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Dans les petits papiers du patronat (1/5)
Très « chers amoureux de la liberté »
Drôle d’endroit pour une rencontre : le 12 décembre 2006, un groupuscule ultralibéral squatte l’amphithéâtre des patrons de la métallurgie. Ils n’ont plus un sou, mais ils ont encore des relations.
« Chers amis, chers amoureux de la liberté, je suis désolée de ne pas être parmi vous ce soir. C’est mon combat, qui est aussi le vôtre, contre l’interventionnisme de l’État tout-puissant, qui m’empêche d’être avec vous aujourd’hui et de vous souhaiter un bon anniversaire.
Le libéralisme n’est ni de gauche ni de droite, ma mission est de le faire comprendre au plus grand nombre. Pour cela, je sais pouvoir compter sur vous tous, sur vos idées et sur votre engagement. Je vous remercie et espère votre soutien. À une prochaine fois sûrement. »
Le 12 décembre 2006, à Neuilly-sur-Seine, dans l’amphithéâtre du Groupe des industries métallurgiques (GIM), la chambre territoriale de l’UIMM en Île-de-France, qui rassemble toutes les grosses pointures du secteur, Laurence Parisot, présidente du MEDEF, aurait dû participer à la célébration des quarante ans d’un groupuscule ultralibéral sur le déclin, l’Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS).
La patronne des patrons avait donné son « accord de principe », mais hélas, trois fois hélas, au bout du compte, elle n’a pas pu venir.
Et elle n’est pas la seule : dans l’amphithéâtre des patrons de la métallurgie en région parisienne, où, depuis des lustres, l’ALEPS organise toujours ses petites sauteries (assemblées générales et remises du prix du livre libéral), les rangées sont clairsemées, ce 12 décembre 2006 : une cinquantaine de personnes ont fait le déplacement.
Précurseurs de l’anarcho-libéralisme, vieux routiers d’un anticommunisme viscéral, chrétiens à forte coloration traditionnaliste ou, pour la majorité d’entre eux, tout ça à la fois, il y a du beau linge quand même.
Jacques Garello, le délicat président de l’ALEPS (lire ci-dessous), côtoie Michel de Poncins, animateur des Catholiques pour les libertés économiques et chroniqueur sur une Web-radio antiavortement sur laquelle il fustige désormais « le pouvoir quasi socialiste » incarné par Nicolas Sarkozy.
Passés par cette « blanchisseuse » qui, dans les années soixante-dix, a transformé, grâce aux fonds du patronat, nombre de jeunes activistes d’extrême droite en honorables militants de droite aux dents longues, Alain Madelin et Hervé - Novelli sont venus embrasser l’ex— vichyste Guy Lemonnier (alias Claude Harmel), leur « père spirituel », comme ils diront eux-mêmes, et raconter, avec émotion, à la tribune leurs « trente-cinq ans de vie avec l’ALEPS » - une sacrée histoire, en vérité, qui d’ailleurs nous occupera un peu dans le courant de la semaine. - Député UMP des Yvelines et coprésident, avec Olivier Dassault, du groupe parlementaire Génération entreprise, Jean-Michel Fourgous tente de combattre la mélancolie qui règne chez les jusqu’au-boutistes du marché :
« Il y a actuellement à l’Assemblée plus de 150 députés qui professent des idées et proposent des solutions libérales. Cette force de frappe finira bien par venir à bout des corporations, des énarques et des bureaucrates. »
Dans une livraison ultérieure de la Nouvelle Lettre, baptisée de manière révélatrice par Jacques Garello de « notre bulletin de paroisse », quelques illustres fidèles de l’ALEPS se prosternent encore : « Je suis depuis quarante ans l’action de formation économique que vous menez avec tant de talent et de ténacité au service de la pensée libérale », écrit François Ceyrac, figure historique du patronat français, à l’UIMM d’abord, puis au CNPF.
Patronne « dans le vent », inventeur de la décoiffante opération « J’aime ma boîte » et présidente du lobby ETHIC (Entreprises de taille humaine, indépendantes et de croissance), Sophie de Menthon, madeliniste en diable à la grande époque, confesse qu’elle « pompe les idées » de l’ALEPS. « Je suis furieuse aussi parfois que ces commentaires ne soient pas repris partout dans les quotidiens nationaux », ajoute-t-elle.
Le 12 décembre 2006, en guise de conclusion de la touchante cérémonie d’anniversaire, le président de l’officine ultralibérale en voie de disparition manie le paradoxe : « Nous ne fêterons pas le cinquantième anniversaire de l’ALEPS, explique Jacques Garello en substance, car dans dix ans, les idées de liberté seront tellement répandues et acceptées en France que nous ne serons plus utiles… »
Peut-être bien, mais pour l’heure, l’ALEPS continue de vivoter. Ultralibéraux, oui, mais sans le sou : ceux qui bénéficient, au moins, du sens de l’hospitalité des patrons parisiens de la métallurgie n’arrivent même pas, avec les quelques centaines d’abonnés à leurs publications, à « couvrir les frais d’impression et de routage ».
Un an plus tard, la petite entreprise de propagande est au bord de la faillite.
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Les seconds couteaux entre les dents
Pendant la première moitié du XXe siècle, des hommes s’activent en coulisses : à travers les « caisses » de l’UIMM, ils récoltent de quoi combattre le communisme et promouvoir le libéralisme.
« Une dizaine de feuillets, rédigés par des intellectuels russes réfugiés en France, et traitant brièvement de quelques aspects de la vie ouvrière en Russie, ont été distribués dans les quartiers ouvriers à 100 000 exemplaires chacun. Trois tracts confectionnés par nos soins ou sous notre direction ont été envoyés à domicile à 7 500 adresses d’ouvriers données à notre secrétariat par les établissements adhérents. »
Dans cette note manuscrite, datée du 5 novembre 1925 et citée par l’historienne Danièle Fraboulet dans son ouvrage de référence sur l’UIMM durant la première moitié du XXe siècle (Quand les patrons s’organisent, aux Presses universitaires Septentrion), Étienne Villey, délégué spécial du Groupe des industries métallurgiques de la région parisienne (GIM) auprès de l’UIMM, se félicite de ces « éclairages » largement diffusés par le patronat dans le monde ouvrier.
Après la Première Guerre mondiale, les entreprises parisiennes de la métallurgie peuvent participer à l’effort de propagande contre le « bolchevisme » et les idées communistes en versant des cotisations exceptionnelles de cinq francs par ouvrier.
Pour Étienne Villey, le « levier irrésistible du groupement patronal » réside dans la lutte contre les grèves ouvrières. De manière révélatrice, alors que l’UIMM, qui n’existe officiellement que depuis quelques années, construit encore ses fondations, le patronat de la métallurgie se constitue un système d’assurance mutuelle destiné à prévenir la grève (considérée, au même titre que les incendies, comme un « sinistre »), véritable ancêtre de la « caisse noire » (Entraide professionnelle des industries métallurgiques, EPIM) qui défraie la chronique aujourd’hui.
Et tout s’articule dans cette période jusqu’au Front populaire : tentatives pour « désolidariser » la classe ouvrière des éléments « les plus extrémistes », opérations de renseignements sur le degré d’implantation des communistes dans les entreprises des adhérents de l’organisation patronale, recours au lock-out, établissement de plans précis destinés à faciliter l’intervention des forces de l’ordre dans les usines, fichage des grévistes à l’échelle de la région et interdiction de les embaucher, et domestication des troupes patronales. Au printemps 1936, le GIM rappelle vertement à l’ordre certains patrons qui engagent des négociations.
Après la Seconde Guerre mondiale, le patronat qui, à quelques exceptions près, a sombré dans la collaboration, sort passablement discrédité. « La revendication libérale joue un rôle central dans la reconstruction du syndicalisme patronal », fait observer François Denord, historien et sociologue, auteur de Néo-libéralisme, version française (éditions Demopolis) : « Elle permet de faire peau neuve à ceux qui se sont laissé séduire par les sirènes du corporatisme vichyssois. » À cette époque, Georges Villiers prend les rênes du nouveau CNPF, qui remplace la Confédération générale de la production française (CGPF).
À son initiative, le patronat repart à l’offensive et crée, en 1947, l’Association de la libre entreprise, une officine de propagande libérale, comme son nom l’indique, dont le siège se situe au 199 du boulevard Saint-Germain, dans le 7e arrondissement de Paris. Au bureau de l’association, on retrouve, outre Georges Villiers, notre ami Étienne Villey qui y représente les patrons métallurgistes parisiens.
Les dirigeants de Michelin, qui n’ont jamais regardé à la dépense quand il s’agissait de combattre le communisme et de promouvoir le libéralisme, mettent par ailleurs à disposition de Georges Villiers un de leurs hommes, Georges Morisot, pour animer les activités de l’association et publier un bulletin trimestriel sobrement intitulé Voici les faits.
Dans ce sympathique fanzine, le message est toujours le même : les fonctionnaires « pullulent » et « sont injustement protégés du chômage », les impôts « brident l’initiative » et « Durand », le Français moyen héros des brochures, doit « toujours payer pour les improductifs ».
Pendant ce temps-là et jusqu’en 1953, dans ses célèbres bureaux rue de Penthièvre, André Boutemy, ancien directeur des Renseignements généraux sous Vichy et « résistant » de la dernière minute, distribue les enveloppes du CNPF aux députés et aide tous les partis… Enfin presque tous : « Je n’ai d’autre règle que l’anticommunisme, mais évidemment l’anticommunisme sous toutes ses formes », professe-t-il.
En 1957, Étienne Villey disparaît. Au 199 du boulevard Saint-Germain, un homme est très inquiet : Villey, l’homme clé du GIM jusque-là, c’était son meilleur bailleur de fonds… Comment faire sans lui ?
Thomas Lemahieu
Messages
1. merci PATRONS, 19 décembre 2007, 11:02
tres tres interessant ton article.
on en redemande.
je suis salarie dans l indusrtie automobile ,militant cgt et elu communiste dans une petite ville du nord.
ton article me parle et , est encore d actualité aujourd hui.
salutations .
2. merci PATRONS, 19 décembre 2007, 11:41
Ce qu’a été et ce qu’est le fascisme
On oublie trop souvent les aspects économiques du fascisme en mettant surtout l’accent sur ses aspects raciaux, nationalistes et autoritaires. L’essence réactionnaire et anti-ouvrière du fascisme se trouve dans le système corporatiste, dans lequel on cherche à concilier le conflit Capital-Travail. Cet aspect est de loin le plus important dans la mesure où il permet de « cerner » les intentions de ceux qui se cantonnent encore aujourd’hui dans ces ornières, bien qu’ils disent réprouver, au moins en paroles, le racisme, la xénophobie et le nationalisme.
Le Corporatisme fasciste est une théorie économique énoncée à la base de la Charte du Travail (1927) qui se présentait comme une alternative hypothétique entre le capitalisme libéral et le communisme. L’État fasciste avait pour fonction de réguler l’économie du pays (l’Italie... N.d.T.) et de faire passer l’ « intérêt national » avant l’intérêt individuel. En réalité, le Corporatisme a été l’emblème de la réaction fasciste, consistant dans la tentative de « pacifier » le classique conflit Capital-Travail.
La Charte du Travail
La nuit du 22 Avril 1927, le Grand Conseil du Fascisme approuva la « Charte du Travail » (publiée au Journal Officiel le 30 Avril), qui n’était autre qu’un manifeste contenant 30 points :
*Les dix premiers (I à X) étaient intitulés : « De l’État corporatiste et de son organisation ». Au point VIII, sont définies les corporations : « Les corporations constituent l’organisation unitaire des forces de production et en représentent intégralement les intérêts. En vertu de cette représentation intégrale, les intérêts de le production devenant les intérêts nationaux, la Loi reconnaît donc les corporations ».
** les dix suivants (XI à XXI) traitent « Du contrat collectif de travail et des garanties appliquées au travail ».
***Les points XXII à XXV concernaient les bureaux d’enregistrement, qui stipulaient « la préférence qui serait faite à ceux qui appartenaient au Parti National Fasciste et aux syndicats fascistes ».
****Les derniers points (XXVI à XXX) établissaient les règles « De la prévoyance, de l’assistance, de l’éducation et de l’instruction ».
Le caractère réactionnaire du corporatisme
« L’État fasciste est ou bien corporatiste, ou bien il n’est pas fasciste ! » (1° Octobre 1930, discours de Benito Mussolini). La Charte du Travail avait attribué la représentation des intérêts nationaux aux corporations, organes de coopération entre associations de donneurs d’ordres et les associations de travailleurs, en assignant donc aux entrepreneurs et aux travailleurs unis l’objectif de discipliner l’activité des entreprises et de leurs relations. Les donneurs d’ordres et les ouvriers devaient donc (théoriquement) privilégier en conséquence les intérêts nationaux avant ceux des individus.
La substance réactionnaire et bourgeoise de la « Charte » est clairement et sans aucun doute possible repérable dans le point VII, où il est dit que l’État corporatiste considère l’initiative privée dans le domaine de la production comme l’instrument le plus efficace et le plus utile dans l’intérêt de la Nation. Il est donc évident que les intérêts de l’État et des entrepreneurs coïncident là parfaitement. Dans ce point, on parle certes de « collaboration des forces productives » et de « réciprocité des droits et des devoirs », mais en réalité, la « Charte » maintient les structures hiérarchiques et autoritaires de la société, autrement dit la division de celle-ci en classes, bien que celles-ci soient formellement abolies.
Il est certain que les entrepreneurs devront faire quelques concessions au prolétariat, mais cela leur fut une nécessité en mesure de leur permettre de désamorcer toute velléité révolutionnaire à caractère social en les reléguant donc à leur éternel rôle de dominés soumis aux dominateurs.
La « Charte » permettait au grand capitalisme financier, industriel et agraire de maintenir leur hégémonie économique, au moyen d’un capitalisme et d’un protectionisme « masqués ». En 1930 est constitué le Conseil national des Corporations ( au nombre de 22) qui finit en 1939 par supplanter le Parlement, en assumant le nom de Chambre des Faisceaux et des Corporations. Ce « tournant » impliqua la fin de tout débat interne, remplacé par le rituel et la démagogie populiste des cérémonies fascistes.
Réactions des antifascistes au corporatisme
Les forces antifascistes (anarchistes et communistes pour l’essentiel) jugèrent sévèrement ces lois puisque fortement teintées de populisme, sous lesquelles ils devinaient les réels inspirateurs de la « Charte » : la bourgeoisie.
« État ouvrier », la revue du Parti communiste italien en exil écrit alors :
« Que bien des socialistes, certains républicains, et autant de communistes soient radicalement opposés à la « réforme corporatiste » autant que nous le sommes est probable, même si un petit nombre d’entre eux , hors notre camp, sont de ceux qui rejettent de cette réforme et le caractère contingent et ses prémices théoriques ainsi que ses conséquences historiques. »
Parmi les anarchistes, Camillo Berneri développe sa critique radicale du corporatisme et de toutes les formes d’ « Étatolâtrie ».
Pour Berneri, les Communistes et les Socialistes étaient « des fétichistes de l’État et du socialisme d’État » et se dissimulait derrière leurs paroles une certaine démagogie qui les inclinait à s’opposer au corporatisme fasciste, mais pas à la construction d’un autre corporatisme, évidemment différent du fasciste, mais toutefois « cousin dans ses formes totalitaires, concentratrices et bureaucratiques ».
Source : http:// ita.anarchopedia.org/corporatisme, publié sur OSCalz et SFalcone’s blogs.
Traduit de l’Italien par Sedira Boudjemaa, artiste-peintre, le 18.12.07. 10h00 A.M.