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la Commission nationale informatique et libertés pointe les fichages abusifs

Publie le mercredi 23 juin 2004 par Open-Publishing

Un jeune homme était fiché par la police judiciaire depuis l’âge de 16 ans, au motif qu’il portait un canif sur lui lors d’un contrôle d’identité. Une dame âgée était fichée comme mise en cause dans une affaire de vol à main armée avec séquestration. C’était elle qui avait été séquestrée. Une autre personne avait été simple témoin d’une escroquerie vingt ans plus tôt. Fichée. Fiché aussi comme usager de stupéfiant, ce jeune qui partageait l’appartement d’un ami mis en examen pour ce délit. Et elle qui avait offert le refuge une nuit à son domicile à un mineur kidnappé : fichée comme mise en cause dans l’enlèvement de l’enfant.

Sur 435 vérifications effectuées en 2003 dans le Stic (Système de traitement des infractions constatées, le fichier de la police judiciaire), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a relevé plus de cinquante erreurs et les a fait rectifier. Mais combien de citoyens sont encore étiquetés à tort par le ministère de l’Intérieur ? Nul ne le sait.

Quand ce n’est pas par la police, les Français ont toutes les chances de se retrouver fichés, a rappelé hier la Cnil dans son rapport annuel, par les impôts, la douane ou les banquiers. Derrière une baisse apparente des saisines due à la chute des prospections commerciales par télécopies la Cnil a en fait devant elle une « tâche immense » avec l’examen de 69 352 nouveaux dossiers en 2003 (+ 21 %). Le président Alex Türk, sénateur du Nord (non-inscrit), s’est félicité hier d’un budget en hausse de 5 %, notable en période de vaches maigres. Ses pouvoirs ont été étendus avec une réforme en avril de la loi « informatique et liberté » de 1978. Les contrôles seront renforcés et appuyés par un nouveau pouvoir de sanctions. Alex Türk estime que, malgré l’afflux, une « quantité astronomique de fichiers échappe au contrôle de la commission ». Et surtout, ces nouveaux fichiers ne présentent « plus aucune référence commune, ou presque » avec ce qu’examinait la Cnil à sa création, il y a bientôt vingt-cinq ans.

Le métro de Paris. Avec la récente télébillettique Navigo, la RATP peut suivre le voyageur à la trace : à chaque passage de portillon, sont enregistrés date, heure, lieu et identification. Un brouillage des informations a été conseillé à la régie, au nom de la liberté d’aller et venir.

La biométrie : oui dans les prisons, non au « roller-parc ». A l’étude pour la future carte d’identité électronique, l’identification des personnes par les empreintes digitales se banalise. La Cnil a refusé son utilisation à deux établissements scolaires et un hôpital. Elle a aussi refusé ce système mis en place en avril 2003 à l’entrée du « roller-parc » de Levallois-Perret. Il suffisait de mettre un doigt sur un lecteur pour ouvrir le tourniquet. En revanche, la biométrie a été acceptée aux entrées des zones de sûreté des aéroports de Roissy et d’Orly. Ainsi que, à titre expérimental, à l’entrée de la prison de la Santé, à Paris. Il s’agit d’empêcher les évasions de détenus qui se font passer pour des visiteurs.

Les Lyonnais à la capitale. Pour retrouver les Lyonnais expatriés à Paris et leur adresser des courriers vantant les mérites de la vie entre Rhône et Saône, les élus lyonnais se sont servis de la liste électorale de la capitale, aimablement fournie par la préfecture de police de Paris. La Cnil a trouvé que la démarche n’était pas justifiée au regard du « principe de finalité de la liste électorale ».

Voyager aux Etats-Unis. L’accord signé le 28 mai qui réglemente les voyages entre l’Europe et les Etats-Unis est vertement critiqué sans que ce soit suivi d’effets par la Cnil et ses homologues européens, parce qu’il expose les passagers à la divulgation aux douanes américaines de données personnelles contenues dans le dossier Passenger Name Record (PNR). La Commission trouve le nombre de ces données 34, dont certaines sont sensibles excessif, ainsi que la durée de leur conservation trois ans et demi.

Guerre aux spams. La Cnil s’est fixée comme principal objectif d’assainir le marché français. Un début. Car la progression de ces courriers électroniques non sollicités et adressés massivement est « exponentielle », et la lutte est d’autant plus difficile que 90 % des spams qui arrivent en France proviennent de pays hors Communauté européenne, dont 80 % des Etats-Unis.

Et aussi. D’autres phénomènes apparaissent qui, selon l’expression du président de la Cnil hier, « plongent la Commission dans l’incertitude » : l’espionnage par MMS, photo ou son transmis par téléphone portable ; la « géolocalisation », ou comment les parents arriveront à pister leurs enfants ou les patrons leurs salariés grâce au repérage du téléphone portable. Sans compter le « courrier espion » des Américains, qui permet de savoir si votre mail est lu, à quel moment, combien de fois, et s’il a été retransmis. En France, ce « Did they read it ? » est puni de cinq ans de prison et 300 000 euros d’amende.

http://www.libe.com/page.php?Article=217735