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Silence, on libéralise l’énergie !

Publie le jeudi 26 avril 2007 par Open-Publishing

de Jean-Michel Bezat

Chut, le marché de l’énergie va être ouvert ! Dans cette campagne présidentielle où le débat public a joué à saute-mouton sur différents thèmes (salaires, emploi, sécurité, identité nationale...), aucun candidat - et surtout pas Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy - n’a évoqué l’échéance du 1er juillet 2007, date à laquelle les monopoles d’EDF et de Gaz de France (GDF) tomberont. Au plus grand profit, tranchent les libéraux, des consommateurs, qui auront le choix de leur fournisseur d’électricité et de gaz.

Ce silence est bien compréhensible. Les hommes politiques ont la libéralisation honteuse. On ne trouve guère de ministre ou de député assez courageux pour justifier l’intérêt pour les particuliers et les industriels d’un processus décidé à Bruxelles au milieu des années 1990 et repris sans broncher à Paris par la droite et la gauche.

Personne, et surtout pas le gouvernement, qui ne veut visiblement pas gêner M. Sarkozy. C’était pourtant bien aux ministres de l’économie et de l’industrie, Thierry Breton et François Loos, de préparer l’opinion à cette rupture et d’éclairer les consommateurs. Bref, de faire le service après-vente de la loi sur l’énergie du 7 décembre 2006 qui coule les directives bruxelloises dans le droit français. "Or, nous sommes seuls à expliquer l’ouverture du marché, ce qui n’est pas normal", se plaint un dirigeant de GDF.

MM. Breton et Loos appliquent donc le service minimum et obligatoire. Ils ont soumis le décret sur la libéralisation du marché, mardi 24 avril, au Conseil supérieur de l’énergie, aréopage purement consultatif où siègent des représentants de l’Etat, du Parlement, des syndicats, des consommateurs et des entreprises du secteur.

Pour le reste, la discrétion s’impose. La CGT et les sénateurs communistes s’en inquiètent. Ils dénoncent des décisions prises "en catimini" entre les deux tours et jugent que la libéralisation du secteur va grever le pouvoir d’achat des ménages. "Malgré la trêve électorale, le gouvernement persiste, passe en force et met en péril le prix de l’électricité", s’insurge la CFDT, qui redoute "un coup de matraque sur les consommateurs particuliers".

Avant la présidentielle, le gouvernement n’a pas osé dresser un bilan critique de l’ouverture du marché aux grands industriels (2000) et aux professionnels (2004). Et pour cause, puisque les prix de l’électricité se sont emballés deux ans après cette ouverture, même si le phénomène est plus lié au renchérissement des produits pétroliers qu’à la libéralisation elle-même. Fin 2006, il avait même tout fait, au Parlement, pour accorder aux entreprises ayant choisi la liberté des prix le droit de revenir à un tarif plus avantageux. Comme pour expier son péché de libéralisme originel.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-902254,0.html