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Simon Wiesenthal, la mort de "l’homme mémoire" de l’Holocauste

Publie le mardi 20 septembre 2005 par Open-Publishing
5 commentaires

Rescapé des camps, il avait passé le reste de sa vie à traquer les criminels nazis • Il avait notamment retrouvé Adolf Eichmann • "Son moteur, c’était sa conscience, sa force intérieure et cette incroyable volonté de justice", témoigne un historien ayant travaillé avec lui • Il est mort lundi à 96 ans

de Judith RUEFF

"Survivre est un privilège qui engendre des obligations", écrivait-il dans ses Mémoires. Simon Wiesenthal est mort lundi à 96 ans après avoir passé sa vie à remplir ces obligations-là. Depuis le 5 mai 1945, quand il sort décharné des camps d’extermination, ce Juif né en Ukraine a chassé les criminels nazis "pour la justice, pas la vengeance" (1). Sa mère et des dizaines de membres de sa famille et de celle de sa femme ont péri dans les chambres à gaz.

Architecte avant la guerre, Wiesenthal devient chasseur professionnel d’anciens nazis, installé à Vienne où il établit son centre de documentation juive. Grâce à son réseau d’informateurs, il localise Adolf Eichmann avant les services secrets israéliens. Le chef du département des affaires juives de la Gestapo et grand ordonnateur de la "solution finale" se cache sous un faux nom à Buenos Aires. Quelques années plus tard, Eichmann est enlevé par un commando israélien et jugé à Jérusalem, puis condamné à mort pour crimes contre l’humanité.

Le tableau de chasse de l’ancien prisonnier de Mathausen compte d’autres célébrités : Karl Silberbauer, l’officier allemand qui arrêta la jeune Anne Frank, Frank Stangl, le commandant des camps de concentration de Treblinka et Sobibor, ou Hermine Brausteiner, responsable de l’assassinat de centaines d’enfants à Majdanek. Et quelque 1100 criminels anonymes, arrêtés puis jugés grâce à son travail de fourmi. Des années à accumuler des preuves, à vérifier des informations et à monter des dossiers judiciaires avec trois collaborateurs et une pugnacité à toute épreuve pour retrouver des dignitaires du IIIe Reich confortablement rangés dans les dictatures d’Amérique latine ou d’ailleurs.

"C’était un petit homme frêle, fragile, à la santé déficiente, qui parlait d’une petite voix en allemand, avec un fort accent -il était Polonais d’origine", se souvient Marc Knobel, historien et chercheur au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) qui a travaillé avec lui.
"Tout au long de sa vie, il n’a pas eu de moyens. A un moment, comme il n’avait pas d’argent, lorsqu’on lui envoyait des courriers, il récoltait les timbres et les vendait, se rappelle-t-il. Il n’avait pas de budget. Son moteur, c’était sa conscience, sa force intérieure et cette incroyable volonté de justice."

"Il a eu le mérite d’être un homme-mémoire", résume l’historien Pierre Vidal-Naquet. Extrait autobiographique d’un acharné du combat contre l’oubli : "Toute ma vie je me demanderais ce que je peux faire pour ceux qui n’ont pas survécu. La réponse que je me suis trouvé (et qui ne doit pas être forcément celle de tout survivant) est la suivante : je veux être leur porte-voix, je veux garder leur mémoire vivante, être sûr que les morts continuent de vivre dans cette mémoire."

(1) « Justice n’est pas vengeance », son autobiographie a été publiée en 1989.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=325039

Messages

  • Nous avons appris, seulement cette année pour les 60 ans de la libération du camp d’Auschwitz
    que depuis le début les gouvernements des alliés connaissaient l’existence des camps de concentration. Or, hitler projettais d’éliminer les juifs "incognito", à l’insu de tous.
    Il aurait suffi que l’on envoie des bombes sur les voies ferrées qui conduisaient aux camps d’extermination de millions d’inocents pour que, peut-être, celà s’arrête ?
    Celà a été fait pour stopper les convois d’armement. Pour des vies humaines, RIEN
    Bien qu’étant chrétienne, je ne pourrai jamais le leur pardonner
    Michèle

    • Vous dites " Le plus efficace pour sauver des vies était, il me semble, d’abattre au plus tot le régime nazi."
      Il me semble que c’est plus compliqué que ça. Et que "bombarder les voies ferrées" en effet n’aurait pas suffi.
      Par contre, il y a d’autres choses qui auraient pu être faites par les Alliés mais ne l’ont pas été : notamment prévenir les populations de ce qui était en train de se passer, à savoir l’extermination massive, et prévenir les Nazis et leurs collaborateurs (tous les Papons d’Europe) qu’ils seraient tenus pour responsables après la défaite de l’Allemagne.
      Je crois qu’une des raisons du silence allié est qu’ils avaient peur de donner des arguments à la propagande nazie. Les Nazis avaient dit que les Juifs avaient entraîné les pays alliés dans la guerre, que c’était une guerre voulue par les Juifs, et cette propagande avait un certain succès. Les Alliés, aussi bien Américains, que Britanniques, que soviétiques, préféraient taire cette question, ne pas faire que la guerre commence à être perçue comme "une guerre pour sauver les juifs", ce qui aurait risqué d’être, mais oui, impopulaire, chez beaucoup de gens...
      Aa.

    • Les alliés avaient photographié les camps. Ils les connaissaient tous. Pour ce faire, il avait bien fallu qu’ils prennent le risque de s’aventurer en territoire dangereux. Ils le faisaient sans complexe pour bombarder des voies ferrées ou passaient des trains d’armement.

      S’il avait compris que le monde savait, j’ai dit que " peut-être" Hitler aurait changé son plan qui ne pouvait réussir que dans l’omerta. Les juifs devaient disparaître sans que l’on sache comment ni où ils étaient passés.

      Il ne s’agit pas de refaire l’histoire, mais de la connaître... Ces révèlations nous ayant été cachées jusque là.

      Il y a une violence généreuse et une indifférence qui est le comble de la cruauté.

      Comment pouvaient s’endormir le soir sachant que, jour après jour, pendant plusieurs années, des êtres humains, hommes, femmes, ENFANTS étaient sacrifiés de la manière la plus abominable ?

      Heureusement que je crois dans la justice divine et que ces grands comblés de gloire et d’honeurs dans ce monde ont dû se présenter devant le TRIBUNAL de DIEU

      J’ai une infinie reconnaissance pour cette jeunesse anglo-américaine "sacrifiée" pour notre liberté
      mais le plus profond mépris pour leurs dirigeants et leur lâcheté .

      Pardonnez-moi

      Michèle

    • Ce n’est pas par peur de la propagande nazie que les dirigeants des pays alliés se sont "lavé les mains" de cette extermination.

      C’est uniquement : PARCE QU’ILS NE SAVAIENT PAS QUOI FAIRE DES JUIFS s’ils leur sauvaient la vie.

      Il y a eu des atrocités à tous les âges, mais c’est la première fois, EN CE 20° SIECLE, que l’on extermine une population COUPABLE d’EXISTER

      Désolée. Ce monde ne changera que lorsque l’on placera la vie humaine AU-DESSUS de TOUT

      Michèle

    • Vous dites "C’est uniquement : PARCE QU’ILS NE SAVAIENT PAS QUOI FAIRE DES JUIFS s’ils leur sauvaient la vie."
      Non, ce n’est pas "uniquement" pour cela.
      Comme dans tout phénomène historique, il y a une multiciplicité de causes.
      Désolé, Michèle, quand on explique quelque chose avec des "uniquement", on est mal barré.