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rapport thélot danger pour l’école

Publie le vendredi 12 novembre 2004 par Open-Publishing
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L’école en danger

Le rapport Thélot plaide pour une école des inégalités, une école dont l’unique but serait de satisfaire à la demande du patronat : en sortiraient le nombre de cadres nécessaire et une main-d’œuvre flexible.

Le rapport Thélot fournit au gouvernement l’occasion de s’attaquer à l’objectif de 80 % d’une classe d’âge au niveau du bac. Début 2005, un projet de loi devrait être adopté par le gouvernement. Une opération de communication est en cours : il faut donner l’illusion d’une élaboration collective de la future loi. Après la comédie du « débat » national, la table ronde avec les organisations syndicales, cinq débats thématiques, le nouvel argument est un site Internet. Mais l’essentiel de la loi en gestation est déjà écrit, voire mis en pratique (circulaire sur la nouvelle troisième en 2005, un référent policier par établissement).

Le rapport Thélot est une commande ministérielle destinée à étouffer le milieu enseignant, très mobilisé en 2003, à adapter le système éducatif français à l’ensemble européen. Les synthèses opérées ne furent qu’un prétexte pour formuler des préconisations qui n’ont rien à voir avec les revendications des personnels. RMI culturel Les difficultés du système éducatif servent à faire passer l’acquisition du « socle commun des indispensables » dès le CE2 et jusqu’au collège comme unique objectif de l’école à l’égard des millions de jeunes qui attendent des études un passeport pour la promotion sociale. Le contenu de ce socle n’est qu’un ensemble de compétences et de règles de comportement. La question des programmes à enseigner n’est pas abordée et chacun se repasse la patate chaude.

Étrange contraste entre un rapport qui révise à la baisse la mission de l’école et une société qui offre aux jeunes une multitude de sources de connaissances dans tous les domaines. Plutôt que de s’appuyer sur les richesses culturelles présentes dans la société et d’avoir pour ambition de les utiliser pour les ordonner, les critiquer, la formation initiale devient un RMI culturel. Thélot marche dans les pas de Fauroux. L’école court le risque d’être dévalorisée aux yeux des jeunes. Les problèmes rencontrés par l’école restent de l’ordre du constat. Impasse totale sur le déficit en crédits, en moyens, en postes, sur la persistance d’une grande précarité de milliers de personnels, les sureffectifs.

Les jeunes sont envisagés à travers leurs « talents », leurs capacités supposées naturelles, individuelles, jamais comme êtres sociaux qui subissent souvent de plein fouet, dans leur famille, leur environnement, la politique de destruction sociale menée par le gouvernement Raffarin, et par d’autres avant lui, et qui empêche de penser l’avenir. La diversification des rythmes d’apprentissage, que Thélot justifie par l’adaptation aux « intérêts et capacités » des jeunes, débouche sur l’abandon de l’objectif de « l’élévation globale du niveau d’étude et de diplôme », avec une tentative pour dévaloriser le diplôme. La personnalisation des parcours, des pratiques pédagogiques, l’organisation de l’enseignement en strates étanches (d’abord le socle commun, ensuite les enseignements obligatoires) entraînent l’éclatement des structures scolaires communes à tous les élèves dès le primaire. Le rapport Thélot maintient la fiction d’une école pour tous. Dans la réalité, elle ferait place à une multitude de parcours différenciés. C’est déjà officiel pour la troisième, à partir de 2005, pour les élèves qui seront dirigés vers la découverte de la voie professionnelle. L’absence globale d’ambition se reflète pour l’enseignement professionnel : limiter la formation initiale au prétexte que la formation tout au long de la vie permettra d’adapter la main-d’œuvre aux besoins des patrons.

Les indemnités versées aux jeunes pendant leurs périodes de stages - à supposer qu’elles voient le jour - justifieront officiellement leur utilisation comme main-d’œuvre bon marché. Elles ne répondent pas à notre revendication d’une allocation d’étude pour tous. Modéliser le comportement Le rapport accorde une place importante au vivre ensemble, à l’apprentissage de la civilité, aux règles de la république. C’est le premier des trois grands principes pour « faire réussir tous les élèves » et des quatre perspectives pour définir « le cadre politique et économique de l’école future ». Police et justice sont considérées comme des partenaires naturels devant recevoir un signalement dès le moindre soupçon. La civilité, d’ailleurs, précède l’apprentissage (pas l’exercice) de la citoyenneté. Il s’agit de modéliser le comportement des jeunes.

Certes, toute vie en collectivité suppose un minimum de règles de fonctionnement. Les phénomènes de violence, les conflits sont bien souvent les effets d’une violence sociale qui s’exprime à l’intérieur de l’école. Dans ces circonstances, il est important que les personnels apportent une réponse collective. Mais, en même temps, nous devons avoir pour ambition de permettre aux jeunes l’épanouissement de leur personnalité, de leur donner les moyens de connaître le monde et les éléments pour le changer. Rien de tel dans ce rapport. De moyen pour apprendre et se cultiver, le vivre ensemble devient un objectif en soi pour ensuite « marcher droit » dans la société. Tout cela nous ramène à la volonté d’adapter l’école, les élèves aux besoins économiques de la société capitaliste. Le rapport Thélot inscrit ses préconisations dans le cadre européen de la stratégie de Lisbonne (2000) : faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique, capable d’une croissance économique durable ». Sept organisations patronales, la même année, ont donné leur traduction de cet objectif dans un rapport sur l’école : pas d’éducation commune de haut niveau pour tous, des cursus diversifiés pour obtenir une force de travail différenciée. On comprend mieux la présence du patronat à toutes les étapes de la formation (collège, orientation, formation professionnelle).

Définir des compétences de base au service d’une économie qui doit gagner des parts de marché accompagne une vision duale du marché de l’emploi : des besoins en qualification élevée (+ 25 % pour les cadres), mais aussi une augmentation des emplois non qualifiés occupés par une main-d’œuvre précaire, flexible, mobile (pour « une qualification d’ordre comportemental ou relationnel », selon Thélot). En 2001, ces derniers représentaient 22 % du volume total des emplois salariés, cinq millions de salariés, retrouvant ainsi le niveau atteint en 1982. L’économie de la connaissance ne profitera pas à tous. Elle sélectionne et rejette. La définition de la « réussite pour tous » prend tout son sens : des qualifications scolaires les plus élevées pour tous seraient « une illusion pour les individus et une absurdité sociale ». Mise en pièces Cet engagement en faveur du moins d’école, d’une école au contenu appauvri suppose une mise en pièces de l’existant. L’alignement de la gestion des écoles sur celle des collèges et lycées, la menace contre les maternelles, le maire chef du contrat éducatif local, l’autonomie renforcée des établissements avec une multiplication des hiérarchies et un proviseur aux pouvoirs étendus, l’alourdissement de la présence obligatoire des enseignants sur le mode britannique, le bouleversement des tâches des conseillers principaux d’éducation (CPE), la contractualisation des moyens et l’évaluation des enseignants comme aux Etats-Unis sont quelques avatars de ce rapport. L’objectif est de briser le service public, son caractère national, pour le mouler dans la société libérale : la loi organique relative aux loi de finances (LOLF) permettrait un financement inégal en fonction des projets et missions fixés. On se rappelle les déclarations de Fillon, dont les objectifs étaient de restaurer l’autorité, encourager la lecture, la dictée, la récitation. Maintenant, la punition collective redevient possible. Dans les cinq débats prévus figurent des objectifs à la Thélot : « voies et moyens d’une qualification pour tous, à la mesure des aptitudes et des aspirations de chacun », « relation entre la scolarité et la capacité à se construire plus tard un parcours professionnel, par la formation tout au long de la vie », c’est-à-dire qu’il faut envisager dès la formation initiale une formation continuée.

Les organisations sont divisées. La FCPE, la Peep, la CFDT et l’Unsa approuvent le rapport Thélot. En table ronde à Matignon, la CGT s’est prononcée pour une « réforme partagée ». La FSU, l’Unsen-CGT, FO, SUD-Éducation, la CNT ont pris position contre. Il faut très vite impulser des débats dans les établissements, les localités, susciter des prises de position, organiser des manifestations, la grève contre la « réforme » que prépare le gouvernement. Nous voulons garder le service public d’éducation, l’amélioration des conditions de travail (l’augmentation des postes, la titularisation des précaires, l’intégration du suivi des élèves dans le temps de service actuel, une dotation budgétaire à la hauteur des besoins, l’ouverture de classes pour supprimer les sureffectifs et affecter les jeunes sans lycées), l’indépendance de la formation par rapport au patronat, la scolarité obligatoire jusqu’à dix-huit ans. Nous rejetons la décentralisation des personnels. Notre ambition : une formation du plus haut niveau possible pour tous les jeunes et les moyens pour aider ceux qui ont des difficultés. Sur ces perspectives, il est temps d’engager la lutte.

Michel Gautier

Moins de formation pour les jeunes

Le rapport Thélot prévoit une organisation de l’enseignement autour d’un « socle commun », de disciplines obligatoires hors de ce socle (donc relativisées) et de matières optionnelles. Le « socle commun » proposé est très révélateur des intentions ministérielles : du français et des mathématiques vidés d’une partie de leur contenu (la dimension d’ouverture culturelle du français est gommée), de l’anglais « de communication internationale », de l’informatique et une éducation au « vivre ensemble ». Dans les autres matières, on parle de « sciences » en général et les termes histoire et géographie n’apparaissent même plus. Ce dernier exemple est particulièrement significatif. Le remplacement de l’histoire par la « culture générale » ou les « humanités », termes fort imprécis, annonce une détérioration de la formation culturelle des jeunes. L’étude du monde en fonction de son évolution et la référence à la chronologie constituent une donnée fondamentale sans laquelle il n’y a pas de réelle formation culturelle. Par ailleurs, pour les militants, l’histoire est une source de réflexion indispensable à transmettre aux jeunes afin de leur montrer que tout a changé et que tout peut donc changer. Les régimes les plus réactionnaires (Second Empire, régime de Vichy) s’en sont souvent pris à cette discipline, ainsi qu’à la philosophie. Dans ce projet, nos gouvernants trouvent, bien évidemment, des économies potentielles importantes.

Le regroupement des matières sous des appellations très générales, leur appauvrissement permettront sans nul doute de réduire les coûts en personnels. Pour éduquer au « vivre ensemble » ou à quelques notions simples d’informatique, on pourra aisément faire appel à des personnels peu qualifiés, pourquoi pas à des assistants d’éducation. Enfin, et c’est le plus grave, le projet Thélot conduit à une aggravation de la sélection sociale en retardant le plus possible l’accès des jeunes à une formation culturelle solide (dont les élèves auront pourtant besoin pour continuer des études longues). Ceux qui ont le plus besoin de l’école pour y accéder viennent des classes populaires. Les catégories aisées de la population sauront bien, en dehors du système scolaire, trouver les moyens de former leurs enfants, les autres non. On se retrouve ainsi devant une évolution qui conduit à remettre en cause la démocratisation (relative) du système scolaire entamée dans les années 1960. Résister à cette détérioration ne peut être l’œuvre des seuls enseignants.

Robert Noirel

pour le journal rouge

Messages

  • La CFDT (SGEN) et l’UNSA-Education sont des syndicats JAUNES comme le fond de l’écran, leur unique projet est le démantèlement de service public, projet dissimulé le plus souvent sur des arguties "pédagogiques". Ces "syndicats" sont extrêmement nuisibles pour les personnels et participent depuis des années au déclassement de la profession.

    Les fédérations de "parents d’élèves" ne représentent absolument pas les parents d’élèves, il suffit de consulter les résultats des elections pour constater leur brillante représentativité.
    Bien souvent, ces associations harcèlent les professeurs, développent un esprit procédurier, et toujours soutiennent les ministres, de droite comme de gauche, lorsqu’il s’agit de casser le service public. Pourquoi ? parce qu’il vivent le service public en parasites, ils le connaissent parfaitement, ils en profitent pour les stratégies scolaires de leurs propres enfants... ils ne sont absolument pas animés, le plus souvent, par une conception progressiste de l’école !

    Nous connaissons donc nos ennemis.

  • M. Noirel, pour le journal Rouge, ne semble pas connaitre parfaitement la Loi.

    Depuis 2001, le gouvernement de "gauche" a transposé une directive européenne dans la loi française.
    Les travaux "légers" sont autorisés pour les élèves, dès l’age de 13 ans.
    Cette avancée scélérate s’est faite dans la plus grande discrétion, et prépare donc l’explosion du Collège et une sortie massive vers l’apprentissage.
    Il ne s’agit donc plus de "garder l’école obligatoire jusqu’à 16 ou 18 ans", il faut désormais obtenir de modifications d’une loi qui existe DEJA.
    Encore une fois, grace à l’Uion Européenne.

    Peut-etre un jour, à gauche, comprendrons nous que l’on ne "réforme" pas le capitalisme, que l’on ne "réforme" pas la construction eurpéenne :

    ON LE DETRUIT AVANT QU’IL NE NOUS DETRUISE.

    Un professeur syndicaliste (hors CFDT ou UNSA, évidemment)

  • Le rapport Thélot préfigure effectivement le démantèlement du service public exigé par le patronat.
    Une des conditions de ce démantèlement est de le discréditer préalablement.
    Faire marcher les professeurs au pas dans les établissements, sous l’autorité accrue des "Chefs" est une idée qu’il faut combattre avec la plus grande détermination.Il leur faudrait d’abord casser les statuts de la fonction publique, que nous devons défendre farouchement. Rien n’est perdu, la lutte commence !
    Au niveau symbolique, un des aspects de ce déclassement est de délégitimer les enseignants comme vecteurs de la tranqsmission des savoirs. Dans ce contexte, les musées nationaux suppriment les uns après les autres, la gratuité enseignante (le louvre en septembre, le musée d’Orsay en 2005) ;
    Notre collectif se bat pour garder cette gratuité, et pour l’extension de la gratuité à Tous ;
    signez la pétition, diffusez la


    > gratuitemuseesnationaux@yahoo.fr.

  • A lire aussi sur le rapport : http://www.cetace.org/eduquons_thelot.html

    En attendant la futre Loi d’orientation...

    JLB