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Une ONG médicale : des tournées pour 47 millions d’Américains

Publie le mercredi 23 avril 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

reportage libé


Une ONG médicale organise des tournées pour soigner les 47 millions d’Américains non couverts.


« J’ai honte pour mon pays »

Envoyé spécial à Oakdale (Tennessee) Philippe Grangereau
QUOTIDIEN : mardi 22 avril 2008

Il est quatre heures du matin, et il pleut sur Oakdale. Nous sommes au cœur du Tennessee : un Etat où les gens ont l’accent traînant du sud, vont beaucoup à l’église, votent de préférence républicain et sont plus pauvres que la moyenne. Une lumière blafarde éclaire le porche de la petite école du village, sous lequel une centaine de silhouettes sont alignées devant l’entrée. Des hommes, des femmes, quelques enfants, des sacs de couchage, des amas de couvertures, des lits de camp, des chaises pliables. Certains dorment à même le sol, pour garder leur place, tandis que des membres de leur famille se reposent, à tour de rôle, dans la voiture rouillée sur le parking.

Gymnase. La cohorte attend en silence, dans le froid, l’heure de l’ouverture des portes, prévue à 6 heures et demie du matin. L’expédition médicale s’est installée la veille dans l’école. Les médecins et infirmiers volontaires ont investi le gymnase, où ont été disposées les chaises de dentiste portables, les compresseurs, les machines dentaires. Les instruments stériles ont été rangés sur les tables pliables, sous les panneaux de basket.

Remote Area medical (RAM), une ONG médicale américaine, effectue à Oakdale sa 538e mission, qui consiste ici à offrir gratuitement, pendant tout un week-end, des soins dentaires et des lunettes aux populations démunies d’assurance santé, ou bien aux personnes dont l’assurance ne couvre pas ce type de soins. Au Tennessee, même les personnes en situation précaire qui bénéficient de l’aide alimentaire (food stamps) et médicale (medicaid) n’y ont pas accès. Dans tous les Etats-Unis, 47 millions d’Américains vivent sans couverture santé, et des dizaines de millions d’autres ont des assurances précaires. Une situation qui s’aggrave avec la récession.

Les portes s’ouvrent enfin pour laisser entrer les patients. Jerry Randall, un charpentier d’une cinquantaine d’années, est l’un des premiers. « J’ai perdu mon travail il y a deux mois, car avec la crise des subprimes, la construction est sinistrée. Ca fait quinze ans que je n’ai plus d’assurance santé et je crois que je ne pourrais jamais plus en avoir. Il y a deux semaines, je me suis brûlé les mains au deuxième degré, et j’ai dû me soigner tout seul, sans faire appel à un médecin… Tant qu’il n’y aura pas un système de santé universel aux Etats-Unis, il y aura de plus en plus de gens dans ma situation. » « Parfois, dit Edna Smith, une ouvrière au chômage de 47 ans qui est venue se faire arracher des dents, il faut que j’aille demander de l’aide à mon église pour payer mon assurance santé. Toute ma vie j’ai été indépendante, mais aujourd’hui tout se débine. Ma mère, diabétique, n’a pas pu prendre ses médicaments depuis trois semaines, faute d’argent. J’ai honte, pas pour moi tellement, mais j’ai honte pour mon pays. On est supposé être le pays le plus riche du monde et regardez ce qui ce passe. C’est indigne. »

« Camp de réfugiés ». La RAM, qui a été créée en 1992 par Stan Brock, un Anglais qui a longtemps vécu en Amazonie, est assez unique aux Etats-Unis. Fonctionnant sur un budget très réduit, l’ONG était à l’origine destinée à apporter des soins aux pays pauvres d’Amérique latine. Brock, qui vit au Tennessee, a petit à petit transféré ses missions de secours sur les Etats-Unis, où la RAM effectue désormais 60 % de son activité. « Pour plein de gens dans les Appalaches, il est impossible d’acheter à la fois la nourriture et l’assurance santé », explique Ron Brewer, un ancien employé de Delta Air Lines à la retraite qui dirige la mission de la RAM à Oakdale. Ron reconnaît que le gymnase, où 200 patients assis sur les gradins regardent officier huit dentistes installés sur la piste centrale en attendant leur tour, « ressemble un peu à un camp de réfugiés ».Paul Vaughl est arrivé pour faire la queue à 3 heures du matin : Casquette siglée « vétéran du Vietnam, Dieu, devoir, pays ». Il n’a plus de dents. « J’aime pas porter mon dentier. » Il n’est pas venu pour lui, mais pour la molaire de son fils de 9 ans. « J’ai une assurance santé de l’armée, mais qui ne rembourse pas le dentiste. Avec les subprimes, le coût de mon prêt hypothécaire a augmenté tellement que je ne peux plus me payer des soins dentaires. » Il trouve néanmoins que le système de santé est « juste », « plus juste en tout cas » que celui qu’il connaissait « à Chicago il y a vingt-cinq ans ».

Les deux candidats démocrates aux présidentielles de novembre, Hillary Clinton et Barack Obama, promettent tous les deux de mettre en place un système de santé universel s’ils sont élus. Mais à entendre les médecins volontaires de la RAM, ce n’est pas pour demain. Même si l’un des deux candidats est élu « ça ne changera rien », pense Pamela Davis, une étudiante en médecine de l’université du Tennessee : « L’industrie médicale et pharmaceutique, l’industrie de l’assurance, tous ces lobbies opposés à la mise en œuvre d’un système de santé public sont si puissants dans ce pays que ce sont eux qui font la loi. Ils iront jusqu’au bout pour conserver leurs bénéfices. »

Messages

  • On est supposé être le pays le plus riche du monde et regardez ce qui ce passe. C’est indigne. »

    La faute aux lobbies pharmaceutiques, assurances privées, et les gens qui ne veulent pas entendre parler de "solidarité" ou d’impôts supplémentaires à payer pour ce service, auquel un jour ou l’autre on fait tous appel. Pourtant les "assurances privées" se fondent également sur le "principe de solidarité". Mais leurs défauts majeurs, sont qu’elles ne s’adressent qu’à ceux qui ont un bon salaire parce qu’elles sont très chères. D’où l’idée géniale et moins coûteuse, donc accessible à tous, d’avoir nationalisée ce service, il y a 60 ans. Il doit rester un service public, universel, basé sur le "principe de solidarité universelle". C’est pas pour dire mais les communistes sont avantgardistes, progressistes sur la question, pas les USA terriblement en retard.

  • Si cela continue,ce sera pareil en France,dans moins de temps que l’on peut le croire.momo11