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Virgin est à la recherche d’une nouvelle stratégie pour compenser la chute des ventes de disques

Publie le mercredi 29 juin 2005 par Open-Publishing

de Stéphane Lauer

Virgin vient de passer un printemps agité sur le plan social. Plusieurs mouvements ont touché certains magasins du distributeur de biens culturels, filiale du groupe Lagardère (également actionnaire du Monde ). Par ailleurs, l’approvisionnement du magasin des Champs-Elysées a été perturbé pendant près d’un mois et jusqu’au 21 juin à la suite d’un arrêt de travail d’une partie du personnel d’un entrepôt à Paris.

A l’origine de ce mécontentement, les négociations salariales 2005, qui ont débouché ­ pour la première fois depuis la création de l’enseigne en 1988 ­ sur un désaccord entre la direction et l’ensemble des organisations syndicales.

Les propositions de la première, qui prévoient une hausse de 3 % à 3,4 % au 1er juillet, sont jugées insuffisantes. "La direction ne va pas au-delà des mesures déjà prévues au niveau de la branche professionnelle" , souligne Laurent Degousée, délégué syndical central CGT chez Virgin. "Depuis que la suppression du treizième mois a été négociée en 1999 en échange du passage aux 35 heures, il ne nous reste plus que nos 900 euros mensuels de salaire" , ajoute le Collectif sans étiquette, un mouvement de représentation des salariés créé en avril, en marge des syndicats.

Malgré une mobilisation inhabituelle dans l’entreprise, le mouvement social s’est soldé par un échec pour les grévistes. Le tribunal de grande instance de Paris, saisi en référé par la direction de Virgin, a ordonné, à la mi-juin, la levée du blocus de l’entrepôt alors que les salariés n’ont pas réussi à obtenir la revalorisation de la "prime de productivité" qu’ils réclamaient.

La direction de Virgin a fait valoir que ses marges de manoeuvre sont limitées. L’enseigne, comme ses concurrents, est confrontée à l’effondrement des ventes de disques. Entre 2001 et 2004, celles-ci ont chuté de 39 %. Virgin a vu ainsi s’envoler 34 millions d’euros de chiffre d’affaires et 11 millions de résultat opérationnel. En cause, la montée en puissance du téléchargement de musique sur Internet. "L’écroulement de la musique prive les distributeurs d’un élément stratégique qu’ils n’ont pas encore réussi à compenser en termes de rentabilité et de chiffre d’affaires", souligne Jacques Perrillat , président de l’Union du commerce de centre-ville (UCV). Avec des marges de 30 %, le disque est en effet le rayon offrant la meilleure rentabilité au mètre carré.

"Nous sommes entrés dans un processus infernal et aucun signe ne nous dit que cela va s’arrêter" , constate Jean-Noël Reinhart, PDG de Virgin, qui peste contre la quasi-impunité dont bénéficie aujourd’hui le téléchargement illégal. " Cette pratique touche principalement le marché des nouveautés. A terme, la création va se tarir. Il faut que le législateur mette rapidement les fournisseurs d’accès sur Internet en face de leurs responsabilités, car ce qu’on observe pour la musique va dès demain s’étendre au film et c’est tout le modèle économique des distributeurs spécialisés qui risque d’être remis en cause" , ajoute M. Reinhart.

Face à l’effondrement des ventes de disques, Virgin remet à plat son modèle. D’abord, l’enseigne a ralenti son rythme d’investissement. Le réseau, qui est passé de 22 magasins en 2001 à 34 en 2005, devrait se stabiliser. Les investissements annuels, qui étaient de 20 à 30 millions d’euros, ne devraient, désormais, pas dépasser une dizaine de millions par an.

Parallèlement, Virgin tente de stabiliser la répartition de son chiffre d’affaires. "Nous avons redéployé notre offre en direction des produits non dématérialisables comme les livres ou la papeterie" , souligne M. Reinhart. La musique, qui représentait, en 2001, 45 % du chiffre d’affaires, ne pèse plus que pour 30 % de l’activité du groupe. Une proportion qui doit constituer un plancher selon la direction.

Pour cela, Virgin mise sur son propre site de téléchargement de musique sur Internet. Virgin Mega, qui a été pionnier en France, revendique une part de marché de 30 % contre 25 % pour iTunes, le site de l’inventeur iPod, Apple, et 20 % pour la Fnac. "Nous devrions réaliser 7 millions de téléchargements cette année et nous prévoyons d’être à l’équilibre sur cette activité dès 2008" , affirme M. Reinhart. "Cette remise à plat crée inévitablement des tensions, mais contrairement aux grandes compagnies du disque, Virgin n’a pas licencié" , insiste M. Reinhart pour justifier les positions inflexibles de la direction sur les salaires.

Cette stratégie commence à donner des résultats : en 2004, pour la première fois depuis trois ans, la chute des ventes de disques a été compensée par les autres activités du groupe. Le chiffre d’affaires, qui avoisine les 100 millions d’euros, a affiché une hausse de 1,6 %, malgré une baisse de 10 % pour le disque.

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