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Un voile sur les discriminations

Publie le mercredi 10 décembre 2003 par Open-Publishing
1 commentaire

Ci-joint un texte/appel "féministes pour l’égalité" contre une loi sur le
voile pour publication avec signatures - qui sont à transmettre à
Alain.Gresh@monde-diplomatique.fr
Les signatures de femmes sont prioritairement et urgemment recherchées...
Merci de faire circuler...

Un voile sur les discriminations

« L’affaire du foulard » est devenue un débat national, LE débat national :
on ne parle plus que de cela. On y apprend des choses : que pour nombre
d’hommes politiques l’égalité entre les sexes est une priorité ­ tiens !
Tandis que pour certaines féministes, c’est dans la lutte contre l’islam,
intégriste - forcément intégriste-, que se joue le sort des femmes en
France. Re-tiens !
Des alliances inimaginables il y a quelques mois se forment, des fronts
laïco-féministes qui ont pour dénominateur commun un fonds de fantasmes
apocalyptiques : le « salafisme » et le « wahabisme » sont aux portes de nos
mairies, prêts à piétiner notre constitution, et leurs fourriers sont
quelques dizaines de femmes « voilées » qui semblent ne demander qu’à porter
leurs foulards en paix. Mais que demanderont-elles après ?
Il faut retrouver la raison, et en particulier la raison féministe : les
jeunes filles et les femmes qui portent le foulard ne sont pas la cinquième
colonne d’une puissance étrangère, elles sont d’ici, partie intégrante de
notre société même si doublement exclues en tant que femmes et en tant que
groupe social. Et la France n’est pas près d’être transformée en république
islamique. De telles peurs feraient rire si elles ne révélaient une
crispation identitaire française, un rejet qui est aussi fort aujourd’hui
qu’il l’était il y a quarante ans ou cent cinquante ans. On ne compte plus
les « vrais-faux » lapsus qui transforment, dans la bouche des politiques et
des journalistes, des citoyen-nes français-es en immigré-es pour l’éternité.
C’est à qui exhibera le plus fort « complexe de Charles Martel » : si on ne
peut pas les arrêter à Poitiers, au moins leur interdira-t-on l’entrée des
écoles, des administrations, des hopitaux, etc. ! Ne pouvant les renvoyer
chez eux/elles » puisque qu’ils/elles sont ici chez eux, on peut - on sait
faire - les traiter en citoyen-nes de seconde zone, en indésirables, en
caste inférieure.

Et c’est là que réside le problème, le seul et l’unique problème
républicain, de la république et pour la république, sur lequel le débat du
foulard tente de jeter un voile pudique, sans y parvenir tout à fait ; en
témoigne cet intérêt tout neuf pour la discrimination. Cette notion était
jusqu’à hier inconnue en France : puisqu’il n’y a pas de races, il ne peut y
avoir de discrimination raciale. S’il y en a, on fait semblant de ne pas la
voir, car la voir conforterait la notion de race, donc le racisme. Ce
raisonnement, ubuesque ou kafkaïen­ selon qu’on est témoin ou victime ­, la
France est le seul de tous les pays du globe à le tenir.
Et tant qu’elle le tiendra, et refusera de donner aux descendants des
peuples qu’elle a colonisés, l’égalité promise par sa constitution, par sa
loi interne autant que par ses obligations internationales, la France aura
des problèmes ; des foulards, dont l’interdiction exacerbera la visibilité
au lieu de la réduire, mais peut-être aussi d’autres réactions d’amertume un
peu plus méchantes de la part des groupes discriminés. « Qui sème l’injustice
récolte la colère », non ? On ne peut pas constamment mépriser, écraser,
exclure sans provoquer un jour des révoltes. Et la France ne pourra tenir sa
promesse d’égalité tant qu’elle refusera de regarder en face l’inégalité
illégale tous les jours perpétrée : la discrimination permanente à tous les
niveaux, emplois, école, administration, logementS Il n’y a pas un acte de
la vie quotidienne qui soit indemne de racisme à l’égard de ceux que notre
histoire coloniale continue à nous faire considérer comme des sous-êtres.
Traquer les traitements discriminatoires, qu’ils s’exercent à l’encontre des
femmes ou d’autres groupes, relève d’un véritable enjeu de société. Cela
demande des études, dans tous les domaines, sur les mécanismes de
discrimination, qui ne sont pas le fait d’individus racistes, mais de tout
le système social et de tous ses acteurs, consciemment ou inconsciemment ;
et cela demande de construire des outils de lutte efficaces - qu’on les
appelle « action positive » ou « action volontariste », « aménagement
territorial » ou « politiques anti-ségrégation » ­ pour faire de la fin de ce
système, et de la souffrance qu’il induit, une priorité absolue.

Pour l’instant, ce pays vit très bien avec ces discriminations, ou du moins
le croit-il, et applique de facto sinon de jure le système de la préférence
nationale (favorisant les Français « de souche ») et de la préférence
masculine (favorisant les hommes) de façon éhontée. Et l’on veut encore
ajouter une loi inique et raciste au contentieux ? Comment des féministes
peuvent-elles soutenir une loi qui aboutit à exclure des jeunes filles de
l’école, souvent leur seul lieu d’émancipation, pour les renvoyer à un
milieu familial censé les opprimer ?
Chacun sait que cette loi qu’on nous présente comme « une loi pour la
laïcité » vise en premier lieu le foulard, en tant que signe visible d’une
religion crainte et fantasmée, celle des « nouvelles classes dangereuses ».
Rappelons que dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, et la Moselle, les religieux
sont payés par l’Etat, qu’il dispensent des cours religieux dans les écoles
publiques (pour les catholiques, protestants et juifs seulement) et que
curieusement ce dispositif ne serait pas affecté par la loi. D’où l’évidence
de son caractère discriminatoire qui ne fera qu’agrandir les lignes de
clivage et les fractures sociales.
Aussi manifestons-nous très fermement notre opposition à toute loi
stigmatisant l’islam, et les femmes musulmanes en particulier, et en
appelons-nous à un débat de fond sur toutes ces questions à travers des
discussions, contributions, rencontres, débats publicsS, à lutter ensemble,
en tant que démocrates et féministes, athées ou pas, voilées ou pas, contre
toutes les discriminations et pour l’égalité.

Féministes pour l’égalité
Signataires : Christine Delphy, directrice de Nouvelles questions
féministes, Marina Da Silva, journaliste, Joss Dray photographe, Anne-Marie
Camps, Geneviève Sellier ( professeure en études cinématographiques),
Geneviève Clancy, poète et philosophe

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Messages

  • <<Aussi manifestons-nous très fermement notre opposition à toute loi stigmatisant l’islam, et les <<femmes musulmanes en particulier, et en appelons-nous à un débat de fond sur toutes ces <<questions à travers des discussions, contributions, rencontres, débats publicsS, à lutter ensemble, <<en tant que démocrates et féministes, athées ou pas, voilées ou pas, contre toutes les <<discriminations et pour l’égalité.

    Bla,bla, bla ...et marchons dans la rue pour que n’est-ce un monde meilleur !! Alors que la préocupation de la majorité des gens c’est d’arriver au travail à l’heure de peur de se faire virer (à moins que cela ne soit déjà fait) .
    Non mesdames vraiement non je ne crois en rien à vos actions soyez plus imaginatives et surtout plus éfficaces...
    Alt