de précarité.
Être dedans et dehors à la fois. Survivre en trimbalant dans sa poche une identité qui vous colle comme une maladie, un exéma, le numéro d’identifiant au pôle emploi.
Destination pôle emploi ; pôle froid, Un désert sibérien, où l’on reste transis de désespoir au aguets d’un quelconque minuscule refuge pour encore survivre dans l’ère glaciaire de mon humanité.
Que sera demain ?

Demain sera longue durée. Demain je voudrai être libérée de l’angoisse glacée qui tétanise tout instinct de survie. Ne jamais lâcher, ne jamais glisser vers le trou, ne jamais tomber. Tenir, ne pas baisser les bras, aller toujours toujours de l’avant.
Faire encore un pas contre ce blizzard, faire encore ce pas.
Seule la peur est moteur de cet élan. La peur de glisser dans la faille , le gouffre de la folie. Happée par ce vide, cet appel désespéré de tout quitter, je me laisse porter par le souffle de l’anéantissement qui me guette à chaque fin de contrat.
Survivre et non vivre. Alterner souplesse, flexibilité, agilité, abnégation de soi pour se couler dans un moule trop étroit. Prendre la forme d’un sarcophage. Devenir ce mort vivant gangréné par la trouille d’être bouffé par l’anonymat de ma condition de sans. Bouffée et vampirisée par des suceurs de sang assoiffés et gavés de faire de ma vie du profit.
Qui s’intéresse à ma souffrance, qui la voit et qui l’entend. La gangrène du désespoir lamine toute initiative. Honte et coupable de n’être rien, honte d’être réduite à ce mot : SANS.
Vidée, anéantie, je finirai donc prématurément, tombe du sans emploi, au panthéon des anonymes. Soldat inconnu d’une guerre économique qui sacrifie sur l’autel de la concurrence tous ceux qui ne veulent plus participer à la sélection.
Enfermée dans ma solitude, je mourrai de cette épidémie qui tue tous ceux qui puent la détresse, cette peste noire de notre société d’asservis.
Non, je refuse ce sacrifice et en ce jour je vais laisser place à ma colère.
Ne plus accepter de se sacrifier, arrêter d’être victime de ce marasme.
Lever la tête. Remettre le couteau entre les dents. Armée de cette colère qui gronde au fond de tous les SANS, partir en guerre contre cette gouvernance d’état, contre cette machination économique qui éliminent et suicident à petit feu tous ceux qu’on ne sélectionne pas.
Exclus, les sans emploi, les sans-diplôme, les sans logement, les sans-papiers, les sans-abris, les sans-racine, les sans-famille.
Ne pas se laisser anesthésier par l’ infamie.
Quand tous les SANS larguerons leur colère pour exiger d’exister avec le respect et la dignité que chaque humain devraient avoir.
Quand la colère éclatera sur les têtes de nos décideurs,
Alors ceux qui nous affament apprendrons aussi à avoir peur.
Frédérique
Chômeuse Rebelle
Messages
1. SANS-EMPLOI, 23 août 2010, 18:33
Que ta colère devienne une épidémie,une pandémie !
Qu’elle frappe tous les SANS et les AVEC qui survivent !
Ton texte est magnifique.
Si tu permet,je t’embrasse.
LE REBOURSIER
2. SANS-EMPLOI, 23 août 2010, 18:53, par M.Sébastien
Un témoignage touchant et émouvant d’un réalisme saisissant.
Cela me rappelle 2 billets
Le travail et la mort : Avez-vous pensé à réaliser votre stress test ?
http://interim.over-blog.com/article-la-mort-et-le-travail-votre-stress-test-55736680.html
Quand les patrons embauchent en intérim ils pointeront au chômage !
http://interim.over-blog.com/article-quand-les-patrons-embauchent-en-interim-ils-pointeront-au-chomage-55648200.html
Courage
3. SANS-EMPLOI, 23 août 2010, 19:13
Tu es loin d être une " SANS" car de ton post on peut ressentir une rage et une frustration qui veulent s émanciper et transformer ce monde où l injustice se dévoile au quotidien et où l être humain se laisse broyer par la fatalité ... je pourrais donc te dire que tu as "TOUT" c est a dire ce qu il manque a beaucoup de gens de nos jours , l envie de ne plus laisser les décisions de quelques uns ruiner nos vies ...
Ce refus est légitime et ta colère est toute aussi juste , transforme la en action quotidienne et continu à faire passer ton message et crier ta rage , ne pas rester une victime et appeler "à l éveil" de tous les acteurs de la grande mascarade dans laquelle nous vivons depuis déjà trop longtemps ...
Merci a toi pour ton texte et saches que tu n est pas seule !
Mes meilleurs pensées pour toi , camarade .
4. SANS-EMPLOI, 23 août 2010, 21:15
Si la Révolte , selon moi et quoiqu’en pensent certains croyants, ne doit pas conduire à tendre l"autre joue".., acceptes tu que celle que Le Reboursier n’aura pas effleuré de sa bouche reçoive aussi un chaleureux "bisou" d’un vieux qui ne rougit pas d’avoir parfois les yeux humides quand il lit un témoignage comme le tien.?
.
Le CHE disait :
Lorsque qu’un homme assiste sans broncher à une injustice, les étoiles déraillent"
Ici nous sommes de ceux, avec toi, qui comme lui, pouvons clamer :
Cest dans les CHATIMENT- ô que ce terme devrait un jour s’appliquer aux salauds qui bousillent ta(nos) vie(s) , que le grand Victor Hugo écrivait un texte dont les premiers vers sont connus grâce à des millions de tracts qui ont repris ce slogan si juste , de ceux qui sont de ce côté de la barricade
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent
J’ignore si nous vaincrons, Chère Camarade inconnue.
.
Mais quel orgueil d’être de ceux qui auront tout tenté .
.En lançant à certains ce que père Hugo balançait à des députés médusés proposant je ne sais quelles "mesures" d’aides " aux "misérables"..
Ton témoignage nous rappelle que ceux qui nous serinent avec leurs conneries genre" On se plaint mais on vit bien, quand même.." seraient bien inspirés de méditer sur ce ces phrases tonnées par le poête à l’Assemblée il y a 160 ans.
.
Elles pourraient être jetés à la tête de ces politiciens qui se relaient pour toujours servir les mêmes, ceux qui nous "pourrisent" la VIE..
Bizz
AC
1. SANS-EMPLOI, 24 août 2010, 10:02
Merci,
Atous ceux qui ont pris le temps de me lire.Merci à tous ceux qui ont su saisir mon désespoir et ma rage viscérale.Mais hélas, le chômage est trop souvent reçu comme une maladie contagieuse dont il faut se protéger.Le travail est un droit .Selon l’ordonnace du 4 oct 1945 :
"C’est pour les débarrasser de l’incertitude du lendemain, que cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité, qu’il est inacceptable de troquer sa vie contre un salaire"
2. SANS-EMPLOI, 25 août 2010, 21:28
C’est plutôt nous qui devons te remercier pour ce témoignage où le désespoir entraine la rage,la rage de lutter.
M’autorises-tu à utiliser ton texte dans mon UL ?
Je pense qu’il peut apporter beaucoup à celles et ceux,malgré nos efforts militants,qui sont en désespérance.
Encore merci à toi pour ton courage et ta révolte.
LE REBOURSIER
3. SANS-EMPLOI, 26 août 2010, 12:23, par Adrien’
Tu es SANS, il est vrai : sans compromis, sans abandon, sans soumission, sans renoncement...
Tu es SANS, mais laisse-moi te dire ce que c’est d’être AVEC. Deux ans, une paille, deux petites années durant j’ai porté l’infamant collier, j’ai obéi, je me suis tue. Maintenant c’est fini... mais je suis restée AVEC. Avec honte, avec regret, avec colère, avec douleur et maladie. Le harcèlement s’efface lentement. Trois ans de convalescence et je fais toujours ces cauchemars absurdes. Ils partiront un jour, je le sais, je l’espère, je fais tout pour. Mais l’épilepsie, celle que je n’aurais jamais dû avoir, maintenant que le stress à doses de cheval l’a éveillée... je suis avec.
4. SANS-EMPLOI, 19 octobre 2010, 12:51, par lukas
non je recherche pou mon oncle unhomme ki peu l’aider dans sons boulot .ecriver au elenedulon@yahoo.fr
5. SANS-EMPLOI, 26 août 2010, 12:33, par Eddie Torial
TRAVAIL : du Latin TRIPALIUM : INSTRUMENT de TORTURE à TROIS PIEUX
http://lecaennaisdechaine.over-blog.com/article-travail-du-latin-tripalium-instrument-de-torture-40789103.html
Eddie Torial
1. SANS-EMPLOI, 26 août 2010, 22:53, par Rocky
J’aime tes paroles pleines de sens et de courage. Rebelle, par ta force des idées, tu es déjà capable de rassembler autour de toi, les "sans voix" qui veulent l’ouvrir. Les "sans droits" qui veulent se battre. Ouvrier intérimaire à Aulnay j’ai fait mon choix. Pas question de me faire sucer le sang. Avec des gens comme toi, je suis sûr que nous serons beaucoup à les faire trembler ! Tremblez, tremblez patrons négriers parce qu’on arrive et vous allez voir de quoi on est capable !
6. SANS-EMPLOI, 2 septembre 2010, 03:17, par Gilles
Emotion. Voilà le premier mot qui me vient à l’esprit. L’Emotion, plus forte que toutes couleurs et tous les discours réfléchis, posés, des compétiteurs aux voix urnesques. Combien d’entre eux devraient lire cette bouteille que tu jettes dans la mer virtuelle moderne, combien d’entre eux en lisant ton magnifique texte, apprendraient à voir l’humain, l’être, l’âme, souvent blessée par leurs "solutions".
Ces mots, magnifiquement vrais et si bien écrits, que tu nous offres, avec une humanité et une sensibilité si rares de nos jours sont au dessus de tout. Les larmes me sont montées aux yeux en te lisant et je ne saurai avoir de réponse politisé, engagée mais seulement humain, en me demandant comment une si belle écriture, tant de sensibilité peut se croire "SANS", alors qu’elle a tant. En me demandant combien sont-ils ces "SANS" ? En me demandant comment en est-on arrivé là ?
Merci à toi Frédérique, car cette force que tu canalises en rage, pour te battre sera, je l’espère contagieuse, et touchera les "SANS" et les "AVEC" qui te liront pour que l’humiliation cesse.
Gilles
1. SANS-EMPLOI, 3 septembre 2010, 13:39, par Philippe
Oui comment en sommes-nous arrivés là ?
Et pourquoi laisse t-on faire.
Courage frédérique et tous les autres.
Fraternellement.