Accueil > menaces sur Sucres St-Louis à Marseille
Les 247 salariés de l’usine Saint-Louis de Marseille sont inquiets. Monique Ottaviani, secrétaire CGT du comité d’établissement, a annoncé récemment que le CE avait "engagé le droit d’alerte" devant les craintes de restructuration que fait peser la réforme européenne du secteur. Lundi 5 février, la commission économique du comité d’établissement doit se réunir.
Dans l’attente d’un comité central d’entreprise le 13 février à Paris, où la direction de Saint-Louis Sucre présentera ses scénarios, c’est la fin de l’activité raffinage qui est redoutée - l’usine fait aussi du conditionnement. "Rien n’est encore décidé", assure-t-on au siège du groupe, racheté en 2001 par l’allemand Südzucker.
Le sort de salariés a un retentissement important à Marseille, marquée par la bataille pour le maintien d’une activité sur le site Nestlé. Le député Frédéric Dutoit (PCF) a lancé un appel à la sauvegarde du site. La CGT indique que, contrairement aux affirmations de la direction, l’activité raffinage a encore de l’avenir : elle blanchit 150 000 tonnes de sucre chaque année et pourrait, sans grands investissements, aller jusqu’à 270 000.
C’est sans compter sur la réforme, entrée en vigueur en 2006, qui exige une baisse de la production en Europe et ébranlera la rentabilité du site. Celle-ci met fin au monopole de raffinage du sucre roux actuellement détenu par six raffineries portuaires européennes. N’importe quelle sucrerie pourra effectuer cette opération. La réforme prévoit aussi la fin des aides spécifiques au raffinage en 2009.
Le site de Marseille deviendrait donc déficitaire, selon la direction. Saint-Louis Sucre, qui a 14 sites dont 7 sucreries, pourrait bénéficier d’aides européennes prévues par la réforme, pour d’éventuelles restructurations à Marseille.
"DISPARITION DE BASSINS"
Si le sort de ce site constitue la première répercussion de la réforme, planteurs et fabricants craignent un impact plus large, alors que la France devait être épargnée. Le raffinage, en effet, n’est qu’un mince volet de cette réforme qui vise à ce que l’Union européenne, d’exportatrice, devienne importatrice de sucre.
Les soutiens à l’exportation seront supprimés et les prix comme les volumes baissés d’un tiers. En quatre ans, la production doit être réduite de 6 millions de tonnes. Mais pas de façon homogène, car la réforme prévoit que l’activité perdurera là où elle est la plus compétitive, principalement en France, et disparaîtra ailleurs, aidée en cela par un fonds de restructuration.
Selon les syndicats européens de salariés, la réforme devrait aboutir à la fermeture de 100 sites (40 % des entreprises européennes) et à la suppression de 150 000 emplois directs et indirects.
Mais les abandons de production ne sont pas au rendez-vous, même si en Italie ou en Irlande des fermetures ont été engagées. Selon la Commission, seulement 2 millions de tonnes seraient abandonnées pour les deux premières années de la réforme, quand on en attendait 5.
Le comité européen de gestion du sucre devrait entériner, jeudi 8 février, un retrait de 12 % des quotas pour la campagne actuelle proposé par la Commission. Les Français poussent à ce que la réforme soit remise en chantier et plaident pour un fonds de restructuration plus attractif.
Les industriels français comptent monter au créneau, lundi 5 et mardi 6 février à Bruxelles, où une rencontre entre représentants des fabricants européens est prévue. Les discussions s’annoncent houleuses, car les intérêts divergent selon les pays.
"Le risque, c’est que si la réforme ne fonctionne pas, au plus tard en 2010, la France devra comme les autres abandonner 20 % à 25 % de son quota, explique Philippe Soubestre, le président du Syndicat national des fabricants de sucre. Il faudra alors diminuer d’un quart le nombre d’usines (30 aujourd’hui) en France et envisager la disparition de certains bassins betteraviers."
Laetitia Clavreul et Michel Samson (à Marseille), Le Monde