Sarkozy, grand vainqueur de la crise du CPE

Villepin dépossédé du dossier CPE au profit de Sarkozy

PARIS (AFP) -

Le Premier ministre Dominique de Villepin apparaît déjà comme le grand perdant politique de la crise du CPE, dépossédé du dossier au profit de son rival Nicolas Sarkozy, qui a été appelé à la rescousse en tant que chef du parti au pouvoir UMP.
"Que reste-t-il de Dominique de Villepin ?", s’interrogeait Le Figaro. Il est toujours "pour le moment à son poste. Mais dans quel état ?", ajoutait le journal, alors que Le Parisien titrait : "Sarkozy, Premier ministre bis".

Pour ne pas désavouer son fidèle lieutenant Villepin, le président Jacques Chirac a préféré promulguer la loi instituant le très controversé contrat première embauche, une arme conçue par le Premier ministre pour faire reculer le fort chômage des jeunes, plutôt que d’ordonner une nouvelle délibération parlementaire.
Mais, simultanément, le chef de l’Etat a enterré de facto le CPE en décidant qu’une nouvelle loi viendrait en corriger les points litigieux, afin de réduire la période d’essai de deux ans à un an et d’introduire l’obligation de motiver un licenciement.

De fait, en imaginant cette pirouette législative inédite, le président a redistribué les cartes : il a confié la conception de la nouvelle loi aux parlementaires de l’UMP, sans pouvoir ignorer que Nicolas Sarkozy, président du parti et ministre de l’Intérieur, s’emparerait aussitôt du dossier.
Dès l’allocution de M. Chirac terminée, Sarkozy a fait à son tour une déclaration solennelle pour se féliciter d’une "décision de sagesse".

Et il a aussitôt multiplié les coups de téléphone personnels aux responsables syndicaux, en se disant "chargé par le gouvernement de prendre un peu en main les discussions". "On sent bien que notre interlocuteur n’est plus le Premier ministre", a remarqué le leader du syndicat CFDT, Jacques Chérèque.
Le président de l’UDF François Bayrou a fustigé la "délégation de pouvoirs" accordée à l’UMP au détriment du gouvernement et de son Premier ministre. Un leader socialiste, Julien Dray, a dénoncé "la prise de pouvoir" de Sarkozy.

Alors qu’une réunion des instances de l’UMP était prévue lundi soir pour fixer la future ligne de conduite sur le CPE, Dominique de Villepin, qui s’est offert une séance de cinéma pour décompresser ce week-end, a tenté de montrer qu’il tenait toujours le gouvernail.

Il a réuni ses ministres au grand complet lundi matin, à la veille d’une nouvelle journée d’action anti-CPE avec grèves et manifestations. Objectif : "fixer le cap des prochains mois".

En chute vertigineuse dans les sondages, Villepin a assuré ne pas être homme à "baisser les bras" et être prêt à rebondir. Mais ses chances pour l’élection présidentielle de 2007 semblent désormais sérieusement compromises, pour le plus grand bonheur de son rival qui tient ainsi sa revanche.

Car Villepin comptait sur le CPE pour prendre Sarkozy de vitesse dans la course à la présidentielle et imposer une image de réformateur avisé du modèle social français face à Sarkozy, l’homme de la "rupture".

Après dix semaines de crise grandissante, le tandem exécutif Chirac-Villepin, impuissant à la résoudre, en est aujourd’hui réduit à attendre que l’ennemi Sarkozy sauve la droite du naufrage. Ce qui permet au président de l’UMP de se poser, contre toute attente, en artisan du dialogue social.