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Tali Fahima est toujours en prison...et son procès s’ouvre le 17 juillet

Publie le lundi 18 juillet 2005 par Open-Publishing

de Patrice Bardet

Le procès de Tali Fahima s’ouvre à Ramleh le 17 juillet. La session principale commence le 17 juillet, jusqu’au 19, puis reprend en septembre, à partir du 19.

L’UJFP a donc envoyé à Tel-Aviv, au comité de soutien de Tali Fahima, un dernier lot de pétitions en faveur de cette prisonnière politique, avec quelque 470 nouvelles signatures. De plus, nous venons d’envoyer une lettre à l’ambassadeur israélien en France au sujet de ce procès, qui risque d’être hautement politique, comme celui de Abie Nathan ou encore de Marwan Barghouti.


Voici un compte-rendu d’une rencontre de la vice-présidente de l’Ujfp avec la mère de Tali, Sarah Lahiani (à Tel Aviv chez Yael Lerer, la directrice des éditions Andalous - spécialisées dans la traduction d’ouvrages arabes en hébreu - et pour l’occasion surtout membre fondatrice du comité de soutien Tali Fahima. )

Sarah est une femme souriante, elle se réveille quand j’arrive, elle a dormi après son travail : elle est femme de ménage. A ma surprise elle parle pas mal le français, et aussi l’arabe algérien, sa famille vient du Maroc et d’Algérie. Le père de Tali dont elle s’est séparé il y a des années est lui aussi Marocain.

Dans toute son expression on déchiffre un mélange de force et d’instinct de survie et de soumission, le produit d’une vie difficile, ou chaque combat est suivi par un autre encore plus difficile me dit-elle. Mais elle ne se plaint pas, c’est une nature aimable et rieuse. Pourtant elle est soucieuse aujourd’hui, Tali est « punie » à la prison, 15 jours sans téléphones ni visites pour avoir traité une geôlière d’ « animal ». La première fois elle a pris un mois pour en avoir traité une autre de « gonflée ».
Tali, dit Sarah, c’est ma fille, elle n’a peur de personne, mais ce n’est ni une délinquante ni une criminelle, elle est comme çà, si quelqu’un a tort elle ne se tait pas.
Nous parlons deux heures, et tout se mêle, sa surprise et sa découverte de la solidarité militante, elle est aussi très étonnée de l’aide reçue de France et des signatures de l’étranger, mais elle accepte tout cela comme elle accepte aussi la prison, la télévision, l’inflexibilité de Tali, les tourments des interrogatoires et de l’avenir incertain, tout cela c’est sa vie à Sarah et elle ne refuse rien. Si ! Elle a refusé ce mari violent qui utilisait l’argent du ménage, gagné par elle, à d’autres fins. Elle a élevé seule ses trois filles.

Des militants elle dit d’un air épouvanté et soulagé en même temps : ils m’ont ouvert une porte, sans eux j’étais seule devant des portes toutes fermées. S’ils n’avaient pas été là, j’étais seule, je ne sais pas ce que j’aurais fait.

Elle raconte sa famille, avec tristesse et questionnement, sans rancœur : Quand ma sœur était étudiante, elle a trouvé dans un livre qu’il y avait eu un accord entre Ben Gourion et la France pour empêcher l’Alyah d’Algérie pendant la guerre d’indépendance ( ?) Et, ajoute-t-elle mon père avec ses 60 ans et ses huit enfants, çà a duré longtemps ils l’ont refusé d’abord, ils avaient peur de devoir nourrir tous ces enfants à sa place. C’est mon frère qui avait dix sept ans qui a dû se porter garant et devenir chef de famille officiellement. Et tout çà dit-elle on l’a refoulé pendant des années. Mais c’est triste. Mon père admirait tellement Ben Gourion, quand ma sœur a lu çà elle a pleuré de tristesse.

A son arrivée mon père voulait vivre à Jérusalem, bien sûr ils n’ont pas voulu, ils lui ont proposé un moshav ou la ville de Kyriat-Gat, il se sentait trop âgé pour devenir agriculteur, alors il a accepté Kyriat-Gat, mais il a continué à travailler et à économiser et il a voulu acheter un appartement à Jérusalem, mais l’entrepreneur a attendu d’avoir tous ses acheteurs ashkenazes et a refusé finalement de lui vendre et lui a rendu son argent. Tu penses ils ne voulaient pas d’un « mizrahi » avec eux. Toute sa vie il a cherché le moyen de vivre à Jérusalem.

Nous n’avons jamais vécu de l’aide sociale dit-elle fièrement, et même quand je me suis mariée à 17 ans et que j’ai eu des difficultés. A 18 ans je suis allée me renseigner aux allocations familiales et ils m’ont dit : pourquoi tes parents n’ont-ils jamais fait valoir leurs droits aux allocations ? » Tu vois on a des droits, et en même temps on n’a pas de droits. Tu vois c’est comme pour les Arabes on dit qu’ils ont des droits, mais en même temps ils ne les ont pas.
On a grandi ici avec l’idée que les Arabes n’ont pas de droits, qu’ils sont dangereux qu’il ne faut pas leur parler. Tali, dans le bureau d’avocats, où elle travaillait comme secrétaire, elle les a vues ces différences entre les Juifs et les Arabes. Et elle me le disait qu’elle ne trouvait pas çà normal. Elle voulait comprendre aussi pourquoi les attentats et les suicides. Elle a commencé à discuter sur internet avec des Arabes du monde entier et aussi des Arabes des territoires. Les hommes là-bas, ils pleuraient, ils ne pouvaient plus venir travailler en Israël et il n’y avait rien à manger pour leurs familles, ils n’avaient rien, pas de vie.
Quand les services de sécurité l’on convoquée pour la mettre en garde de tous ces contacts par internet, ils lui ont parlé du terrorisme des risques de manipulation, mais le résultat a été l’inverse de ce qu’ils espéraient, sa curiosité s’est renforcée.

Quand elle a entendu parler de Zacharia Zbeidi, dont Tsahal a tué la mère et le frère, elle a voulu lui parler. Puis elle l’a vu enfant dans le film « les enfants d’Arna » et le lendemain même elle est allée à Jénine. Elle voulait aussi reconstruire le centre d’Arna pour les enfants, c’était l’un de ses projets. Tu vois, ce n’est pas la politique qui l’intéresse, c’est les gens, les âmes, les êtres humains. Elle voulait aider les enfants. Le jour de son premier passage à la télévision, elle a été virée de son travail dans l’heure qui a suivi. Elle avait pris l’habitude aussi de marcher sur la promenade de Tel Aviv, en longeant la mer jusqu’à Yaffo (Jaffa) pour y rencontrer les Arabes de là- bas et discuter avec eux, et comprendre comment ils vivent, et elle a organisé à Yaffo une projection du film, dans un théâtre.

Qu’est ce qu’elle a fait, ma Tali ? Elle a pensé que les Arabes sont des êtres humains ? On ne peut tout de même pas à la fois les opprimer comme çà et les empêcher de réagir. Quand ils m’ont interrogée à la télévision ils m’ont demandé si je me rendais compte que les gens avec qui elle était en contact avaient du sang sur les mains, je leur ai répondu, et nos soldats et nos pilotes ils n’ont pas de sang sur les mains ?
Ils ont fait d’elle une traître au pays, elle est la première prisonnière juive traitée comme les Palestiniens exactement. Trois mois de détention administrative parce qu’ils n’avaient rien à lui mettre sur le dos, il fallait voir au début comment ils l’ont traitée, et puis ils lui ont fabriqué un dossier incroyable : elle aurait traduit des documents perdus dans le camp pendant l’invasion, par un soldat qui lui a pris 24 jours d’arrêt pour çà. Des photos des gens recherchés, comme s’ils ne se reconnaissaient pas eux mêmes ? Une vue aérienne du camp, qu’est-ce qu’elle peut leur apprendre sur le camp ? Elle n’est pas des services secrets ! Et la dernière histoire qu’ils ont trouvé : elle aurait dit à un gars de Jénine de faire attention. D’où elle saurait çà elle ? Elle ne travaillait pas dans le renseignement.

C’est une tête dure ma fille, elle n’en a toujours fait qu’à sa tête. Et elle a toujours fait ses choix, seule. Tu sais elle me rappelle ce fruit du cactus, les figues de Barbarie, que des piquants dehors mais à l’intérieur c’est doux. C’est comme dans son travail, je lui disait travaille avec ta tête, elle me répondait, non moi je travaille avec mon cœur et ma tête.

J’invite Sarah à venir en France parler de tout cela, elle est d’accord et viendra le 29 septembre pour une tournée d’une semaine. Je lui explique que nous voulons parler de tous les prisonniers politiques palestiniens, qui sont 8 000 et que nous voulons inviter aussi quelqu’un qui les représente, peut-être une autre mère de prisonnier comme elle. Je sais, dit-elle, c’est bien. Et la soirée se poursuit avec de nouveaux arrivants, la Coalition des femmes, l’organisation démocratique des Juifs orientaux, des individus membres du comité de soutien, Jacob Katriel professeur au Technion, Jacob Manor très actif dans Ta’ayush etc...
Il va falloir faire du bruit autour du procès, on demandera aux femmes en noir de bien vouloir associer l’image de Tali à leurs prochaines vigiles, une manif est organisée devant le tribunal le 17 à 7h30 du matin ! Le procès commence à 8h30, listes de téléphones pour obtenir la présence d’intellectuels de juristes, et personnalités au procès, et/ou devant le tribunal. Prises de paroles, T shirts, collectes, soirée de soutien. Il faut payer l’avocat, et la cantine de Tali en prison coûte 1 000 shekels par mois. Au travail !


En pièces jointes :
 la lettre de l’Ujfp à l’ambassadeur d’Israël en France, Nissim ZVILI
 la pétition en faveur de Tali Fahima qu’il faut continuer à faire signer

l’UJFP a également initié une souscription en france, car la famille de Tali, de condition modeste, est incapable d’assumer seule les frais judiciaires ou même de verser l’argent nécessaire afin d’assurer l’amélioration de ses conditions de détention.

Si vous désirez faire une contribution financière, vous pouvez libeller votre chèque à l’ordre de l’UJFP (avec la mention « Souscription Tali Fahima » à l’endos) et l’envoyer à l’UJFP, 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris.

Ecrire à Tali
Tali tient à remercier chacun d’entre vous qui lui avez écrit. Vos lettres lui sont parvenues, sauf durant les interrogatoires du SSG, et elles sont d’une importance extrême pour elle car elles sont son seul contact avec l’extérieur hormis son avocat et sa mère, qui n’est autorisée à la voir que toutes les deux semaines. Tali préfère ne pas répondre depuis la prison (étant donné que ses lettres sont lues par les autorités carcérales, censurées, et parfois jamais envoyées), et a demandé aux gens de continuer à lui écrire malgré son absence de réponse. Son adresse est la suivante :
Tali Fahima
Neve Tirza Prison, POBox 297
Ramleh, 72100
Israel

Voir aussi un article précédent sur Bellaciao Soutien à Tali Fahima... la femme qui est passée de l’autre côté
 >http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=13821]

Voir aussi le site du Comité de soutien à Tali (en hébreu, arable anglais, français) Free Tali Fahima

Lettre a ambassadeur TALI
Petition Tali Fahima