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Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…
Publie le dimanche 16 janvier 2011 par Open-Publishing28 commentaires
Pierre PICCININ (Le Grand Soir)
Le 14 janvier dans la soirée, on apprenait le départ du président Ben Ali : après plusieurs semaines d’émeutes, qui avaient pris des allures de révolution, le peuple tunisien renversait le dictateur, contraint de quitter le pays. Zine el Abidine Ben Ali s’est ainsi réfugié en Arabie Saoudite, qui sera donc sa terre d’exil, puisque la France a, semble-t-il, décliné sa demande, lâchant de la sorte son ancien allié sans la moindre vergogne… Dans le respect du processus institutionnel tunisien, le premier ministre, Mohamed Ghannouchi, qui exerçait cette fonction aux côtés du président Ben Ali depuis 1999, a assuré l’intérim de la présidence, le temps de proclamer le nouveau président, Fouad Mebazaâ, un des bras droit de Ben Ali, membre de tous ses gouvernements successifs et, selon certains observateurs, son dauphin désigné.
En effet, après avoir « constaté la vacance de la présidence », le Conseil institutionnel, en vertu de l’article 57 de la Constitution, a établi qu’il revenait au président du Parlement d’assurer la présidence jusqu’aux prochaines élections, qui doivent avoir été organisées endéans un délai de soixante jours au plus. C’est ce qu’à annoncé le président du Conseil, Fethi Abdennadher, lui aussi fidèle de Ben Ali parmi les fidèles…
Dès l’annonce de la fuite du président Ben Ali, en dépit de l’euphorie qui s’emparait des masses populaires tunisiennes dont la joie éclatait dans les rue de Tunis et dans tout le pays, une analyse de la situation ne laissait cependant que peu de doutes sur la suite des événements.
En effet, force était de constater que tous ceux qui venaient de prendre le relai de Ben Ali étaient ses anciens ministres et hauts fonctionnaires, tous ceux qui avaient profité du régime, s’étaient enrichis et possédaient le pays…
Autrement dit, trois hypothèses, a priori, se dégageaient de cette analyse à chaud : 1. Le gouvernement par intérim, qui, à peine en fonction, avait proclamé l’état d’urgence et la loi martiale, réprimait toute opposition dans le sang durant la nuit ; et Ben Ali, une fois la crise jugulée, revenait (Mohamed Ghannouchi n’avait-il pas précisé, d’ailleurs, qu’il assurait l’intérim car le président Ben Ali était « temporairement » incapable d’exercer ses fonctions ?) ou pas, mais, avec ou sans lui, tout continuait comme avant.
2. Les insurgés pensaient avoir gagné, la colère retombait (cas d’école d’une révolution mal organisée qui, refroidie dans son élan, avorte et ne peut que rarement être relancée) et, en douceur et sur le long terme, les anciens dirigeants, qui avaient jusqu’alors agi dans l’ombre de Ben Ali, récupéraient le gâteau et confisquaient à nouveau le pouvoir au peuple. Au mieux, on arrêtait quelques familiers et proches de Ben Ali, juste pour faire bonne figure (et tout le monde en Europe et ailleurs n’y verrait que du feu ; d’autant plus que la Tunisie quittera rapidement l’actualité et retournera à son triste sort, tandis que les charters de touristes recommenceront à affluer vers Djerba).
3. Les insurgés réalisaient qu’ils étaient en train de se faire manipuler par ce tour de passe-passe et poursuivaient le mouvement jusqu’au renversement complet de la dictature et l’arrestation ou la fuite de tous ceux qui l’avaient soutenue. Probablement, alors, la démocratie et les changements socio-économiques avaient leur chance d’aboutir. Certes, face à la ténacité et au courage avec lequel le peuple tunisien avait jusqu’alors conduit sa révolution, il n’était pas impossible qu’il surprît encore.
Qui, en effet, aurait parié sur l’avenir de cette révolution ? Or, elle avait la peau dure. Et, tandis que les gouvernements européens pouvaient aller cacher leur honte pour leur attentisme et leur mutisme scandaleux (espéraient-ils l’essoufflement du mouvement et la fin des troubles, pour à nouveau dormir tranquillement ?), les Tunisiens, quoi qu’il en fût de la suite des événements, avaient déjà offert au monde une extraordinaire leçon de démocratie.
C’est dès lors le lendemain qu’il fallait attendre, pour savoir ce qu’il en serait de la Tunisie et de sa révolution...
Toutefois, le réveil est difficile : les rues de Tunis et des grandes villes sont désormais désertes ; l’armée patrouille ; Ben Ali parti, tout le monde est gentiment rentré chez soi ; la révolution a vécu.
Les chefs de l’armée, en concertation avec les leaders du gouvernement, ont négocié le départ du président Ben Ali, qui a ainsi servi de fusible (avait-il encore vraiment le choix ?), et sa « fuite », d’exutoire à la révolte. Mais ce sont bien tous les anciens de « la bande à Ben Ali » qui demeurent aux commandes et continuent de contrôler tous les rouages du pays et le processus qui mènera aux élections d’un « nouveau » parlement et à la désignation du « nouveau » président.
Le tour de passe-passe magistralement exécuté par les dirigeants tunisiens (et peut-être, déjà, avec la complicité de certains Etats européens), est parvenu a calmer la rue, dont les meneurs, mal organisés et désormais dépouillés des forces vives de la révolte, n’ont plus les moyens de faire aboutir le processus révolutionnaire et d’instaurer leur propre gouvernement provisoire pour organiser des élections libres et effectivement transformer le régime.
La victoire de cette révolution au Maghreb aurait également pu être un motif d’espoir pour le peuple d’Algérie, toujours en lutte contre la junte corrompue qui le dirige. Hélas, l’échec tunisien n’augure rien de positif pour les Algériens.
Bref, les anciens ministres de Ben Ali ont eu très chaud, depuis quelques semaines. Aussi ont-ils eux-mêmes choisi de tout réorganiser, de tout changer, pour que tout reste pareil.
La « priorité absolue » du gouvernement d’intérim est désormais le rétablissement de l’ordre public. C’est pourquoi, depuis hier soir, le couvre-feu a été proclamé en Tunisie, sous le prétexte que des « pillards » profitent de la situation de chaos, « pillards » surgis de nulle part, « pillards » que l’on n’avait pas encore vu agir, alors que des émeutes violentes ébranlent pourtant le pays depuis des semaines, « pillards » parmi lesquels d’aucuns croient bien avoir reconnu des agents des forces spéciales de « l’ancien » régime.
La France a pris « acte de la transition constitutionnelle ». L’Union européenne s’est dite satisfaite par ce dénouement, qui devrait aboutir à « une solution démocratique durable ». Les Etats-Unis ont exprimé leur respect pour « le courage et la dignité du peuple tunisien ». Le secrétaire général de l’ONU, enfin, s’est réjoui de ce « règlement démocratique et pacifique de la crise ».
Tout le monde est maintenant rassuré : tout va pouvoir continuer comme avant, en Tunisie.
Pierre PICCININ
Professeur d’histoire et de sciences politiques
Website : http://pierre.piccinin-publications...
Messages
1. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 12:31, par Mengneau Michel
J’ai peur que cette analyse peu optimiste soit la bonne...
Car effectivement les deux quidams, qui ont, et qui maintenant assure l’intérim, font partie de l’oligarchie qui a domminé le pays pendant trop longtemps. On sent peu une véritable prise en main par le peuple, c’est comme si on virait Sarkozy et que l’on garde la même classe politique, le résultat sera le même, pas de changement sur le fond, juste la forme qui paraitra différente, et encore !
1. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 12:37, par Zangao
Rien ne peut changer tant que le système demeure............ et le systéme tout le monde y tient.
2. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 15:16
Mais oui, mais oui... Sarko fuyant comme un rat traqué ça ne serait rien. Ben voyons !!!
Ca ressemble tout clair à des paroles de frustrés, tout ça...
Faut dire qu’après la raclée de la réforme des retraites...
Un peu de cran, bordel ! Au moins pour analyser qu’ici nous nous comportons comme des veaux !
2. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 13:07, par Cop
L’appareil d’état bourgeois garde la main (ce qui n’aide pas ce sont les niaiseries sur le gouvernement d’union nationale)
rien n’est changé des questions de fond.
Mais ça signifie également que les tensions demeurent avec un gouvernement qui n’a aucune légitimité.
Bref le régime est instable.
1. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 13:29, par guetteur des rues
« bref le régime est instable »
Il va très vite devenir stable , les tunisiens vivent cachés ....après avoir vaincu !
L’armée a empêchée la police de tirer , pourquoi ?
Je ne sens pas le jasmin dans cette mascarade de pouvoir moi , je sens l’odeur des prisons qui se rempliront encore bien .
2. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 13:59, par Cop
je te parle de ce qui a fait le moteur de fond de la révolution tunisienne qui s’est développé sous l’odeur des prisons... malgré tout.
la crise sociale est toujours là pleine et entière, c’est sa convergence avec la bataille pour les libertés démocratiques qui a fait une explosion avec un comportement exemplaire du peuple tunisien, exemple pour tous les peuples du monde.
la première manche a été gagnée par ce peuple et même si le pouvoir est toujours aux mains des mêmes, ça remplit d’une crainte les dirigeants (tu peux aller voir comment fissa le roi de Jordanie a baissé les prix et dégagées des dizaines de millions à la suite de grosses manifs populaires).
Je suis d’accord avec toi que le boulot n’est pas fini et que l’essentiel est encore à gagner .
Et je pense aussi que l’étape actuelle est un rétablissement de "l’ordre" en jouant sur les pillages (fomentés tout aussi bien par des flics benalistes que par des révoltés contre des biens et hypermarchés tenus par la famille de Ben Ali). Mais rapidement on se rendra compte que ça ne change rien aux problèmes, d’autant plus que le nouveau gouvernement interdit les libertés démocratiques (manif, rassemblements, etc).
bref, la cocotte minute est refermée à double-tour, la soupape bouchée et le feu remis pleins gaz.
"Ils" auraient été malins qu’ils auraient laissé un gouvernement d’unité nationale jusqu’à l’extreme gauche de façon à mouiller tout le monde .
C’est pas le cas.
3. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 14:11
Oui le regime est instable,et la guerre au sommet sevit :
arrestation du chef de la garde presidentielle :
TUNIS, Tunisia (AP) — Tunisia’s state news agency says police have arrested the head of the presidential guard for ousted leader Zine El Abidine Ben Ali.
The TAP news agency reported Sunday that Ali Seriati and several colleagues have been detained on accusations they had plotted against state security. Other details were not immediately available....
http://www.latimes.com/business/nationworld/wire/sns-ap-af-tunisia-riots,0,5403237.story
Que l’armée soit dans les rues plutot que dans les casernes,n’est pas un signe de puissance,les soldats sont confrontés a la population et donc a une fraternisation possible ,malgré le couvre feu...
4. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 15:04
Il y a du positif et pas qu’un peu !
La révolte du peuple tunisien a débarrassé le pays des clans de Ben Ali et de sa femme, et les tunisiens ont maintenant une plus grande liberté d’expression et ont accès plus libre à l’ information . Une nouvelle constitution va être rédigée je pense, qui va par obligation réaffirmer la souveraineté du peuple (même si ceux qui la mettent en place ne sont pas sincères dans l’adhésion à ce principe fondamental de toute république démocratique).
5. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 15:12
Article d’un auteur qui n’en sait pas plus que les autres, mais qui se pose avec suffisance - caractéristique de l’occidental -en juge de l’histoire alors même qu’elle est en cours, et avec une vision ultra pessimiste pour bien tenter de décourager les foules.
Strictement aucun intérêt, sinon de constater une fois de plus la suffisance professorale de gens qui sont complètement dépassés. Non, eux ne changent pas, nuance.
1. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 16:52, par guetteur des rues
Il est très important d’obtenir les infos des tunisiens eux-mêmes et non pas des médias , surtout français .
Si les tunisiens qui connaissent le fond et le terrain veulent nous éclairer nous serons heureux je pense .
Désolé si mon grain de sel fait déchanter mais l’analyse factuelle ne peut être que pessimiste vue d’ici avec un peuple qui semble maintenu par l’armée et empêché de s’exprimer .
Certains disent qu’il y a possibilité de traiter avec cette armée , voilà qui ne semble pas très rassurant pour une société civile ...
Rien ne permet de penser que la société tunisienne va se libérer de son joug , le contraire est plus probable , on manoeuvre et on magouille au gouvernement pour ne pas laisser le peuple se libérer .Le départ de Ben Ali ne signifie en rien la victoire des insurgés , tout est bien cadenassé .
L’alibi du pillage ne tiendra pas longtemps et la vraie raison de la présence musclée de l’armée dans la rue sera bientôt mise en évidence , il faudra bien en donner une explication plausible ...
Il ne faut certes pas négliger le pouvoir de l’exemple et l’espoir que cette insurrection fait naitre dans tout le maghreb et au delà dans les autres pays arabes, c’est très important de toute façon , mais les dictateurs sont en train de fourbir leurs blindés , ils ne vont pas rendre les clés comme ça .
2. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 17:13
L’armée n’est pas nécessairement toujours l’ennemi du peuple. Moi-même, je suis de sensibilité anti-militariste, mais force est de constater que historiquement elle est peut être parfois un allié. Et je pense que c’est le cas en Tunisie, où les milices sèment la terreur, et où face à ces milices il y a l’armée et les tunisiens qui se défendent aussi eux-mêmes. Ces milices, pour ce que j’en ai compris, sont certains policiers, membres de la garde nationale, etc. Des fidèles du RDC qui ont tout intérêt à semer le trouble pour reprendre la main sur le Pouvoir.
Voir la révolution qui a eu lieu au Portugal, par exemple.
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_des_%C5%92illets
3. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 22:03, par Manant2
http://nawaat.org/portail/
Voila un lien pour suivre les événements avec un regard tunisien. Tout à fait d’accord pour réfuter cet article plein de suffisance occidentalocentrée. Que le peuple tunisien se permette une révolution qui réussit. C’est difficile à avaler.
6. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 17:08, par yapadaxan
C’est une révolte qui s’est produite, pas une révolution. Une révolte héroïque et saine, mais c’est tout.
Il n’y a pas politiquement les forces capables de poursuivre la lutte vers une forme supérieure d’organisation sociale. La maffia au pouvoir, érigée en bourgeoisie d’aspect fréquentable, détient tout le pouvoir. En s’enfuyant, Ben Ali sert de fusible et désamorce la crise.
Le pouvoir va lâcher du lest et jouer sur des symboles, mais il va très vite remettre de l’ordre dans le pays. Et cet ordre est l’ordre policier.
Non, la "démocratie", en 2010, n’est pas à l’ordre du jour tant qu’on ne l’établit pas à la lumière nettement anticapitaliste.
Disons-nous bien que l’équipe au pouvoir reçoit, en ce moment, l’aide, le soutien et les conseils de l’Occident.
1. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 17:24, par guetteur des rues
Exactement , une révolte , pas une révolution .
La révolution des oeillets au Portugal a bien eu lieu avec l’assentiment de l’armée oui mais c’est une constante historique , il n’y a pas de révolution possible si l’armée ne se retourne pas à un certain moment . On n’imagine pas le peuple désarmé , non aguerri faire face à une armée , ça n’existe pas tout simplement , enfin ça n’existe plus avec la technologie actuelle .
Je me souviens d’un vieux chant ’’ gloire au 17 ème ’’ , en hommage aux militaires qui mirent la crosse en l’air dans le Languedoc face aux viticulteurs , ce n’est pas un phénomène nouveau .
Là ce qui me rend pessimiste c’est le bouclage de la ville et la présence au pouvoir de ceux qui ont avalisé la politique de Ben Ali , ceux qui l’ont initiée et mis en oeuvre , il n’y a pas de celui ci ou celle là dont on ne peut mettre en doute l’intégrité comme entendu sur les ondes françaises ...rigolade ça , du délire .
2. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 17:31
Que pensez-vous de cet article, alors ?
http://www.rue89.com/2011/01/16/larmee-ne-tire-pas-lhomme-fort-de-la-tunisie-est-general-185923
3. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 17:51, par guetteur des rues
Cet article ne fait que citer le nom du militaire limogé qui n’a pas permis la grande tuerie de Ben Ali , cela ne signifie pas que l’armée ne sera pas investie dans le processus à venir .
4. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 17:56
Cela ne signifie pas non plus le contraire. Bref... Quand on ne sait pas, on évite d’asséner des "vérités", on doute au moins ça.
5. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 18:03, par guetteur des rues
moitié vide / moitié plein alors , et on lance la pièce en l’air ?
Si le rêve est nécessaire à l’homme il ne résout pas les problèmes .
C’est triste mais devant le spectacle d’une armée j’ai toujours un doute , oui !
6. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 18:09
Ce que je veux dire, c’est que d’ici, on ne peut commenter que d’après ce qu’on sait. Et que douter, quand on sait pas vraiment, quand on n’est pas acteur surtout, c’est mieux que d’asséner des jugement sans savoir, ou des vérités toutes faites.
7. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 18:49, par guetteur des rues
Pas des vérités toutes faites , des faits seulement , le peuple tunisien n’est toujours pas libre malgré le départ d’un de ses tyrans c’est tout , il ne s’agit pas de supputation mais d’un constat , et l’optimisme ou l’inverse n’ont rien à voir avec ça .
7. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 17:42, par kangou
aujourd’hui c’est la Tunisie ;demain ce sera ailleurs. On pourrait aussi parler de la France si on vivait ...ailleurs !En fait c’est partout pareil ;les révolutions tombent toujours dans l’escarcelle du Grand Chef des Armées quand ce n’est pas tout simplement lui qui a d’abord fomenté les troubles nécessaires à sa prise de pouvoir ;c’est toujours un maquillage de coup d’état en révolte populaire !Tiens, Napoléon déjà...puisque les médias se réfèrent à 1789 !!
Parce que si le chef des armées donne l’ordre de tirer sur le peuple, il fait quoi le peuple ?Ben, il meurt.
1. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 18:41
Napoléon et l’armée n’ont pas grand chose à voir avec 1789. Quant au 18 Brumaire, c’est un coup monté par Barras, membre du Directoire, qui avait sans doute mal évalué le niveau des ambitions du jeune Bonaparte.
Entre 1789 et 1799, l’armée est en fait étroitement contrôlée par le pouvoir politique. Il s’agit par ailleurs d’une armée populaire : en France la conscription a été instaurée par la révolution. En règle générale, ce sont bien plus souvent des politiciens, plus ou moins réformistes, plus ou moins réacs, qui récupèrent les révolutions populaires plus que des militaires.
8. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 20:18, par Khaled
Étant tunisien, je pense pouvoir éclaircir un peu les choses, tant les commentaires que j’ai lut (rapidement, pardon) montrent une certaine confusion. Je ne vais pas reprendre le texte point par point mais rester dans la globalité.
Je pense que cette analyse est malheureusement, heu, non, heureusement en fait, très biaisée. Le biais principal, j’ai l’impression, c’est que cet article fait une lecture purement européenne de ce qui se passe en Tunisie. En réalité cette transition est assez en accord avec ce qui s’est déjà historiquement passé en Tunisie. Quand Bourguiba a perdu le pouvoir en 87, cela s’est déjà fait en respectant la constitution, strictement. Ce texte reste trop centré sur les marchandages politiques des arrières cours du palais présidentiel, en négligeant un chose très importante : la force politique principale aujourd’hui en Tunisie, c’est le peuple. Et l’état l’a bien compris. Les manifestations continuent aujourd’hui encore, et ce malgré le danger. J’insiste sur le fait que ce n’est PAS une vision romantique du peuple comme force politique, un vœux pieux, mais réellement ce qui se passe en ce moment. Le peuple est mobilisé, conscient de sa force et de l’opportunité historique de mettre en place la démocratie. Nous ne sommes pas dupe et savons bien que le président par intérim est une vieille crapule. Je n’ai jamais vu mon peuple aussi décidé à saisir sa chance. Il y a eu des morts pour cette cause, et ce qui nous tiens a cœur, et je l’entend dans toutes mes discussion, c’est que ceux qui sont morts ne le soient pas pour rien ! Et c’est bien pour ça que ce qui se passe est bel et bien une RÉVOLUTION ! Il n’y a pas de révolution que celles qui sont socialistes. C’est une révolution démocratique.
Bref, pour résumer, les marchandages politiques existent bel et biens, c’est évident, mais la marge de manœuvre des hommes au gouvernement est extrêmement réduite. A vrai dire les conditions ne sont tout simplement pas réunies pour que ces hommes puissent mettre en place une nouvelle dictature en gardant leurs privilèges. Leurs marchandages se situent plus au niveau d’une tentative (désespérée) de composer avec les partis d’oppositions pour rester au moins en partis au pouvoir et éviter de se retrouver devant un juge. C’est ce qu’illustre en tout cas la tentative maladroite de Ganouchi de ne pas appeler les partis interdits (communistes, démocrates, et intégristes). Mais ces partis sont déjà en train de s’entendre pour s’imposer au processus démocratique. Il est clair que le RCD va perdre le pouvoir, et qu’une nouvelle constitution verra le jour. Mais il faut le temps. Ensuite, il ne faut pas être manichéen et prendre en compte la complexité des choses, notamment celle de la composition du RCD. Dans le RCD il y a a peu prés trois types de gars : 1) les carriéristes prés a vendre leur conscience a Ben Ali pour jouir des miettes de son pouvoir et des privilèges (plutôt la trempe de Mbazza3). 2) Les "Benalistes" convaincus, embrigadés, qui l’admirent et le voient comme un leader. Ils sont une minorité mais ont eu pendant ces 23 ans la possibilités d’écraser leur peuple comme personne. Ce sont eu qui faisaient le sale boulot. 3) Les bureaucrates, généralement âgés qui sont en quelques sortes les héritiers de Bourguiba, c’est à dire des fonctionnaires d’état efficace, soucieux de faire fonctionner le pays, et qui n’ont pas rejoint Benali mais qui ont tentés de s’accommoder de lui pour éviter la ruine totale (et ils y sont en partie arrivé), plutôt que de le combattre. Je pense que c’est de cette sorte là qu’est Ganouchi par exemple. Il sont héritiers de Bourguiba parce qu’ils sont l’illustration de ce qui reste de sa pensée politique, c’est à dire le développement du pays, la rigueur, le respect des institutions et les idées progressistes de Bourguiba (éducation, égalités des sexes, accès aux soins, etc).
Donc voila, le RCD comporte tout autant des vieux bourguibistes, que des carriéristes aujourd’hui prompts a retournés leurs vestes, et que des Benalistes certainement trés effrayés en ce moment. Ce parti est fasse a un gros défis : celui d’arriver a redevenir le Néo-destour en se dé-benalisant. Je précise que je suis pas du RCD, je suis un rouge moi ! Un anar même !
On pourrait tout autant parler de la particularité des intégristes tunisiens qui ressemble plus a un parti de démocrate chrétien a l’allemande qu’a Alqaida, mais ca va être vraiment long. En plus les intégristes auront a faire au MLF qui fut en son temps un mouvement vraiment très fort, et qui va certainement renaitre aujourd’hui. Sans parler du rôle historique prépondérant de l’UGTT qui a répondu présente pendant cette révolution en lançant des grèves générale et organisant des manifs, dont celle du 14 janvier.
Bref, la tache la plus urgente aujourd’hui est celle de la "dé-RCDisation" de toutes les instituions d’état, mais aussi de tous les médias, des associations, des syndicats. Car même l’UGTT, le MLF, la LTDH, chaque association, chaque structure organisé était fagocité par le RCD et surtout ses benalistes. Et malgré tout vous voyez que j’ai écrit plus haut que ces institutions ont soit répondues présente à cette révolution, en tentant tous de même de fonctionner sous Benali. donc vous comprendrez a quel points les choses sont complexes en Tunisie. Il n’y avait pas d’espoir avant il y a quelques jours dans ce pays, et tous ce qu’on pouvait faire était de composer, supporter Benali. Heureusement Bouazizi nous a violemment ouvert les yeux et donner un courage dont nous ne nous serions pas vraiment crus capables.
Pour finir, des précisions sur deux choses : les milices violentes, et le rôle de l’armée.
Les milices, c’est la catégorie 2, les embrigadés adorateurs de ben ali. Ce sont a 90% des flics, pendant que les responsables réels essaient de fuir. A la fuite de leur adoré "Fuhrer", ils se sont retrouvés comme un poulet sans tète : ils commencent a courir partout. Ils ont voulus se venger d’un peuple auquel ils n’ont jamais cru, et de fait auquel ils n’ont jamais appartenu. Ils ont crus qu’en semant la panique et le chaos, ils échapperaient a la justice. En réalité ils veulent juste faire le plus de mal possible. C’est une pure réaction de haine. Ils ont torturés pendant des années et ils sont les seuls a connaitre réellement l’ampleur des horreurs qu’ils ont commises, d’où la violence de leur réaction.
Ensuite, le rôle de l’armée. Quand rue 89 écrit que l’homme fort c’est le général Ammar, ou quand je ne sais plus quel ambassadeur français dit que c’est l’armée qui a lâché Benali, ils se fourrent tous les deux le doigt dans l’œil. L’armée n’a pas lâché Benali pour la simple raison qu’elle ne l’a jamais soutenue ! Et nous aimons notre armée en Tunisie notamment parce qu’elle ne s’est jamais mêlée de politique. Ça aussi c’est un héritage de Bourguiba, et on peut en comprendre l’ampleur quand on voit comment l’armée s’est comportée : elle ne s’est jamais compromise avec Benali (au contraire elle a subi ses assassinats), elle a défendue le peuple, et elle a refusé de prendre le pouvoir, c’est a dire, finalement, qu’elle a refusé de confisquer au peuple sa révolution en la remplaçant par un coup d’état militaire. Notre armée, il faut savoir qu’elle est en immense majorité composée des jeunes chômeurs que la police raflaient dans les cafés il n’y a pas encore si longtemps pour les envoyer faire leur service !
Voila donc, j’espère avoir clarifier les choses en expliquant que finalement, le fait que le RCD soit toujours a la tète de l’état ne signifie pas qu’il ait encore le pouvoir, et qu’après avoir jeté Benali dehors, il y a des chances pour que nous respections une transition respectueuse des institutions et des lois, même si ce n’est qu’en apparence, et si tous le monde sait que ces lois et ces hommes n’ont pas de légitimité. Les système benaliste vie ses dernières heures, et il est trop tôt pour crier a la confiscation de la révolution démocratique en cours. Les hommes changeront, et les institutions aussi.
Bourguiba nous as laissé en héritage un certain respect des institutions, et un certain dégout de la violence (ou peut-etre que ça on l’avait déjà avant en fait), qui fait que les assassinats et les suicides n’ont pas été acceptés, mais aussi que nous avons surement éviter une situation encore plus chaotique si tous l’état s’était effondré.
1. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 20:29
C’est le défaut de la plupart des réactions que l’on peut lire et entendre sur la Tunisie dans la majorité des médias. D’où le grand intérèt de votre post.
2. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 20:43
Étant tunisien, je pense pouvoir éclaircir un peu les choses, tant les commentaires que j’ai lut (rapidement, pardon) montrent une certaine confusion.
Exzllente intervention , merci ,rien a ajouter pour le moment
3. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 21:17, par yapadaxan
Les sociétés "humaines" forment, d’un continent à l’autre, des situations particulières, c’est vrai. Elles sont issues de très anciennes cultures, dans la mémoire desquelles s’accumulent langues, religions, traditions paysannes, etc., mais elles obéissent, aussi, à des lois sociales qui sont toujours plus, le temps passant, universelles.
Il y a donc bien dialectique de l’historique et de l’actuel, ce qui, en Tunisie comme ailleurs, situe la problématique politique au coeur d’un système économique précis.
Au sortir de la période coloniale, la Tunisie a importé un modèle économique et politique des pays occidentaux. En ce moment encore, ces mêmes lois prévalent dans l’actuelle situation. Les outils intellectuels qui permettent d’approcher la réalité tunisienne tiennent compte de la spécificité nationale dans ce qu’elle partage avec les formes de pouvoir universellement pratiquées.
C’est ce qui nous conduit à réfléchir à haute voix, imparfaitement, c’est vrai. Mais gare à ne pas particulariser à l’excés la problématique tunisienne, histoire d’en faire un cas isolé, connaissable et connu des seuls autochtones.
4. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 21:56, par Khaled
La lecture trop européenne de la révolution tunisienne n’est pas le principal défaut de ce texte, ce n’en est qu’un biais mineur. Qui plus est je répondais plus au commentaire des évènements actuels contenues dans ce texte, en espérant donner quelques clés pour mieux les comprendre, plutôt qu’à l’analyse de la dialectique universel/particulier de l’histoire Tunisienne.
5. Tunisie : « tout changer, pour que tout reste pareil »…, 16 janvier 2011, 22:55
Merci pour vos lumières ! C’est bienvenu.