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Suède : le parti féministe s’affirme dans la course aux élections

par F Sharifi

Publie le lundi 8 septembre 2014 par F Sharifi - Open-Publishing

Suède : le parti féministe s’affirme dans la course aux élections

Créé en 2005, Initiative féministe séduit de plus en plus de jeunes électeurs, attirés par un discours axé sur la lutte contre toutes les formes d’inégalité. Après avoir obtenu un élu au Parlement européen, la formation espère percer lors des scrutins locaux et nationaux du 14 septembre.

Simrishamn, Malmö, Stockholm (Suède), envoyée spéciale. À deux pas de l’un des principaux ports de pêche de Suède, à Simrishamn, la place du marché est investie, ce samedi-là, par les stands de formations politiques. C’est la dernière ligne droite de la campagne des élections locales et nationales, le 14 septembre. L’une des structures détonne avec son décor imitant un salon Ikea. Un clin d’œil pour rappeler que «  le privé est politique  », slogan célèbre des années 1970. Les badauds, sacs de courses en main, s’agglutinent quand, au micro, Gudrun Schyman se lance dans les explications sur la vision du féminisme prônée par son parti, baptisé Initiative féministe, ou «  F  !  ». À deux pas, devant le stand du Parti de gauche (PG), organisation d’obédience marxiste, Anders Arenhag regarde cette petite foule attroupée autour de Gudrun Schyman. Il la connaît bien. La militante est l’ex-secrétaire nationale du PG. «  On est d’accord à 95 % avec le parti féministe. Mais notre différence porte sur la lutte des classes, question que nous, nous mettons en avant  », précise-t-il.
Un public composé de femmes, mais aussi de nombreux hommes
Un désaccord «  de fond  » selon Gudrun Schyman, qui quittera le PG pour fonder sa formation, en avril 2005.

«  Le rapport de pouvoir des hommes sur les femmes est théoriquement traité dans les partis de gauche, mais il n’arrive jamais en bonne place dans l’ordre du jour politique. Dans la pratique, il reste subordonné à la politique de classe  », rappelle la porte-parole de F  ! à plusieurs reporters venus du Brésil, du Canada, des États-Unis et de France pour enquêter sur ce qu’il se passe autour du parti féministe.
À Simrishamn, à Malmö, importantes communes de la Scanie, ou à Stockholm, la capitale, les prises de parole de Gudrun Schyman attirent un public intergénérationnel composé de femmes, mais aussi de nombreux hommes. Un public jeune. «  F  ! parle de toutes les personnes en position inférieure, de toutes les formes d’exploitation, de sexe, de classe ou ethnique  », note ¬Miranda, étudiante de vingt et un ans.

Ce parti séduit justement parce qu’il ne priorise aucune des inégalités constatées en Suède et ailleurs. Il fait sienne les paroles de l’anthropologue Françoise Héritier pour qui la question de l’égalité des sexes, «  éminemment politique  », est «  la matrice de tous les autres régimes d’inégalité  ». Les jeunes semblent particulièrement sensibles à cette nouvelle parole, elle les pousse à adhérer et militer à F  !. C’est du moins les arguments largement entendus lors de notre reportage.

Pour Andreas, chômeur de vingt-six ans, adhérent depuis «  quelques semaines  », «  les hommes aussi subissent les conséquences de l’inégalité, elle crée des obstacles pour vivre ensemble dans le couple, la famille et en société  ». Gudrun Schyman, leader charismatique, sillonne le pays, ses outils de «  professeure  » d’éducation populaire dans son cartable. Elle expose sa pensée partout où elle se rend, au marché, dans des meetings et, surtout, dans les rencontres d’appartement, dont elle raffole.

Partout, elle insiste  : «  Notre vision est l’épanouissement humain et le développement de l’environnement.  » Ou encore  : «  On parle du mouvement de l’argent et non d’où va l’argent. Pour nous, le développement économique n’est pas un but en soi. L’argent doit servir au bien-être de tous les êtres humains.  » Et ça fait tilt. Mattias, vingt ans, étudiant sans appartenance politique, affirme  : «  Les partis au pouvoir s’occupent de l’économie sans avoir une vision pour un meilleur monde.  » En 2005, Initiative féministe comptait 3 500 adhérents. Il en revendique désormais plus de 18 000, dont 25 % d’hommes.

Simrishamn est la première ville (19 000 habitants) à avoir accueilli, en 2010, quatre élu(e)s féministes au sein de l’assemblée communale. Les militant(e)s espèrent doubler leur score à ces élections. Ils misent essentiellement sur les scrutins locaux pour augmenter l’influence de leur parti, notamment à Malmö, Göteborg, Lund, Umea, Kiruna et, surtout, Stockholm. L’élection en mai dernier de Soraya Post, première élue féministe au Parlement européen, a boosté les militant(e)s. Ils comptent dépasser la barre des 4 % afin d’entrer au Parlement national. «  Ce serait une grande première  », s’exclame une adhérente. La Suède, pays de 9 millions d’habitants, a opté pour un régime parlementaire à toutes les instances électives. «  S’il faut changer de route politiquement, il faut le faire radicalement  », estime Michael (soixante ans). Il déposera un bulletin F  ! au scrutin national. «  Pour la première fois  », sourit-il.

Humanite
JEUDI, 4 SEPTEMBRE, 2014