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Si nous nous repentions...

Publie le lundi 19 septembre 2005 par Open-Publishing

Journal du Dimanche 11-09-05

Si nous nous repentions nous serions adulés par la bonne société. »
Jean-Marc Rouillan, l’ancien leader d’AD, évoque sa demande de libération conditionnelle, qui sera examinée mercredi.

Le juge d’application des peines de Tarbes doit statuer sur votre première de­mande de mise en liberté conditionnelle mercredi.

Etes-vous optimiste ?

Les réponses négatives aux demandes de Nathalie Ménigon et de Georges Cipriani, malgré leur état de santé, n’augurent rien de bon pour moi. En fait les magis­trats de l’application des peines sont pris dans des contradictions inextricables. D’un côté, la loi leur demande d’étudier notre cas comme s’il s’agissait de n’im­porte quel autre cas ; de l’autre, il leur est impossible d’échapper aux pressions politiques du mi­nistère de la Justice. Nos dossiers de demande de libération condi­tionnelle sont bons. Avec de tels dossiers, n’importe quel autre prisonnier sortirait. Mais les tri­bunaux sont trop frileux pour imposer l’indépendance de la justice et nous libérer. Alors, ils justifient leur refus comme ils le peuvent et inventent des raisons extravagantes. Hier pas assez malade pour une suspension de peine, Nathalie le serait trop au­jourd’hui pour travailler et donc pour bénéficier d’une libération conditionnelle ! A Mulhouse, les juges ont mis en avant l’existen­ce d’Action directe seize ans après sa dissolution. A Troyes, ils parlent même de l’activité viru­lente de l’organisation.

Votre absence de repentir influence-t-elle la décision des juges ?

C’est la question centrale, depuis notre premier jour de prison. Et c’est le pourquoi de nos condi­tions de détention extraordi­naires, des restrictions actuelles sur le droit de communiquer ou de la censure des correspon­dances. Dans aucune des lois de l’application des peines, il n’est stipulé que le prisonnier doit ab­jurer ses opinions politiques. Mais pour nous, certains procu­reurs n’hésitent pas à affirmer que les revendications du com­munisme impliquent une récidive. Je sais bien que si nous nous repentions, nous serions soudai­nement adulés par la bonne so­ciété, mais ce n’est pas notre vi­sion de la responsabilité poli­tique. Notre engagement n’est pas à vendre ni à échanger contre un peu de liberté.

Quelle est votre position au­jourd’hui face aux exécu­tions du général René Audran et de Georges Besse ?

Je refuse de m’exprimer sur ces actes dans ma situation actuelle.

Vous considérez-vous com­me un prisonnier politique ?

Bien sûr. Qui pourrait le nier aujourd’hui quand les tribunaux : affirment que nous restons en prison parce que nous sommes restés communistes et internationalistes, ou alors parce que nous nous réclamons du droit à l’in­surrection ! Quel militant d’ex­trême gauche, à l’extérieur, n’est pas partisan d’une insurrection de classe ? Pour les autres détenus, nous sommes des prison­niers politiques, comme pour les- ’ surveillants, les directeurs, les juges... Comme pour les RG qui surveillent tous les aspects de notre détention, qui enquêtent sur les personnes avec qui nous communiquons et qui conser­vent tous nos écrits. Leurs rapports de synthèse sont lus devant les tribunaux de l’application des ’ peines. N’est-ce pas un magistrat toulousain qui évoqua dans son refus de voir Nathalie Ménigon assignée à résidence dans le dé­partement le fait qu’elle sera ra­pidement considérée par une partie de la population comme une héroïne révolutionnaire ? Nous avons été condamnés par des tribunaux d’exception pour des raisons politiques, nous avons été détenus dans des conditions tout à fait exceptionnelles - des quartiers de déten­tion ont même été spécialement aménagés pour certains d’entre nous , et il suffit aujourd’hui de se pencher sur les ordonnances des tribunaux de l’application ’ des peines pour comprendre que nous restons en prison pour des raisons tout à fait politiques.

Propos recueillis par Jean-Manuel Escarnot

http://www.action-directe.net