Accueil > Travail de nuit et heures non payées...

Travail de nuit et heures non payées...

Publie le samedi 10 novembre 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

Bon, c’est un peu technique, donc ça ne peut pas intéresser tout le monde.
Cibles :
— conseillers aux prud’hommes,
— salariés soumis au travail gratos sous prétexte des heures d’équivalence.
Au boulot !
Abdel

TROISIÈME SECTION

Affaires Darque, Gabrieli et 11 autres, Belguebli, Laheye, Bellache, Foley, Zarkowski et 2 autres, Schornstein, Nuska, Terki, Ruivet, Mazzocchi, Belkessa et 17 autres, Schott, Meyer, Devlamynck et 15 autres, Allaire et 23 autres, Beaumard et 12 autres, Coeymans et 12 autres, Baehr et 37 autres, Asseray et 20 autres, Plathey, Mariaud et 4 autres, Takouma (Requêtes nos 27575/04, 26879/05, 28249/05, 28262/05, 28264/05, 28305/05, 28318/05, 35435/05, 35440/05, 44817/05, 3416/06, 4052/06, 8098/06, 8857/06, 8964/06, 10671/06, 13059/06, 16040/06, 19669/06, 25524/06, 28710/06, 30422/06, 9071/07 et 10439/07)

contre la France

respectivement introduites les 1er juillet 2004, 10 juin, 2 août (requêtes nos 28249/05, 28262/05, 28264/05), 29 juillet, 25 juillet, 20 septembre, 23 septembre, 13 décembre et 17 décembre 2005, 17 janvier, 23 janvier, 30 janvier, 6 février, 3 mars, 24 mars, 18 avril, 11 mai, 14 juin, 28 juin, 24 juillet 2006, 16 février et 26 février 2007.

EXPOSÉ DES FAITS

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

Les requérants sont des ressortissants français (voir Annexe I), employés ou anciens employés en qualité d’éducateurs, d’aides médico-psychologiques, psychomotriciens, animateurs ou surveillants de nuit, au sein d’établissements spécialisés, gérés par des associations et placés sous la tutelle de l’Etat.

Dans le cadre de leurs fonctions, ils durent assurer des permanences de nuit, dans une chambre dite « de veille », afin de répondre à tout incident ou demande de la part des pensionnaires.

En application de l’article 11 de l’annexe III à la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, la rémunération de ces heures de présence était réglementée comme suit :

« Dans le cas où le personnel éducatif en internat [ou d’animation] est appelé à assumer en chambre de veille la responsabilité de surveillance nocturne, ce service s’étend du coucher au lever des pensionnaires, sans que sa durée puisse excéder 12 heures.

Ce service fait l’objet d’une compensation dans les conditions suivantes :

 les 9 premières heures sont assimilées à 3 heures de travail éducatif.

 entre 9 et 12 heures, chaque heure est assimilée à une demi-heure de travail éducatif (...) »

Considérant toutefois qu’il s’agissait de travail effectif et que ces périodes devaient être intégralement rémunérées, les requérants saisirent les conseils de prud’hommes compétents.

La loi no 2000-37 du 19 janvier 2000 disposa, en son article 29 :

« Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne comportant des temps d’inaction, effectuées sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux de travail, agréés en vertu de l’article 16 de la loi no 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l’absence de validité desdites clauses. »

Ces dispositions législatives furent suivies du décret no 2001-1384 du 31 décembre 2001 pris pour l’application de l’article L. 212-4 du code du travail et instituant une durée d’équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif.

A. Les jugements des conseils de prud’hommes

1. Requête no 27575/04

Par un jugement du 9 novembre 2000, le conseil de prud’hommes de Tours, après avoir écarté l’application de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 sur le fondement de la Convention européenne des Droits de l’Homme, fit droit à la demande de la requérante et lui accorda des rappels de salaire. L’employeur de la requérante, l’Association départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales (« ADAPEI »), interjeta appel de ce jugement.

2. Requêtes nos 26879/05 et 8098/06

Par des jugements du 24 avril 2001, le conseil de prud’hommes de Bonneville débouta les requérants sur le fondement de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000. Les requérants interjetèrent appel.

3. Requêtes nos 28249/05, 28262/05, 28264/05 et 28305/05

Par un jugement du 28 octobre 2002, le conseil de prud’hommes de Dunkerque écarta l’application de la convention collective ainsi que de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000, fit droit aux demandes des requérants et leur accorda des rappels de salaire. L’employeur des requérants, l’association Les Papillons blancs, interjeta appel.

4. Requête no 28318/05

Par un jugement du 26 septembre 2001, le conseil de prud’hommes de Melun écarta l’application de la convention collective ainsi que de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000, fit droit aux demandes des requérants et leur accorda des rappels de salaire. L’employeur des requérants, l’Association pour la réadaptation des infirmes mentaux (« APRIM »), interjeta appel.

5. Requêtes nos 35435/05 et 35440/05

Par un jugement du 30 mai 2002, le conseil de prud’hommes d’Evry fit droit à la demande des requérants et leur accorda des rappels de salaire. L’employeur des requérants, l’association Vers la vie pour l’éducation des jeunes (« AVVEJ »), interjeta appel.

6. Requêtes nos 44817/05, 3416/06, 4052/06, 8857/06 et 8964/06

Par un jugement du 17 octobre 2002, le conseil de prud’hommes de Rambouillet écarta l’application de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000, fit droit aux demandes des requérants et leur accorda des rappels de salaire. L’employeur des requérants, l’AVVEJ, interjeta appel.

7. Requête no 10671/06

Par un jugement du 15 septembre 1999, le conseil de prud’hommes de Dunkerque écarta l’application de la convention collective, fit droit aux demandes des requérants et leur accorda des rappels de salaire. L’employeur des requérants, Les Papillons blancs, interjeta appel.

8. Requête no 13059/06

Par un jugement du 2 avril 2002, le conseil de prud’hommes de Cholet écarta l’application de la convention collective ainsi que de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000, fit droit aux demandes des requérants et leur accorda des rappels de salaire. L’employeur des requérants, l’association Accueil, enfance et adolescence (« AAEA »), interjeta appel.

9. Requête no 16040/06

Par un jugement du 14 mai 2002, le conseil de prud’hommes de Cholet écarta l’application de la convention collective ainsi que de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000, fit droit aux demandes des requérants et leur accorda des rappels de salaire. L’employeur des requérants, l’Association ligerienne d’aide aux handicapés mentaux et adultes (dite « ALAHMI »), interjeta appel.

10. Requête no 19669/06

Par un jugement du 12 mai 2000, le conseil de prud’hommes de Bordeaux débouta les requérants sur le fondement de la convention collective litigieuse. Les requérants interjetèrent appel.

11. Requête no 25524/06

Par jugements des 3 novembre 2000, 31 janvier et 12 septembre 2002, le conseil de prud’hommes de Thionville écarta l’application de la convention collective ainsi que de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000, fit droit aux demandes des requérants et leur accorda des rappels de salaire. L’employeur des requérants, l’Association de parents et amis de personnes inadaptées mentales (« APEI »), interjeta appel.

12. Requête no 28710/06

Par un jugement du 14 mai 2002, le conseil de prud’hommes de Cholet écarta l’application de la convention collective et de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000, fit droit aux demandes des requérants et leur accorda des rappels de salaire. L’employeur des requérants, l’ADAPEI, interjeta appel.

13. Requête no 30422/06

Par un jugement du 25 juin 1998, le conseil de prud’hommes de Mulhouse fit droit aux demandes de la requérante et l’invita à produire un tableau des heures de nuit effectuées, ainsi qu’un décompte rectifié des montants réclamés. L’employeur de la requérante, l’Association régionale d’action sociale d’éducation et d’animation (« ARSEA »), interjeta appel.

14. Requêtes nos 9071/07 et 10439/07

Par un jugement du 25 février 1999, le conseil de prud’hommes de Mulhouse débouta les requérants sur le fondement de la convention collective litigieuse. Les requérants interjetèrent appel.

B. Les arrêts des cours d’appel

1. Requête no 27575/04

Par un arrêt du 31 janvier 2002, la cour d’appel d’Orléans confirma le jugement et condamna l’ADAPEI à payer à la requérante les sommes de 2 403,68 (jours fériés), 23 937,08 (heures de surveillance de nuit) et 2 634,08 euros (congés payés). L’ADAPEI forma un pourvoi en cassation.

2. Requêtes nos 26879/05 et 8098/06

Par des arrêts du 15 octobre 2002, la cour d’appel de Chambéry infirma les jugements du 24 avril 2001, écarta l’application de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 et condamna l’AFPEI à verser des rappels de salaires aux requérants. L’AFPEI forma un pourvoi en cassation.

3. Requêtes nos 28249/05, 28262/05, 28264/05 et 28305/05

Par un arrêt du 29 octobre 2003, la cour d’appel de Douai infirma le jugement du 28 octobre 2002 et ordonna le remboursement des sommes versées aux requérants par leur employeur.

4. Requête no 28318/05

Par un arrêt du 10 septembre 2002, la cour d’appel de Paris confirma le jugement du 26 septembre 2001 et fixa au passif du redressement judiciaire de l’employeur les sommes dues au titre des rappels de salaire. L’employeur se pourvut en cassation.

5. Requêtes nos 35435/05 et 35440/05

Par un arrêt du 10 février 2004, la cour d’appel de Paris infirma le jugement du 30 mai 2002 et ordonna le remboursement des sommes versées par l’employeur, compte tenu de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000.

6. Requêtes nos 44817/05, 3416/06, 4052/06, 8857/06 et 8964/06

Par des arrêts du 15 septembre 2004, la cour d’appel de Versailles infirma le jugement du 17 octobre 2002 et ordonna le remboursement des sommes versées aux requérants par leur employeur, compte tenu de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000.

7. Requête no 10671/06

Par des arrêts du 29 octobre 2004, la cour d’appel de Douai infirma le jugement du 15 septembre 1999 et ordonna le remboursement des sommes versées aux requérants par leur employeur.

8. Requête no 13059/06

Par un arrêt du 8 décembre 2003, la cour d’appel d’Angers infirma le jugement du 2 avril 2002 et ordonna le remboursement des sommes versées aux requérants par leur employeur.

9. Requête no 16040/06

Par un arrêt du 27 novembre 2003, la cour d’appel d’Angers infirma le jugement du 14 mai 2002 et ordonna le remboursement des sommes versées aux requérants par leur employeur.

10. Requête no 19669/06

Par un arrêt du 13 octobre 2003, la cour d’appel de Bordeaux confirma le jugement du 12 mai 2000, compte tenu de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000. Les requérants formèrent un pourvoi en cassation.

11. Requête no 25524/06

Par cinq arrêts du 15 novembre 2004, la cour d’appel de Metz infirma les jugements du conseil de prud’hommes de Thionville, compte tenu de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000. Les requérants formèrent un pourvoi en cassation.

12. Requête no 28710/06

Par un arrêt du 8 décembre 2003, la cour d’appel d’Angers infirma le jugement du 14 mai 2002 et débouta les requérants de leurs demandes. Les requérants formèrent un pourvoi en cassation.

13. Requête no 30422/06

Par un premier arrêt du 30 octobre 2000, la cour d’appel de Colmar confirma le jugement du 25 juin 1998. L’employeur de la requérante se pourvut en cassation et, pour cette raison, sollicita un sursis à statuer qui fut refusé par la cour d’appel dans le cadre d’un deuxième arrêt du 18 juin 2001. Par un troisième arrêt du 9 septembre 2002, la cour d’appel condamna l’employeur à payer des rappels de salaire à la requérante.

14. Requêtes nos 9071/07 et 10439/07

Par des arrêts du 25 novembre 2004, la cour d’appel de Colmar confirma le jugement du 25 février 1999, compte tenu de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000. Les requérants formèrent un pourvoi en cassation.

C. Les arrêts de la Cour de cassation

1. Requête no 27575/04

Par un arrêt du 18 février 2004, s’agissant de la question des heures de surveillance de nuit, la Cour de cassation cassa sans renvoi l’arrêt de la cour d’appel d’Orléans, estimant ce qui suit :

« (...) En statuant comme elle l’a fait, alors qu’obéit à d’impérieux motifs d’intérêt général l’intervention du législateur destinée à aménager les effets d’une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées, la cour d’appel, en écartant l’application de l’article 29 de la loi no 2000-37 du 19 janvier 2000 au présent litige, a violé les textes susvisés (...) »

2. Requêtes nos 26879/05 et 8098/06

Par un arrêt du 15 décembre 2004, la Cour de cassation cassa sans renvoi les arrêts de la cour d’appel de Chambéry, estimant ce qui suit :

« (...) En statuant ainsi, alors qu’obéit à d’impérieux motifs d’intérêt général l’intervention du législateur destinée à aménager les effets d’une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées, la cour d’appel, en écartant l’application de l’article 29 de la loi no 2000-37 du 19 janvier 2000 au présent litige, a violé les textes susvisés (...) »

3. Requêtes nos 28249/05, 28262/05, 28264/05 et 28305/05

Par un arrêt du 19 janvier 2005, la Cour de cassation déclara les pourvois des requérants non admis sur le fondement de l’article 984 du nouveau code de procédure civile.

4. Requête no 28318/05

Par un arrêt du 28 janvier 2005, la Cour de cassation cassa sans renvoi l’arrêt de la cour d’appel de Paris, estimant ce qui suit :

« (...) En statuant ainsi, alors qu’obéit à d’impérieux motifs d’intérêt général l’intervention du législateur destinée à aménager les effets d’une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées, la cour d’appel, en écartant l’application de l’article 29 de la loi no 2000-37 du 19 janvier 2000 au présent litige, a violé les textes susvisés (...) »

5. Requêtes nos 35435/05 et 35440/05

Par un arrêt du 23 mars 2005, la Cour de cassation déclara les pourvois des requérants non admis.

6. Requêtes nos 44817/05, 3416/06, 4052/06, 8857/06 et 8964/06

Par un arrêt du 28 septembre 2005, la Cour de cassation déclara les pourvois des requérants non admis.

7. Requête no 10671/06

Par un arrêt du 4 octobre 2005, la Cour de cassation déclara les pourvois des requérants non admis.

8. Requête no 13059/06

Par un arrêt du 28 septembre 2005, la Cour de cassation déclara les pourvois des requérants non admis.

9. Requête no 16040/06

Par un arrêt du 31 octobre 2005, la Cour de cassation déclara les pourvois des requérants non admis.

10. Requête no 19669/06

Par un arrêt du 2 novembre 2005, la Cour de cassation rejeta le pourvoi des requérants.

11. Requête no 25524/06

Par un arrêt du 14 décembre 2005, la Cour de cassation déclara les pourvois des requérants non admis.

12. Requête no 28710/06

Par un arrêt du 31 janvier 2006, la Cour de cassation rejeta le pourvoi des requérants.

13. Requête no 30422/06

Par un arrêt du 18 mars 2003, la Cour de cassation cassa sans renvoi l’arrêt de la cour d’appel de Colmar en date du 30 octobre 2000, estimant ce qui suit :

« (...) En statuant ainsi, alors qu’obéit à d’impérieux motifs d’intérêt général l’intervention du législateur destinée à aménager les effets d’une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées, la cour d’appel, en écartant l’application de l’article 29 de la loi no 2000-37 du 19 janvier 2000 au présent litige, a violé les textes susvisés (...) »

14. Requêtes nos 9071/07 et 10439/07

Par un arrêt du 12 juillet 2006, la Cour de cassation rejeta le pourvoi des requérants concernant les surveillances nocturnes en chambres de veille, confirmant l’application de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. La jurisprudence interne

1. La jurisprudence favorable aux salariés

a) Les juges du fond

Les cours d’appel de Bordeaux (3 juillet 2001 et 10 juin 2002), Caen (22 octobre 2001), Colmar (28 février 2001), Nîmes (23 octobre 2001), Nancy (24 avril et 5 juin 2002), Orléans (7 et 14 décembre 2000, 31 janvier et 1er février 2002), Paris (27 juin et 16 novembre 2000), Rennes (17 mai 2002), Toulouse (25 février 2000 et 4 juillet 2002) et Versailles (11 mai 2000) ont écarté l’application de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 aux instances en cours. Elles ont motivé leur position par référence à l’article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme et à l’absence d’impérieux motif d’intérêt général.

b) La Cour de cassation

Par un arrêt du 13 novembre 1990, la chambre sociale de la Cour de cassation a limité la possibilité de dérogation conventionnelle instituée par la législation alors en vigueur relative à l’aménagement du temps de travail (Bull. civ. V, no 549). Elle réaffirma ce principe par un arrêt du 16 juillet 1997 (Bull. civ. V, no 279).

Par quatre arrêts des 9 mars (Bull. civ. V, no 111), 6 avril et 4 mai 1999, elle a semblé admettre la validité du régime d’équivalence institué par la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées. L’avocat général Kherig en a conclu, dans le cadre de l’affaire qui donnera lieu à un arrêt du 29 juin 1999, que ces décisions entretenaient, sinon accroissaient, l’incertitude au sujet des régimes d’équivalence.

Le 29 juin 1999, la Cour de cassation a renoué avec la solution dégagée en 1990 (Bull. civ. V, no 307). Ainsi elle a jugé, d’une part que la convention collective de 1966 ne pouvait valablement édicter un horaire d’équivalence opposable aux salariés, d’autre part que les salariés étaient, durant les surveillances de nuit, à la disposition de l’employeur, et que dès lors il s’agissait d’un travail effectif devant être rémunéré comme des heures de travail normal avec les conséquences qui en découlent en terme de rémunération (y compris en tenant éventuellement compte de majorations pour heures supplémentaires).

Le 16 mai 2000, la Cour de cassation a confirmé sa position du 29 juin 1999, en visant tant la directive 93/104/CE que les dispositions pertinentes du code du travail (article L 212-4).

Par un arrêt du 24 avril 2001 (Bull. civ. V, no 130), la Cour de cassation a par ailleurs écarté l’applicabilité de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 sur le fondement de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et en raison de l’absence d’un impérieux motif d’intérêt général, jugeant notamment ce qui suit :

« Et attendu que la cour d’appel a relevé que l’association était chargée d’une mission de service public et placée sous le contrôle d’une autorité publique qui en assure le financement par le paiement d’un prix de journée, que le procès était en cours lors de l’entrée en vigueur de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 et que ce texte, dont il n’est pas établi qu’un motif impérieux d’intérêt général le justifiait, remettait en cause, au profit de l’association, une jurisprudence favorable au salarié en matière d’heures d’équivalence ; qu’au vu de ces constatations, elle a décidé, à bon droit, par application de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’écarter l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 pour juger le litige dont elle était saisie. »

2. La jurisprudence défavorable aux salariés

Les cours d’appel de Limoges (8 janvier 2001 et 29 avril 2002) et de Montpellier (12 septembre 2003) ont rejeté les demandes des salariés, de même que la cour de Toulouse le 25 février 2000, mais cette dernière est revenue sur sa position avec l’arrêt précité du 4 juillet 2002.

Par un arrêt du 24 janvier 2003, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que les dispositions de l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 devaient s’appliquer aux procédures en cours au 1er février 2000. Compte tenu de la portée d’un arrêt rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation, les cours d’appels ont adopté une solution identique (cours d’appel de Toulouse le 21 février 2003, de Chambéry le 25 mars 2003 et d’Aix-en-Provence le 12 janvier 2004). Elle a maintenu sa position par la suite.

B. La loi litigieuse

L’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 fut ajouté dans une loi qui concernait un autre sujet, à savoir « la réduction négociée du temps de travail » (devenue la loi dite Aubry II ou loi « sur les 35 heures »), comme l’ont notamment relevé les cours d’appel de Paris et de Colmar dans les termes suivants :

« (...) ce texte inclus dans une loi « relative à la réduction négociée du temps de travail », est issu d’un amendement présenté après que la Cour de cassation a, dans un arrêt du 29 juin 1999, déclaré illicite le régime d’équivalence institué par l’article II de l’annexe 3 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes handicapées et inadaptées du 15 mars 1966.

Aucun élément ne permet de considérer que l’intervention du législateur était prévisible, pas plus que ne peut être étayée la thèse d’une intention initiale pervertie, s’agissant d’un litige sur l’application d’une convention adoptée par les partenaires sociaux ; il résulte des travaux préparatoires que l’article en cause visait à contrecarrer le revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation, intervenu le 29 juin 1999. (...) » (cour d’appel de Paris, 27 juin 2000)

« (...) ce texte a été voté, ainsi que cela résulte des débats parlementaires, pour contrecarrer le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation dans son arrêt du 29 juin 1999 (...) alors que celui-ci mettait fin aux décisions divergentes des juridictions inférieures. Inclus au surplus dans une loi traitant de « la réduction négociée du temps de travail », ce qui démontre une certaine précipitation pour le faire adopter, ce texte n’avait donc rien de prévisible. (...) » (cour d’appel de Colmar, 30 octobre 2000)

C. Le Conseil d’Etat et la Cour de justice des Communautés européennes

A la suite du recours pour excès de pouvoir introduit par M. Dellas, éducateur spécialisé, ainsi que par trois organisations syndicales, tendant à l’annulation du décret no 2001-1384 du 31 décembre 2001 pris pour l’application de l’article L. 212-4 du code du travail et instituant une durée d’équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif, le Conseil d’Etat a saisi la Cour de justice des Communautés européennes (« CJCE ») d’une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993.

Par un arrêt du 1er décembre 2005, la CJCE a estimé que la directive 93/104/CE s’oppose au système d’équivalence litigieux, s’exprimant en ces termes :

« (...)

(...)
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/v...

Messages

  • Bonjour

    je fais partie des travailleurs concernés par ce texte (éducateur dans un foyer de réinsertion, nous fais(i)ons quelques nuits pas mois...)

    les patrons ont trouvé la parade : ils embauchent des "permanents d’acceuil" pour les nuits, payés bien moins "cher"...

    bientôt des vigiles (sans papiers ?) avec chiens devant les portes des foyers d’hébergement ?

    ou plus de foyer du tout, c’est plus radical ...

    TM