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Suspension de peine : Act Up dévoile les chiffres

Publie le jeudi 4 mars 2004 par Open-Publishing

Le 4 mars 2004, on fêtera les deux ans de l’entrée en vigueur de la loi sur
les droits des malades, qui a institué la suspension de peine pour raisons
médicales. Ce dispositif prévu à l’article 720-1-1 du code de procédure
pénale, permet aux détenus malades de sortir de prison en raison de leur
état de santé, si leur " pronostic vital " est réservé à court terme.

Indéniable progrès sur le papier, cette disposition a fait mouche. Le Garde
des Sceaux et le ministre de la Santé, se sont à plusieurs reprises
félicités de ce système, qui, permettait selon eux, qu’il n’y ait plus des
personnes gravement malades détenues, voir qu’elles décèdent en détention.

La réalité est toute autre. Trop peu de détenus ont bénéficié de cette
suspension. Les chiffres sont si faibles que le ministère de la Justice ne
veut pas les communiquer. C’est pourquoi Act Up-Paris les dévoilent.

Pour l’année 2003 :
- Suspension de peine pour raison médicale : 63
- Rejets : 52
- Appels confirmant la mesure de suspension de peine : 1
- Appels infirmant la mesure de suspension de peine : 3
- Désistements : 1
- Autres mesures : 16

- 63 personnes ont donc bénéficié d’une suspension de peine en 2003, 52
ont vu leur demande rejetée.
- Pour le troisième trimestre 2003, cinq " décès ont été enregistrés
entre le 1er octobre et le 31 décembre " : deux personnes sont décédées
durant l’instruction de leur demande, deux personnes sont décédées 7 mois
après une décision d’accord de suspension de peine et une personne est
décédée 7 semaines après une décision de rejet.
- Au 31 décembre2003, 49 personnes attendaient l’instruction de leur
demande.
- Depuis le 4 mars 2002, 83 personnes ont bénéficié d’une suspension de
peine.

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. Trop peu de détenus malades bénéficient de
ce dispositif et les délais d’examen des dossiers (entre deux mois et cinq
mois) sont excessifs vu l’état de santé des demandeurs. L’exemple de
Nathalie Ménigon est exemplaire. Sa santé se dégrade depuis des années, sans
que ses conditions de détention changent. Alors que son état de santé est
très grave, une première demande de suspension de peine a été rejetée. Et
même si une seconde sera examinée prochainement, sa situation est
catastrophique.

Pire encore est l’obstacle, inadmissibles, constitué par le manque cruel de
lieux d’accueil pour les malades sortant de prison. En effet, actuellement,
des malades sont maintenus en détention, alors que leur suspension de peine
a été accordée, parce qu’aucune structure d’hébergement ne veut les
accueillir. D’autres sont en attente d’un jugement qui pourrait les libérer,
à la seule condition toutefois d’avoir un lieu d’accueil à l’extérieur.

Deux exemples :
- un détenu, qui est en fauteuil roulant, doit être libéré en avril
prochain. Actuellement, aucun lieu d’accueil ne veut de lui. Quel sort
va-t-il lui être réservé le jour de sa sortie ?
- un autre détenu, également malade, vient de bénéficier d’une suspension de
peine. Sa pathologie lourde nécessite une prise en charge dans un
appartement thérapeutique. Aucune place n’a pu lui être trouvée. Faudra-t-il
qu’il décède en prison pour qu’enfin les structures d’hébergement, et les
institutions de tutelle se décident à libérer une place ?

Pendant que le gouvernement s’émeut de la condamnation avec sursis d’Alain
Juppé, les détenus gravement malades restent incarcérés dans l’indifférence
générale. Et ce ne sont pas les constructions de nouvelles prisons, dite à "
visage humain " qui rendront à ces détenus une santé meilleure. Cette
situation est inqualifiable. Des centaines de personnes restent en détention
dans des conditions absolument inadaptées à leur état. Les difficultés de
toute nature rencontrées pour la mise en oeuvre de cette mesure démontrent
que le gouvernement préfère ignorer ces situations humainement
inacceptables.

Face à l’inertie du ministère de la justice, nous exigeons :
- que tous les détenus dont " le pronostic vital est engagé ou dont l’état
de santé est incompatible avec la détention ", soient libérés ;
- une plus grande transparence sur le système de la suspension de peine et
un examen plus rapide des demandes ;
- une information auprès des détenus relative à la procédure à suivre pour
demander une suspension de peine ;
- la création de lieux d’accueil pour tous les malades sortant de prison, et
une augmentation du nombre d’appartements de coordination thérapeutique.

Contact Presse : Act Up-Paris
Jérôme Martin 06 85 90 08 27
Serge Lastennet 06 88 61 41 25