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Une nouvelle réforme des 35 heures apparaît délicate
Publie le lundi 6 septembre 2004 par Open-Publishingde Claire Guélaud
Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, achève, mardi 7 septembre, la consultation des partenaires sociaux sur la révision des lois Aubry. Les divergences sont telles que toute remise en question est périlleuse. Les syndicats menacent de revenir sur les accords signés.
Moins de deux ans après l’adoption d’une première loi sur l’"assouplissement" des 35 heures, le gouvernement Raffarin veut aller plus loin. Profitant d’une conjoncture européenne porteuse avec la relance, en Allemagne et en Belgique, du débat public sur l’augmentation de la durée du travail, le premier ministre entend pousser son avantage.
Et remettre sur le métier l’épineuse question de la réforme des 35 heures.
Mais entre les pressions du patronat et d’une large partie de sa majorité, qui tiennent les 35 heures pour un "contresens économique", et la consigne du chef de l’Etat de ne pas toucher à l’horaire légal de travail, la voie est étroite pour le chef du gouvernement. A défaut de pouvoir soit repasser à 39 heures soit supprimer toute référence à une quelconque durée légale du travail, M. Raffarin a décidé de proposer de nouveaux assouplissements "concertés" du temps de travail.
Ce faisant, le premier ministre s’inscrit dans la logique de la loi Fillon du 17 janvier 2003, qui a largement vidé les 35 heures de leur substance en augmentant le contingent annuel d’heures supplémentaires de 130 à 180 heures et en bloquant, de fait, la diffusion des 35 heures dans les entreprises de moins de 20 salariés.
Les réflexions du gouvernement tournent autour d’une diminution accrue du coût des heures supplémentaires. Actuellement, les "heures sup" entre la 36e et la 39e heure sont majorées de 10 % à 25 % dans les entreprises de 20 salariés et plus, et de seulement 10 % dans celles de moins de 20 salariés, qui bénéficient jusqu’au 31 décembre 2005 d’un régime transitoire.
L’une de pistes envisagées par le gouvernement consiste à pérenniser les règles appliquées aux entreprises de moins de 20 salariés, en les étendant, partiellement ou totalement, aux entreprises de plus grande taille. La majoration des heures supplémentaires pourrait ainsi tomber à 10 % dans les entreprises employant jusqu’à 50 salariés, voire davantage. Un nouveau relèvement du contingent des heures supplémentaires n’est pas exclu : il permettrait aux entreprises d’accroître leur temps de travail sans autorisation de l’inspection du travail et sans que cela ouvre droit à un repos compensateur pour leurs salariés.
En l’absence d’arbitrages, Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, qui reçoit les partenaires sociaux, est resté volontairement discret sur les intentions du gouvernementales. Les rencontres bilatérales de M. Larcher ont débuté le 26 août avec le secrétaire général de la CFDT. Elles devaient prendre fin mardi 7 septembre avec le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière. Ce "round" de consultations, quasiment achevé, aura surtout permis au gouvernement de prendre le pouls des partenaires sociaux et de mesurer à quel point sont profondes leurs divergences.
Avec une rare unanimité, les dirigeants syndicaux ont plaidé contre la remise en cause des 35 heures. Nombre d’entre eux, tels François Chérèque (CFDT), Jacques Voisin (CFTC) ou Alain Olive (UNSA) ont fait valoir qu’il suffisait, pour les assouplir, d’appliquer la loi Fillon, une loi que les branches professionnelles ont très peu utilisée pour négocier des aménagements. Si la CGT et Force Ouvrière figurent parmi les adversaires les plus résolus de nouveaux "assouplissements" de la durée du travail, les autres organisations syndicales sont prêtes à envisager des aménagements pour peu qu’ils soient négociés. M. Chérèque l’a redit au Journal du Dimanche du 5 septembre : "Nous refusons de remettre en cause la loi, ce qui ne nous empêche pas d’accepter des adaptations sur le terrain par la négociation, en fonction de la réalité économique des entreprises." "C’est ce que la CFDT de Bosch a fait, approuvée par 72 % du personnel, en acceptant d’adapter le temps de travail, tout en conservant 14 jours de RTT", a-t-il ajouté, en contestant la présentation que les membres du gouvernement, Nicolas Sarkozy en tête, font de ce dossier : "Quand on entend certains dire "laissons les gens choisir de travailler plus pour gagner plus", c’est à croire qu’ils n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise - chacun sait que ce sont les employeurs et non les employés qui décident des heures supplémentaires", a pointé le dirigeant cédétiste.
MENACE SYNDICALE
Le patronat, de son côté, plaide pour une révision radicale des règles régissant le temps de travail. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), devant laquelle le ministre de l’économie et des finances avait plaidé, le 30 juin, pour une "réforme profonde" des 35 heures, réclame à cor et à cri une pérennisation du régime transitoire dont bénéficient les entreprises de moins de 20 salariés. Et souhaite que les chefs d’entreprise puissent négocier des assouplissements directement avec leur personnel. Le Medef n’est pas en reste, qui a évoqué la possibilité de micro-négociations individuelles, au niveau de l’entreprise, entre employeur et salarié.
Les syndicats, qui ne veulent pas entendre parler de telles évolutions, brandissent mezza voce la menace d’une dénonciation des accords de branche et d’entreprise, qui compliquerait singulièrement la donne sociale et paralyserait la politique contractuelle. Jean-Claude Mailly (FO) a ainsi envisagé explicitement, vendredi à Lille, la possibilité de "remettre en cause des accords actuellement signés, comme par exemple celui sur la formation professionnelle". Un risque que le gouvernement, jusque-là confronté au seul chantage à l’emploi de quelques entreprises, doit désormais prendre en compte.
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