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Turquie : vaste campagne d’arrestations de Kurdes

par Maxime Azadi

Publie le mercredi 21 septembre 2011 par Maxime Azadi - Open-Publishing

Dans la « démocratie avancée » du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, plus de 1 350 membres du principal parti kurde BDP, dont des dizaines de responsables et élus, ont été emprisonnés par la justice au cours de six derniers mois, a dénoncé le BDP, affirmant que la justice a agit sur ordre du premier ministre.

La Co-vice-présidente du Parti de la démocratie et de la paix (BDP), Meral Danis Bestas, a affirmé que la police a lancé une vaste campagne d’arrestations ces dernières semaines contre son parti. Rappelant les menaces du premier ministre contre le BDP, elle a dénoncé l’emprisonnement de 1356 membres du parti kurde, dont des responsables et des élus.

PIRE QUE DES ANNÉES 1990

« Il s’agit d’un chiffre effrayante et inacceptable » a-t-elle dit, soulignant que le nombre des arrestations est pire que des années 1990. « Ces opérations montrent clairement que la justice n’est pas indépendante car, elles ont été lancées par la justice sur ordre du chef de l’exécutif, le premier ministre. »

192 000 PERSONNES JUGÉES DEPUIS 2009

Plus de 3 000 politiciens kurdes ont été emprisonnés depuis 2009, tandis que 192 000 personnes ont été jugées, hormis les six derniers mois, dans le cadre de la loi anti-terroriste (TMK) et des articles controversés du Code pénal turc, sous l’accusation d’être « membre d’une organisation terroriste » et de « soutenir » cette organisation, ajoute la co-vice-présidente.

Aujourd’hui, il n’y a aucun maire, dirigeant ou membre de l’assemblée d’une province qui n’a pas été l’objet de poursuites, a-t-elle dit. « Nous avons en prison neuf maires, six députés et 40 à 45 membres des assemblés municipales » a affirmé Bestas.

PLUS DE 260 ARRESTATIONS EN CINQ JOURS

Le 15 septembre, le premier ministre avait une nouvelle fois menacé les kurdes : « Ils ne devraient pas s’attendre de bonne foi ». Le 17 aout, il avait menacé de « faire payer le prix » au BDP, sans le nommer, « s’il ne prend pas de distances avec la terreur », affirmant que son pays était « à bout de patience », suite à une embuscade du PKK contre les forces spéciales turques qui menaient une opération.

Depuis le week-end dernier, entre le 17 et le 21 septembre, plus de 260 personnes ont été arrêtées par la police, dont 160 à Istanbul, 56 à Sirnak et 33 à Urfa, selon un décompte du blog Maxime Azadi, à partir des articles publiés par les agences kurdes. Plus de 30 personnes parmi eux ont été envoyées en prison.

LE VRAI BILAN DU GOUVERNEMENT AKP

Le nombre des détenus dans les prisons ont argumenté de 100%, passant de 60 000 en 2002 à 120 000 en 2010. La violence envers la femme atteint une ampleur effrayante, avec une hausse de 1400 %. Aujourd’hui, environ 70 journalistes, kurdes pour la plupart, sont en prison, ce qui en fait le pays la plus grande prison du monde pour les journalistes. Des centaines de journaux, revues ou livres ont été interdits par les autorités. 73 enfants kurdes ont été tués par les forces de l’ordre depuis 2002, selon l’initiative « Bir Göz de Sen Ol » qui a publié les noms de 477 enfants kurdes tués ces 20 dernières années.

Plus de 3 000 membres actifs du BDP, dont des maires, députés, syndicalistes et des défenseurs de droits de l’homme ont été mis derrière les barreaux depuis 2009, dans le cadre de l’affaire KCK, l’Union des associations du Kurdistan (KCK), une organisation accusée de « terrorisme » et de « complicité » avec le PKK. Tous ceux qui militent pour la cause kurde risquent d’être arrêtés dans le cadre cette affaire, considérée comme un complot politique par les organisations kurdes.

LES ARRESTATIONS COMPARABLES AUX ANNÉES 1990

Les arrestations en masse rappellent les années 1990 et sont comparables à celles de l’époque de Tansu Ciller, l’ancien premier ministre entre 1993 et 1996. Usant de fonds secrets pour financer une organisation secrète, elle avait dressé une liste noire d’hommes d’affaires kurdes à abattre parce qu’ils sont soupçonnés de financer le PKK. En 1994, les bureaux du journal kurde, Ozgur Ulke, avaient été bombardés sur ordre de ce premier ministre.

Selon un bilan établi à partir des rapports sur la situation des droits de l’homme, 21 612 personnes ont été arrentées en 2002 contre 14 473 en 1994. Au cours l’année 2007, début de second mandat d’Erdogan, 7 191 personnes ont été arrêtées et 16 000 arrestations ont été effectuées en 2010. Un rapport de l’Association de droits de l’Homme (IHD) indique que 4 015 personnes ont été arrêtées au cours du premier semestre 2011, dans la seule région kurde, contre 2 430 sur la même période de l’année 2010. Le rapport constate 16 482 cas de violations des droits de l’homme au six premiers mois de l’année en cours, contre 13 219 cas en 2010. Le même rapport constate également 1 010 cas de tortures et de mauvais traitements au six premiers mois dans région kurde, contre 433 en 2010.

http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-azadi/