Accueil > Un voyage en aller simple
JAVIER PRADERA 13/12/2009

Tous les facteurs se sont donnés rendez-vous pour convertir la situation d’Aminetou Haidar - irrésolue au moment d’écrire ce commentaire - en un cas limite. Cette tragique histoire a commencé avec le retrait du passeport et l’expulsion policière du Maroc de l’activiste sahraouie à son retour à El Aaiún, provenant de New York via Las Palmas. Comme indépendantiste qui fait passer sa nationalité culturelle et politique avant sa nationalité étatique, Aminetu Haidar se proclame sahraouie et pas marocaine.
La responsabilité du Maroc est évidente : l’article 13.2 de la Déclaration Universelle de Droits de l’homme établit que "toute personne a le droit de sortir de n’importe quel pays, même du sien, et à revenir à son pays". Après l’abandon par l’Espagne franquiste du Sahara Occidental en 1975 et son occupation de fait par le Maroc, seulement le référendum d’autodétermination ordonné par les Nations Unies – et dont la célébration est encore en attente - décidera le sort final du territoire : l’incorporation d’iure au royaume alaouite ou la création d’un État souverain. Si les campements de réfugiés de Tindouf résultent un témoignage insuffisant, l’expulsion d’Aminetou Haidar annonce un avenir abominable pour la population native si la formule annexionniste n’avait pas pour cadre un vrai État de droit.
La déportation forcée d’Aminetou Haidar d’El Aaiún à Lanzarote dans un avion espagnol et son internement obligatoire sans passeport fait soupçonner l’existence de connivences entre les deux États pour ce voyage sans retour apparent ; la tentative frustrée de la rendre au Maroc quand elle s’était déjà déclarée en une grève de la faim a démontré le court génie des inventeurs rusés de la tricheuse stratagème diplomatique. Le ministre des affaires étrangères a offert à la déportée l’asile politique ou la nationalité espagnole si elle suspendait sa grève de la faim ; le rejet de la proposition a provoqué la réaction plaintive et furieuse d’un Moratinos contrit.
Le cas d’Aminetou Haidar a jeté la lumière sur la conscience de culpabilité de l’Espagne pour l’abandon des sahraouis à leur sort et pour sa politique contradictoire sur la célébration du référendum promis ; comme cela est arrivé durant le coup de théâtre de Persil, les stéréotypes xénophobes traditionnels contre les maghrébins ont fait le reste du travail. N’ont même pas manqué des jugements dénigratoires contre l’activiste sahraouie par son appel à l’exercice de la liberté de conscience et par les motivations de son geste ; Peut-être un habitant de Tebas murmurait aussi qu’Antigone est passé dans ses fastidieuses protestations par les envies de faire chanter Creonte et d’attirer l’attention. Dans une situation comme celle-ci : l’État, doit-il assister impassible à la lente consomption d’un suicide expiatoire ou prendre, au contraire, des mesures pour l’empêcher ? Ce dilemme ne peut pas être résolu en termes technico-juridiques : la protection des droits de l’homme requiert aussi le point de vue décisif de l’éthique politique.
Traduction : Diaspora Saharaui