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Un pas de plus vers la déréglementation du travail

Publie le jeudi 25 novembre 2004 par Open-Publishing
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de Paule Masson

Le projet de loi de cohésion sociale arrive en débat à l’Assemblée nationale à partir d’aujourd’hui. Destiné à afficher « l’ambition sociale » du gouvernement, le texte se découpe en trois parties (emploi, logement, égalité des chances), plus une concernant les 8 articles sur la réforme du licenciement économique rajoutés au forceps sous la forme d’une lettre rectificative fin octobre, quelques heures avant l’examen du projet par les sénateurs. Alors que la rapporteure générale du texte, la députée UMP Françoise de Panafieu, loue les mérites d’un texte qui « s’attaque à l’ascenseur social », les députés communistes, qui feront connaître leurs propositions aujourd’hui, promettent déjà de livrer, selon les propos de Maxime Gremetz, un « rude combat » sur un texte qualifié de « régression ». Au nom du Parti socialiste, Gaëtan Gorce ironise sur un « plan de confusion sociale ». Le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, qui endosse au sein du gouvernement les habits de celui qui veut « réconcilier l’économique et le social », bataille pour faire appliquer son projet dès 2005, un plan de 13 milliards d’euros dont la cohérence flexibilise un peu plus le marché de l’emploi et facilite les restructurations d’entreprise.

Un plan d’exclusion

Concernant l’emploi, le texte propose la création des « contrats d’avenir » (185 000 l’an prochain), précaires, réservés aux jeunes sans diplôme. Il préconise l’orientation des adolescents dans des contrats d’apprentissage (500 000) liés aux besoins immédiats du marché du travail. Il instaure l’obligation pour les chômeurs de s’adapter aux besoins des entreprises en intégrant des emplois hors de leur souhait, de leur champ de compétences ou loin de chez eux. En cas de refus, ils seraient sanctionnés. Le projet instaure une nouvelle salve d’exonérations de charges sociales pour les employeurs et leur facilite la tâche pour licencier en cas de restructuration économique. De l’avis de nombreuses associations, le volet logement, qui comprend le financement de 500 000 logements locatifs, ne compense pas suffisamment les destructions prévues pour faire face à la pénurie aujourd’hui reconnue. Quant à l’égalité des chances, elle reste un concept. Dans le dédale de mesures se reconnaît bel et bien un nouveau pas franchi dans la déréglementation du travail, en conformité avec le concept libéral selon lequel trop de « rigidités » sociales nuiraient à l’emploi. Et l’exclusion n’est pas loin. Les associations de chômeurs ne s’y trompent pas et ont appelé aujourd’hui à un rassemblement devant l’Assemblée nationale à Paris. Le volet emploi de ce plan est aussi vivement dénoncé par cinq syndicats de l’ANPE, qui y voient une « remise en cause des missions fondamentales du service public » et s’associent à la manifestation des chômeurs.

Cinq syndicats de l’ANPE réagissent

« Messieurs les députés, dans cette période où les inquiétudes exprimées par les salariés sont fortes sur l’avenir de l’emploi, le gouvernement Raffarin sollicite votre approbation sur un projet de loi improprement nommé « cohésion sociale ». Ainsi débute la lettre ouverte que l’union départementale CGT de Haute-Savoie a envoyé aux parlementaires du département et pour être sûre d’être entendue, la CGT appelle à manifester aujourd’hui devant les permanences des parlementaires, notamment celle de Bernard Accoyer, président du groupe UMP. En Normandie, l’union locale CGT d’Elbeuf, en Seine-Maritime, a choisi d’agir devant la chambre de commerce et d’industrie, tandis que les salariés de Seine-Saint-Denis, en région parisienne, s’apprêtent à déposer ce soir motions et pétitions auprès du député UMP d’Aulnay-sous-Bois. Pour tenter de sortir le projet Borloo, et particulièrement les dispositions réformant le licenciement économique, de la confidentialité, la CGT est aussi dans l’action aujourd’hui. « Pas plus sur les licenciements qu’en d’autres domaines, le gouvernement n’a le pouvoir de faire voter une loi qui mettrait un terme à nos revendications et à nos actions », a prévenu Bernard Thibault, secrétaire général de la confédération lors du forum national organisé par la CGT, le 16 novembre dernier.

Les huit articles qui abrogent la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 marchent à contre-courant des grandes ambitions affichées pour l’emploi puisqu’ils donnent les coudées franches aux employeurs pour pouvoir licencier plus vite, en passant outre l’avis des syndicats. Les sénateurs ont intégré dans le texte amendements favorables aux chefs d’entreprise. L’employeur n’est, par exemple, plus « tenu de consulter le comité d’entreprise avant le lancement d’une offre publique d’achat ou d’échange ». Les patrons ont aussi obtenu le droit de fixer seuls l’ordre du jour du comité d’entreprise, alors que jusqu’à présent l’accord de l’élu secrétaire du CE était obligatoire. Cette mesure aggrave encore le peu de cas réservé dans le texte aux moyens d’intervention des partenaires sociaux en cas de restructuration. En généralisant les « accords de méthode », les prérogatives des comités d’entreprise, seule instance de contrôle élue par les salariés, sont contournées. L’employeur pourra accélérer la procédure de licenciements alors qu’aucune obligation de reclassement n’est inscrite dans le texte. La « convention de reclassement » créée est « inférieure aux congés de conversion » existants, dénonce la CGT. Et les recours en justice en cas de contestation d’un plan de sauvegarde de l’emploi sont réduits à un an au lieu de cinq et à quinze jours en référé. On comprend mieux pourquoi les députés de l’UMP ont annoncé des « amendements marginaux » au projet de loi. Le MEDEF a déjà presque tout obtenu.

http://humanite.fr/journal/2004-11-23/2004-11-23-450453