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le plan Fillon risque de pénaliser les femmes

Publie le mercredi 25 juin 2003 par Open-Publishing

Seule l’interruption de leur activité pourrait désormais permettre une "validation de droits".

Comment éviter que les femmes ne soient doublement pénalisées par la réforme des retraites en débat à l’Assemblée nationale ? La rapporteure de la délégation aux droits des femmes sur ce projet de loi, Claude Greff (UMP, Indre-et-Loire), en convient : "C’est surtout la femme qui travaille qui sera pénalisée, mais, ajoute-t-elle, ce n’est que la conséquence de la jurisprudence européenne." Dans le dépliant d’explication qu’il a adressé aux Français, Jean-Pierre Raffarin n’évoque pas cette question, assurant simplement, de manière évasive, que "les temps partiels et les ruptures de travail, dues notamment à l’éducation des enfants, seront mieux pris en compte dans le calcul des retraites".

Les promoteurs du projet de loi estiment que l’extension aux hommes des bonifications de pension en cas de cessation d’activité pour élever un enfant constitue un réel progrès social. Il n’en reste pas moins que ce texte va rendre plus dures, pour bon nombre de femmes, les conditions permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein. Tout d’abord, parce que, à la décote appliquée pour chaque trimestre manquant, s’ajoute le fait que le calcul s’effectuera désormais - pour les fonctionnaires et les salariés du privé - sur 160 trimestres et non 150. Or, dans son rapport 2000 sur la Sécurité sociale, la Cour des comptes relevait que 25 % des femmes n’ont pas validé 160 trimestres de cotisation entre 60 et 65 ans.

Moins évident est le "tour de passe-passe", comme le qualifie la députée (PS) des Deux-Sèvres Ségolène Royal, contenu dans l’article 27 du projet. Il indique que "le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l’accomplissement de services effectifs (...) ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension, sauf : dans la limite de trois ans par enfant (...) né ou adopté à partir du 1er janvier 2004, sous réserve que le titulaire de la pension ait bénéficié d’un temps partiel de droit pour élever un enfant ; d’un congé parental ; d’un congé de présence parental ; d’une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans."

CARRIÈRE ENTRAVÉE

Explication de texte, fournie dans l’exposé des motifs du projet : "La mise en œuvre du principe de droit communautaire de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes conduit à modifier les modalités de la bonification pour enfant accordée aux femmes fonctionnaires(...). Cet avantage, qui prenait la forme d’une bonification d’un an par enfant des années de service effectuées, est remplacé par une validation des périodes d’interruption ou de réduction d’activité effectivement consacrées à l’éducation d’un enfant ou aux soins donnés à un enfant malade."

Ainsi, à la "bonification", de droit, se substitue une "validation", sous réserve d’une cessation effective d’activité. En clair, la reconnaissance sociale de la maternité à travers l’année de bonification est remplacée par une incitation pour ces dernières, même si elle est théoriquement étendue aux hommes, à interrompre leur activité professionnelle pour que cette période soit prise en compte, au risque de voir leur carrière professionnelle entravée. La même logique prévaut pour l’article 31 du projet de loi, définissant le régime des bonifications.

Mme Royal dénonce "une remise en cause pernicieuse des avantages familiaux". Le projet de loi passe explicitement outre aux recommandations du Conseil d’orientation des retraites (COR), si souvent pris en référence, qui avait mis en garde sur les conséquences de l’allongement de la période de référence mis en œuvre par la réforme Balladur de 1993 et suggérait des mesures spécifiques destinées à en atténuer les effets pour les femmes. La différence des niveaux de pension entre hommes et femmes, du fait, notamment, des disparités de carrière professionnelle, est déjà de 42 %. La réforme risque de creuser encore l’écart.

Patrick Roger
Le monde