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Sarkozy, Blair, Merkel : les plus importants alliés de Bush

Publie le dimanche 19 février 2006 par Open-Publishing
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Angela Merkel, une alliée européenne importante pour les USA ?
par Karl Müller, Allemagne
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Les néoconservateurs américains ont fondé un comité, le Committee for a strong Europe (Comité pour une Europe forte). Ce qui les intéresse n’est sans doute pas une Europe indépendante, mais une Europe qui soit à la botte des néoconservateurs : « Nous sommes convaincus, écrivent-ils qu’une Europe forte peut, de concert avec les Etats-Unis, venir à bout des problèmes qui les menacent et profiter des avantages d’un gain de liberté dans le monde. » [liberté est un mot favori du président Bush.] Les politiciens européens les plus importants pour eux sont entre autres Tony Blair en Grande-Bretagne, Nicolas Sarkozy en France et Angela Merkel en Allemagne.

Le 22 novembre, Angela Merkel (CDU) a été élue chancelière d’Allemagne. Dans les débats publics qui ont précédé son élection, on n’a guère tenu compte du fait que la future chancelière allait donner à sa politique étrangère une orientation nettement proaméricaine.

Aussi n’avons-nous pas été surpris de lire, le 14 novembre, dans la Basler Zeitung que « le gouvernement américain espère que la grande coalition allemande apportera un plus large soutien au gouvernement irakien ». L’article cite le secrétaire d’Etat adjoint Daniel Fried qui a déclaré que le changement politique en Allemagne était une occasion pour les deux pays de surmonter les différends antérieurs au sujet de l’Irak et de parvenir à une collaboration plus étroite. Le 29 octobre déjà, le Spiegel titrait : « La CDU veut abandonner la politique étrangère de Schröder ». Cela dit, ce changement de cap « ne doit pas figurer dans le contrat de coalition », « il doit être effectué subtilement, mais avec toute l’autorité du chef du gouvernement ». En outre, « en première place sur l’agenda de politique étrangère de la future chancelière Angela Merkel figure un renouveau des relations avec les USA. [...] Les liens avec la France, jugés trop étroits » doivent être desserrés au profit des nouveaux membres de l’Union européenne - c’est-à-dire des meilleurs alliés du gouvernement américain (la « nouvelle Europe » de Rumsfeld).

Le jour de l’élection de la présidente de la CDU au poste de chancelière, le journal allemand Handelsblatt titrait à la une : « Le gouvernement américain place ses espoirs en Angela Merkel ». Au début de l’article, on pouvait lire ceci : « Le gouvernement américain s’attend à ce que le changement de gouvernement à Berlin rende les relations avec l’Allemagne beaucoup plus étroites. » Dans un autre article, le nouvel ambassadeur américain en Allemagne, William Timken, déclarait : Le président des Etats-Unis m’a dit ceci : « Sans une Europe forte et une Allemagne forte, je ne peux pas faire ce que je dois faire et le monde ne pourra pas résoudre ses problèmes. »

L’Allemagne doit s’occuper davantage du Moyen-Orient, des Balkans et du Caucase. Dans un commentaire de ce même journal, on pouvait lire ce jour-là : « Les Américains attendent du nouveau gouvernement avant tout un soutien dans le processus de démocratisation de l’Europe de l’Est, de l’Asie centrale et du Moyen-Orient. » Le point crucial, pour l’ambassadeur, est « qu’ici on n’accepte pas encore vraiment le fait que la globalisation soit irréversible et qu’elle exige un changement complet ».

Merkel a prévu de se rendre aux Etats-Unis en janvier et le président Bush souhaite également une rencontre. Selon le Financial Times Deutschland du 17 novembre, « une réconciliation ostensible avec Merkel, chef du gouvernement d’un pays qui comptait parmi les opposants les plus farouches à la guerre en Irak serait un geste symbolique. » Ce serait « le commencement d’une nouvelle phase des relations ».

Dès que l’échec de la politique américaine en Irak fut devenu évident, Angela Merkel avait longtemps évité des manifestations de sympathie trop nettes. En juin 2003, lorsque les premiers mensonges du gouvernement américain furent connus, elle avait « fait vœu de silence » (Spiegel online du 6 juin 2003, cité - chose intéressante - par l’Aspen Institute de Berlin dirigé par le néoconservateur pur et dur Jeffrey Gedmin). Et pendant la campagne électorale, il n’était plus question de la position de Merkel avant la guerre en Irak.

Et pourtant elle s’était prononcée nettement en faveur d’une participation allemande à la guerre et avait ajouté foi sans réserves aux mensonges américains. Le 28 février 2003, le Spiegel titrait : « Une amie en détresse ». Dans le chapeau de l’article, on pouvait lire : « En tant qu’adversaire du chancelier Schröder et de sa politique de paix dans le conflit irakien, la présidente de la CDU Angela Merkel a été accueillie à bras ouverts par le gouvernement Bush. Elle a fait savoir au ministre de la Défense Rumsfeld qu’elle portait en elle la ‹nouvelle Europe›. Il a éclaté de rire. »

A la conférence de Munich sur la politique de sécurité, le 8 février 2003, elle avait déclaré entre autres à propos de la politique étrangère de l’Allemagne et de l’Europe : « Les Européens curieux découvrent des USA qui sont manifestement mieux préparés à faire face aux nouvelles menaces. [...] Et la menace des armes de destruction massive de Saddam Hussein est réelle et non fictive. [...] Ceux qui excluent dans tous les cas des mesures militaires coercitives contre l’Irak [...] doivent être prêts à assumer leurs responsabilités au cas où leur politique du simple confinement échouerait. Pour moi, il est manifeste que ceux qui critiquent radicalement la voie américaine dans le conflit irakien ne sont pas en mesure d’assumer l’entière responsabilité des conséquences de leurs actes. [...] Si finalement le désarmement pacifique échouait et que les mesures coercitives annoncées restaient la seule solution possible, nous serions favorables [...] à une intervention militaire. L’Allemagne devrait dans ce cas y participer selon ses possibilités en accord avec ses partenaires européens et transatlantiques. »

Rien d’étonnant donc à ce qu’Angela Mer-kel soit bien vue de néoconservateurs réputés comme Richard Perle, un des bellicistes les plus radicaux. Dans une interview accordée à l’Handelsblatt du 27 mai 2005, Perle a déclaré entre autres : « Il existe de grandes différences entre le gouvernement des Etats-Unis et les sociaux-démocrates allemands, mais pas avec la CDU/CSU. C’est pourquoi, en cas de victoire de Madame Merkel aux élections, je pense que les relations bilatérales vont s’améliorer. [...] Angela Merkel est très attachée à la tradition transatlantique. Elle soutient entièrement l’OTAN et est favorable à une coordination étroite entre Berlin et Washington. Angela Merkel semble avoir la même vision globale qu’Helmut Kohl. Le chancelier Gerhard Schröder ne nous a pas habitués à cela. »

Jeffrey Gedmin, de l’Aspen Institute néoconservateur de Berlin, donne également des conseils à Angela Merkel par journal interposé. Le 16 août 2005, Die Welt publiait sa « lettre à Angela Merkel ». Il commençait par louer le Français Nicolas Sarkozy pour sa politique néolibérale puis, à l’intention d’Angela Merkel, il écrivait : « Pourquoi ne pas dire franchement aux électeurs que l’économie sociale de marché ne fonctionne plus ? » Mais, selon Gedmin, il y a en Allemagne, dans tous les partis, des gens qui ne veulent pas adopter la politique néolibérale, d’où son conseil à Merkel : « Avant de faire avancer le pays, vous devez vaincre intellectuellement ces individus nostalgiques qui traînent les pieds. Si Sarkozy succède à Chirac, peut-être que la France connaîtra un essor. Il serait regrettable que l’Allemagne continue de régresser. Et le 16 novembre, Gedmin écrivait dans un article du même journal intitulé « La stabilité n’est pas tout » : « Les USA n’ont pas de stratégie cohérente à propos de l’Iran, mais il me semble que celle de l’Allemagne se limite à être gentil avec les mullahs. Ce n’est pas une attitude sérieuse pour un pays qui veut être pris au sérieux. Nous allons voir ce que fera la nouvelle chancelière. »

Qu’est-ce que Gedmin va encore nous expliquer ? A en croire ce qu’écrivait le journal Welt am Sonntag le 27 juillet déjà dans un long article sur les think tanks américains et leur influence sur la politique, « Gedmin a montré comme on fait du conseil politique populaire. L’Américain est en Allemagne depuis une année et demie. Il a mis en ébullition son Institut - et les think tanks de Berlin. Un jour, il parle de la lutte contre le terrorisme dans l’émission de Sabine Christiansen [première chaîne allemande] et un autre, en petit comité à Schwerin, il « briefe » Angela Merkel sur les relations germano-américaines. » Et sans doute avec succès. Spiegel online écrivait, le 17 novembre, que Merkel avait « annoncé une attitude de fermeté à l’égard de l’Iran ».

Comment va-t-elle empêcher que sa dépendance par rapport à la politique américaine ne saute trop aux yeux ? Selon le commentaire de l’Handelsblatt mentionné ci-dessus, « malgré ses bonnes dispositions à l’égard de l’Amérique, elle va chercher des « niches » qui lui permettront de prouver son indépendance. [...] En ce qui concerne la Turquie, elle pourrait montrer qu’elle ne suit pas aveuglément la politique de Bush. » Et qui dit cela ? Le néo-conservateur Gedmin. •

(Horizons et débats, numéro 34, décembre 2005)

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