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Temps de travail - L’agonie des 35 heures

Publie le jeudi 5 juin 2008 par Open-Publishing
5 commentaires

Plutôt que de passer par une loi spécifique sur le temps de travail, le gouvernement a choisi de biaiser en profitant d’un texte sur le « dialogue social » pour organiser-de fait-la mort des 35 heures. La CGT et la CFDT crient au scandale !

de Séverine Cazes

Cette fois, c’est la guerre ! Bien obligés de suivre le rythme des réformes impulsé par Nicolas Sarkozy et son précieux conseiller social, Raymond Soubie, les syndicats avaient jusqu’ici fait contre mauvaise fortune bon coeur. Acceptés-ou presque-la réforme des régimes spéciaux, le service minimum dans les transports et le passage à 41 ans pour les retraites ! Mais, cette fois, en s’en prenant avec une roublardise consommée aux 35 heures, l’exécutif ne laisse pas d’autre choix aux syndicats que d’appeler, comme le fait Bernard Thibault (CGT), « un million de salariés » dans les rues au mois de juin. Pas sûr, pourtant, que lui et son allié dans cette affaire, François Chérèque (CFDT), parviennent à mobiliser autant... L’exécutif compte d’ailleurs sur les divisions syndicales-FO n’appelle pas à manifester le 17 juin-pour pouvoir tranquillement orchestrer l’assaut final contre les 35 heures. Profitant du 10e anniversaire de la loi Aubry, le secrétaire général de l’UMP, Patrick Devedjian, a allumé la mèche, le 19 mai, en réclamant « avec force » au gouvernement le « démantèlement définitif des 35 heures, dès cette année ». Pour Devedjian, les entreprises doivent être libres de fixer avec les syndicats, « par la négociation », au cas par cas, la durée contractuelle du travail de leurs salariés. Une exécution sommaire des 35 heures que ne renierait certainement pas le Medef, mais qui n’est pas l’option retenue par l’exécutif...

Bien que Nicolas Sarkozy ait souhaité, lors de ses voeux à la presse, le 8 janvier, que 2008 soit l’année de la « fin des 35 heures », au sein de la majorité, les mots « fin » et « démantèlement définitif » ne signifient-visiblement-pas la même chose. Les personnes non averties auront peut-être quelque peine à saisir la nuance, mais les experts en droit du travail et les syndicalistes, eux, ne s’y sont pas trompés. Entre l’enterrement de première classe de la notion même de durée « légale » du travail (proposition Devedjian) et la mort à petit feu des 35 heures par renégociation de la durée « effective » du travail dans les entreprises, l’Elysée a choisi la seconde stratégie. Même si cela prendra un peu de temps, celle-ci devrait enfin permettre de laver l’affront des lois Aubry I et II (1998 et 2000), considérées à droite comme les enfants illégitimes de l’ère Chirac.

Ce n’est pas si vieux. En 1997, Jacques Chirac prononçait la dissolution de l’Assemblée nationale. A la suite des législatives calamiteuses pour la droite, la gauche plurielle-comptant dans ses rangs des « rouges » (les communistes) et des Verts-, appuyée par la CFDT, votait une loi raccourcissant la durée légale du travail (de 39 à 35 heures hebdomadaires). Impuissant, le RPR de l’époque ne pouvait que laisser faire. Quant au « patron des patrons », Jean Gandois, l’ancien PDG de Martine Aubry chez Pechiney ( !), il démissionnait avec fracas de la présidence du CNPF. Depuis 2002, la droite n’a eu de cesse de revenir sur les lois « iniques » des 35 heures. A quatre reprises (1), elle a offert aux entreprises des réformes leur permettant d’augmenter le nombre des heures supplémentaires.

Une machine infernale

Répétées, ces tentatives n’ont pourtant pas suffi : les 35 heures continuent de gouverner la vie des entreprises et des salariés en France. Dans l’industrie, les grands groupes et partout où des gains de productivité étaient possibles, les 35 heures sont entrées dans les moeurs. Certaines entreprises s’en sont servies pour moduler le temps de travail en fonction de l’activité saisonnière (annualisation), d’autres pour fidéliser leurs troupes via les RTT et autres CET (comptes épargne-temps). Mais, dans les PME et dans les services (commerce, hôtellerie-restauration, hôpital, etc.), qui ont toujours l’oreille des élus UMP, elles suscitent encore de vives critiques. Côté employeur, parce qu’on supporte mal ses contraintes. Côté employé, parce que les 35 heures ont été synonymes de gel des salaires...

Si l’option maximaliste de Patrick Devedjian a été repoussée, pourquoi la révolte syndicale gronde-t-elle ? Officiellement, on ne touche pas à la ligne des 35 heures hebdomadaires. Autrement dit, la durée légale ne change pas, sinon le dispositif Tepa sur les heures supplémentaires n’aurait plus de sens. En vigueur depuis octobre 2007, c’est lui qui permet grâce aux heures sup majorées, défiscalisées et exonérées de charges de « travailler plus pour gagner plus ». Pas question donc pour Xavier Bertrand, le ministre du Travail et des Relations sociales, de passer à la semaine de 39 ou de 40 heures. A défaut d’agir sur la durée légale, on libère en revanche la durée effective du travail. En jouant, dans l’entreprise, sur des leviers bien précis et terriblement efficaces :

 Désormais, le nombre d’heures supplémentaires pourrait dépasser les plafonds fixés par la loi ou la convention de branche (220 heures par an, mais souvent moins, comme dans la pharmacie, la plasturgie, etc.).

 Le repos compensateur auquel les salariés ont droit après des heures supplémentaires pourrait évoluer et ne serait plus encadré par l’inspection du travail.

 Enfin, et surtout, tous les salariés (et pas uniquement les cadres et les VRP) pourraient décompter leurs heures sur l’année, et non plus sur la semaine, sous le régime dit du « forfait heures annuel ». Un régime plus avantageux pour les entreprises, mais pas pour les salariés puisque les heures sup sont alors moins rémunérées (+ 10 %, au lieu de + 25 %).

Rédigé, sous l’oeil attentif de Raymond Soubie, par le ministre Xavier Bertrand, le projet de loi sur le « dialogue social » revient donc à une disparition lente mais certaine des 35 heures. Comme le fait remarquer Bernard Thibault, les entreprises devront s’aligner sur les dispositions les moins favorables en termes de durée du travail et de rémunération. Et pour que la nouvelle remise en question des 35 heures ne reste pas lettre morte, Xavier Bertrand a conçu une machine jugée infernale par les syndicats.

Les nouveaux accords d’entreprise pourront être signés par des syndicats représentant uniquement 30 % des salariés, sauf s’ils sont dénoncés par d’autres organisations syndicales pesant 50 % des voix des salariés aux élections professionnelles. Un mode de fonctionnement de la négociation sociale qui va totalement à l’encontre de la « position commune » arrêtée par la CGT, la CFDT, la CGPME et le Medef en avril. Celle-ci prône en effet des accords dits majoritaires, c’est-à-dire validés par des syndicats représentant au moins 50 % des salariés. Ce contre-pied inattendu et brutal a été imaginé par Raymond Soubie, qui ne craint plus de malmener ses « enfants » -c’est ainsi qu’il appelle les syndicats. Les enfants l’ont très mal pris. Ils appellent à la révolte. La nouvelle bataille des 35 heures est lancée.

1. Lois Fillon du 17 janvier 2003, Ollier-Novelli du 31 mars 2005, Tepa du 21 août 2007 et pouvoir d’achat du 8 février 2008.

http://www.lepoint.fr/actualites-ec...

Messages

  • Grace aux dirigeants syndicaux,nous enterrons nos acquis ,alors changeons de dirigeants.fraternellement.momo11

    • Et après les 35 h, j’imagine que c’est le tour des RTT, puis après ça sera, voyons, la 5ème semaine, puis le 13è mois, heu non pardon ça sera, ils en parlent déjà faire sauter la prime à l’ancienneté pour garder les seniors qui restent dans leur emploi actuel, puis donc le 13è mois, et pourquoi pas les quatre semaines de vacances annuelles, les jours fériés, les charges patronales (argent qui vient du travail exclusif des salariés)... rigolez mais ça c’est du médef umpiste tout craché !

      Et après ? ben après, nos yeux pour pleurer quand on touche le smig et même un petit peu plus, et déjà les "assurances privées" font la pub, et même sur la déclaration des revenus, il y a le plafond pour une assurance privée. Voyez, Sarko a pensé à tout.

      Merci bien, on laisse un avenir pourri à nos enfants ! C’était la peine de se décarcasser pour qu’ils soient mieux formés que leurs parents et grands parents ! L’araignée a tissé sa toile et ya pas un génie pour lui écraser les pattes, rompre les fils et lui exploser la tronche ???

    • à momo11, ce ne serait pas plutôt de la faute des masses qui laissent tout faire et ne se bougent pas les fesses !!!!
      il suffit de voir le pourcentage de grévistes au dernier mouvement, au bout d’un moment il va bien falloir que chacun prenne son avenir en main et pas attendre que les autres fassent à leur place !!

    • Plutot d’accord avec toi.Mais il n’empeche que nos joyeux dirigeants syndicaux permettent avec les accords bidons qu’ils signent(et autres dérives)de démobiliser et d’ecoeurer les militants.fraternellement momo11

  • Patrick Devedjian, a allumé la mèche, le 19 mai, en réclamant « avec force » au gouvernement le « démantèlement définitif des 35 heures, dès cette année ». Pour Devedjian, les entreprises doivent être libres de fixer avec les syndicats, « par la négociation », au cas par cas, la durée contractuelle du travail de leurs salariés.

    Dans tout démantèlement, il y a une forcément un élément de réconstruction (cf. ying-yang). Quel est cet élément à saisir lors de la remise en cause du "temps de travail" ?

    N’est-ce pas la possibilité de redevenir "maître(sse)s de nos 24 heures" (de temps de (en)vie, de travail ...), en analysant la "marchandise force de travail", expliquée par Rosa Luxembourg dans son cours d’Economie politique (cf extrait ci-après) ?

    La force de travail achetée est en mesure, avec les moyens de production utilisés en moyenne dans la société, de produire plus que les simples faits d’entretien. C’est déjà une condition de toute l’opération qui, sinon, n’aurait pas de sens ; en cela réside la valeur d’usage de la marchandise "force de travail ». Étant donné que la valeur de l’entretien de la force de travail est déterminée, comme pour toute autre marchandise, par la quantité de travail nécessaire à sa production, nous pouvons admettre que la nourriture, les vêtements, etc., permettant de maintenir quotidiennement en état de travailler le travailleur, demandent, disons par exemple : six heures de travail. Le prix de la marchandise "force de travail", c’est-à-dire le salaire, doit représenter en argent six heures de travail. L’ouvrier ne travaille pas six heures pour son patron, il travaille plus longtemps, disons par exemple onze heures. Dans ces onze heures, il a en six heures restitué au patron le salaire reçu, puis il y rajouté encore cinq heures de travail gratuit, il en a fait cadeau au patron. La journée de travail de tout ouvrier se compose de deux parties : une partie payée, où l’ouvrier ne fait que restituer la valeur de son entretien, où il travaille pour ainsi dire pour lui-même, et une partie non payée, où il fait du travail gratuit ou du surtravail pour le capitaliste. [...]

    Le surtravail de la marchandise "force de travail" n’est qu’un autre nom de la productivité du travail social, qui permet au travail d’un homme d’en entretenir plusieurs.

    Bien sûr, il va falloir argumenter en fonction des exemples d’aujourd’hui (conditions de travail, conditions de chômage, conditions de vie ...), analyser le rôle et l’importance donnée à nos pendules, horloges, montres, reveils, sonneries et autres mesures du temps dans notre vie, mais je suis sûre qu’en mettant les arguments, exemples et les chiffres bout à bout, nous allons pouvoir trouver la trame d’une façon de faire qui convient. Cette analyse est un travail collectif, impossible à faire tout seul.
    Il devrait aboutir à jeter les fondements de ce qui devrait être un revenu inconditionnel équitable pour tou(te)s, par lequelle se réalise le droit à l’existence.
    angela anaconda