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le service après-vente de M. Sarkozy

Publie le jeudi 7 septembre 2006 par Open-Publishing

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Libération / « On est le service après-vente de M. Sarkozy »
mercredi 6 septembre 2006.

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Les bénévoles qui viennent à l’aide des évacués de Cachan prennent le relais des politiques et des humanitaires.

« On est le service après-vente de M. Sarkozy »

Par Laeïla ADJOVI

QUOTIDIEN : Mercredi 6 septembre 2006 - 06:00

« O n a décidé de faire du riz pour eux. D’autres ont amené une table, des couches, de la nourriture. C’est comme ça que ça a commencé. » Awa habite Cachan (Val-de-Marne). Elle fait partie de la trentaine de bénévoles, voisins du campus universitaire ou simples citoyens, qui se sont mobilisés spontanément après l’évacuation du « plus grand squat de France ». Aujourd’hui, devant le gymnase qui accueille plus d’une centaine de familles immigrées sans logis et parfois sans papiers, un stand « tourne vingt-quatre heures sur vingt-quatre ». Collecte des dons, services des repas, distribution de vêtements, de biberons et de couches, aide à l’accès aux soins... En dehors des calculs politiques ou des discours militants, ces humanitaires de quartier ont été les premiers secours, là où la Croix-Rouge elle-même n’a pas su opérer. Remonter le moral. « On est le service après-vente de M. Sarkozy », ironise Cécile, 26 ans, développeur Web. Pour la nourriture, les vêtements ou les couvertures, les bénévoles ont obtenu le soutien des collectivités locales et de certaines associations comme Emmaüs ou les Restos du coeur. Sans oublier les dons des particuliers. D’après Cécile, ce sont les premières nuits qui étaient les plus dures. Son souvenir le plus marquant ? Avoir vu « des femmes se battre pour une couverture le premier soir ». Quand plus de 200 personnes refusent d’être relogées à l’hôtel et dorment dans la rue devant leur ancien squat, leur campement de fortune ne les protège ni du froid ni de la pluie. Rhume, grippe, puis gastro-entérite... Sur la soixantaine d’enfants sur place, beaucoup tombent malades. A force de faire des allers-retours entre le gymnase, ouvert par le maire socialiste de Cachan le lendemain de l’expulsion, et le pédiatre. « c’est moi qui ai attrapé une gastro, raconte Cécile en se tenant le ventre, mais ce n’est pas grave, je préfère quand même ma situation à la leur ». Sans organisation hiérarchique, sans règles précises, à part celle de répondre aux besoins formulés par les familles, les bénévoles doivent aussi remonter le moral des troupes, dissiper les rumeurs. Souvent apolitiques, ils se démarquent des partis, du comité de soutien, et même des associations. « Ici, on n’est ni de droite ni de gauche. Je ne fais pas de politique, je suis juste un être humain, comme eux », lance Mohammed, un RMiste de 42 ans. « Depuis le début, j’évite de donner mon avis, souligne Virginie, prof de fac à Paris. On ne veut pas qu’une asso s’occupe du stand, pour faire la part des choses entre ceux qui négocient et ceux qui font de l’humanitaire. » Et même chez les spécialistes de l’humanitaire, il semble que certains n’aient pas été à la hauteur. « Des membres de la Croix-Rouge étaient là le premier jour, mais après la charge des CRS on ne les a plus revus. Quand ils sont partis on a eu très peur, on les a attendus. Quand ils se sont présentés le lendemain au gymnase, ils n’étaient plus les bienvenus. Les gens se sont sentis trahis », explique cette quadragénaire qui risque des sanctions disciplinaires pour avoir mis son travail entre parenthèses. Forte d’un passé de militante, Virginie admet qu’au sein des bénévoles « chacun fait un peu ce qu’il veut » et s’étonne que ça fonctionne « miraculeusement bien ». « Malgré une situation sanitaire précaire, il n’y a pas de perte de poids chez les enfants et juste quelques petits rhumes, des gastro, mais rien de très grave », sourit-elle. Mais, surtout, « on tend vers l’autonomie », car « beaucoup de femmes du gymnase passent derrière le stand pour s’en occuper ». « Anonyme ». Et puis, il y a les rencontres, les anecdotes cocasses, les « signes que la vie continue ». Comme le bébé né au coeur de la tourmente, une semaine après l’expulsion. L’histoire d’amour entre un des grévistes de la faim, marocain, et sa compagne, biélorusse, également sans papiers. Ou cette jeune Malienne à l’air fragile. Virginie raconte que son bébé « avait une semaine au moment de la charge des CRS le 18 août. Comme il pleure la nuit, la mère quitte le gymnase et se promène dans les rues de Cachan pour le bercer ». Pour Damian, Mohammed, Françoise, Annie, Marie-Stan, Moussa et tous les bénévoles qui se sont relayés autour du gymnase, il fallait, comme les expulsés, « gérer le quotidien sans savoir de quoi demain sera fait ». Dans l’ombre. « Je revendique le fait d’être anonyme, s’exclame une quadragénaire. Je laisse la célébrité aux autres », clame-t-elle avant de servir à nouveau du café.