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Sabiha AHMINE :Devoir de mémoire Républicain et lutte contre les discriminations
Publie le mardi 13 mai 2008 par Open-Publishing
"Devoir de mémoire Républicain et lutte contre les discriminations", c’est le sens de l’intervention de Sabiha AHMINE, conseillère régionale communiste le 1O mai 2008, lors de la 3ème journée Nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage et devoir de mémoire
... Je suis heureuse de participer avec vous à cette rencontre citoyenne, courageuse, riche et fructueuse, qui s’inscrits dans les festivités de la 3ème journée Nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage et devoir de mémoire. Avant de commencer, je tiens à saluer l’ensemble des organisateurs et des présents qui oeuvrant pour un véritable devoir de mémoire Républicain, nous aide à mieux lutter contre les discriminations. Un moment de débat de réflexion et de lutte, ce qui manque en nos jours…
Tout à l’heure, nous étions à la commémoration officielle à la Place Bellecour, je peux vous dire que les citoyennes et citoyens que j’ai croisé me disent tous que nous avons tant besoin de la réussite de cette action, aujourd’hui autant qu’hier. Cela pour poursuivre ensemble notre combat commun contre la barbarie, contre le racisme, contre le repli, contre les divisions, contre les manipulations politiciennes et pour construire ensemble une mémoire commune, républicaine et fraternelle, partagée en toute humanité. En effet la République demeure notre identité commune et notre premier rempart contre les divisions, la régression et le repli.
Depuis 2001, date de la reconnaissance par la République de la traite négrière comme crime contre l’humanité, par la courageuse loi C. Taubira, nous voulons que toutes les collectivités puissent prendre activement leur place. Mais aussi, si le devoir de mémoire a été beaucoup rappelé lors des trois récentes commémorations, je veux dire depuis la mise en place officielle de la journée nationale du 10 mai, une célébration que nous avons amorcé avec fierté ensemble à Lyon pour la première fois dans l’histoire en 2006, nous voulons que ce devoir puisse être inscrit au cœur de la gestion politique. Nous avons adopté des vœux dans ce sens à la Région Rhône-alpes. Désormais nous sommes fière de cette réalisation, car nous ne pouvons plus continuer à sous-estimer et à minorer l’impact réel de cette demande de reconnaissance sur notre jeunesse et sur nos institutions. En effet, notre combat pour l’égalité, la parité et contre les discriminations comme celui pour la citoyenneté républicaine pleine et entière, n’aura aucun sens et ne pourra en aucun cas aboutir, sans un rappel rigoureux et ferme de la mémoire.
Notre devoir de mémoire républicain doit, sans discrimination, servir avant tout à faire avancer l’humanité dans son ensemble, dans son universel, tout en respectant les spécificités que nous souhaitons progressistes et modernistes. En effet, le meilleur des devoirs de mémoire est celui qui doit servir en premier à libérer notre jeunesse des clôtures obscurantistes : celles du racisme barbare, celles du mépris et des divisions, pour l’aider à construire la concorde. Pour l’aider à construire des passerelles de dialogue et de paix, au sein de nos quartiers comme dans le monde. Cela en lieu et place de la violence, du silence criminel, à la place du rejet et des autres tentatives d’effacement de l’autres dans son existence politique comme dans son passé.
Il y a deux jours j’étais au Tata sénégalais de Chasselay pour la commémoration du 8 mai 1945, celle de la victoire des allies contre la nazisme, et pour rendre hommage aux Tirailleurs des ex-colonies, notre devoir de mémoire est surtout un appel pour la vigilance. Comme nous l’apprend Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, qui nous prévient en disant qu’il ne faut pas baisser la garde : "le bourreau tue toujours deux fois, la deuxième fois par le silence". Et comme l’ont démontrer plusieurs spécialistes, dans des contextes différents, le bourreau agit toujours par un processus d’effacement planifié et organisé. Dans ce sens, la traite négrière qui a légitimé pendant des siècles le racisme, sa non reconnaissance réelle, peut devenir un moyen de propagation de ce même racisme lâche. Au moment où nous abordons un nouveau millénaire, avec ses crises dites de civilisation, économiques, géopolitiques et autres, avec des antagonismes qui font resurgir en France et ailleurs un vaste débat identitaire, il est impératif que l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage et des luttes pour leurs abolitions ne sombre pas encore une fois de plus dans l’oubli. Cela au même titre que l’analyse rationnelle de l’héritage colonial de la République et celui de l’apport des peuples des colonies à la libération de notre pays de la barbarie nazie.
Donner sens à l’action
Donner un sens politique à cette journée, c’est surtout ne pas enfermer le devoir de mémoire dans des aspects communautaristes particulières, et dans de petits calcules et intérêts particuliers. C’est pourquoi, aujourd’hui, il est urgent de donner sens à cette mémoire vivante et la sortir de son aspect folklorique pour la hisser vers les lumières de la citoyenneté républicaine. Dans ce sens, les conclusions du rapport officielle du Comité pour la mémoire de l’esclavage, remis au Premier ministre le 12 avril 2005, dressent un constat précis : mémoires fragmentées et territorialisées, insuffisance des manuels scolaires et de la recherche, manque de lieux publics pour se documenter et s’informer sur la traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions. C’est pour lutter contre cette oubli que le comité a formulé des propositions détaillées : le choix du 10 mai comme date officielle de commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage, des actions dans le domaine de l’enseignement, de la recherche et de la culture. Leur but est de contribuer à faire sortir ces questions du ghetto où elles ont été trop longtemps reléguées et de les faire entrer dans la mémoire nationale, au même titre que d’autres drames majeurs de l’histoire récente ainsi que l’héritage coloniale.
L’ignorance sert la barbarie
Donc, même si le temps est court pour faire une évaluation des propositions de ce rapport, plus ce que jamais la vigilance doit être de mise : à chaque instant, vigilance contre l’oubli et contre toutes les tentatives criminelles qui visent à faire taire la participation politique des uns et des autres à ce type de reconnaissance, à ce type de commémoration et à notre devoir Républicain de mémoire… Il ne faut jamais oublier que toutes les tentatives criminelles d’effacement de notre mémoire commune, sont des actes antirépublicains qui sèment l’ignorance. Et cette ignorance n’est qu’une voie vers la barbarie. Dans ce sens, le racisme, encore très présent dans notre société, a toujours puisé ses racines dans l’ignorance du passé. Rester toujours vigilants, car comme nous le note Alain Finkielkraut : « La barbarie n‘est pas la préhistoire de l‘humanité mais l‘ombre fidèle qui accompagne chacun de ses pas. »
Avant de terminer, je vais vous lire une petite citation d’Aimer Césaire qui résume le sens de notre pensée : « Il est constant que notre lutte, la lutte des peuples coloniaux contre le colonialisme, la lutte des peuples de couleur contre le racisme est beaucoup plus complexe : elle ne saurait en aucune manière, être considérée comme une partie, comme un fragment d’une lutte contre le capitalisme, supposé global… Si le but de toute politique progressiste est de rendre un jour leur liberté aux peuples colonisés, au moins faut-il que l’action quotidienne des partis progressistes n’entre pas en contradiction avec la fin recherchée et ne détruise pas tous les jours les bases mêmes, les bases organisationnelles comme les bases psychologiques de cette future liberté, lesquelles se ramènent à un seul postulat : le droit à l’initiative ». C’est cela le droit à la personnalité politique.
C’est pourquoi, nous proposons que chaque collectivité puisse, avec obligation de résultats, se doter d’un plan tangible contre les discriminations et pour la reconnaissance et l’éducation à la mémoire et l’égalité citoyenne, en particulier les mémoires oubliées.