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Sarkozy propose avec ses partenaires européens un sommet sur l’économie
Une première à hauts risques pour la crédibilité européenne du président français : invité surprise de l’Eurogroupe, l’instance informelle des ministres des Finances de la zone euro, Nicolas Sarkozy a tenté lundi à Bruxelles de convaincre ses interlocuteurs de la justesse de sa politique macroéconomique. Mais le déplacement du locataire de l’Elysée s’annonçait ardu tant ses projets budgétaires et son souhait de contrebalancer l’influence de la Banque centrale européenne suscitent critiques et interrogations parmi les pays de l’union monétaire.
Démarche exceptionnelle
La démarche du président français, qui a accompagné sa nouvelle ministre de l’Economie et des Finances, Christine Lagarde, est exceptionnelle. Avant lui, seul l’ancien premier ministre italien Silvio Berlusconi s’était invité parmi les 13 grands argentiers de la zone euro pour remplacer pendant quelques mois un ministre démissionnaire. « L’économie, la croissance, le plein-emploi sont des sujets si importants que les chefs d’Etat et de gouvernement doivent s’en préoccuper directement », s’est justifié Nicolas Sarkozy, dans un entretien au Journal du dimanche paru le 8 juillet. Et de suggérer de convoquer, dès la rentrée, un sommet de l’ensemble de ses homologues européens « pour parler de la politique économique ». « On ne peut pas continuer à être les seuls à ne pas avoir une monnaie au service de la croissance et de l’emploi », a-t-il insisté, tout en se disant « pour l’indépendance de la BCE » afin de rassurer les capitales - comme Berlin - préoccupées par le discours du chef de l’Etat contre l’institut d’émission.
La pression des pairs n’a pas attendu le passage de Nicolas Sarkozy à l’Eurogroupe pour s’exprimer. Depuis son élection, les mises en garde se sont multipliées à mesure que les nouveaux dirigeants français précisaient leurs intentions budgétaires. Dans la foulée du chef de l’Etat, le premier ministre, François Fillon, et Christine Lagarde ont confirmé que la France prévoyait, afin de soutenir la croissance, d’atteindre l’équilibre de ses comptes publics en 2012, et non plus en 2010, comme convenu par le précédent gouvernement de droite.
« Si la France devait sortir des objectifs de moyen terme que nous avons décidés tous ensemble, avec les Français, il y aurait un problème », a averti Peer Steinbrück, le ministre allemand des Finances, dès la semaine dernière en prélude à la réunion de l’Eurogroupe. L’inquiétude est d’autant plus forte que l’endettement français a rebondi au premier trimestre, pour se situer, à 65% du produit intérieur brut (PIB), bien au-delà de la limite de 60% fixée au sein de l’union monétaire.
« Un problème politique »
Cependant, ni Jean-Claude Juncker, le premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe, ni Joaquin Almunia, le commissaire chargé des Affaires économiques et monétaires, ne peuvent empêcher Nicolas Sarkozy d’agir à sa guise, tant que le déficit français ne dépasse pas le seuil de 3% du PIB défini par le Pacte de stabilité et de croissance. Passé ce cap, Paris s’exposerait à d’éventuelles sanctions financières. Mais la France prévoit de stabiliser son déficit autour de 2,5% de son PIB cette année, puis l’an prochain.
Vu le coût des différentes mesures fiscales en cours d’adoption - évaluées à 11 milliards d’euros, puis à 13 milliards à partir de 2009 -, le nouveau gouvernement a abandonné l’objectif avancé en début d’année d’un déficit de l’ordre de 1,8% du PIB en 2008. Mais, à ce stade, il ne prendrait ses distances qu’avec le volet « préventif » du Pacte de stabilité et de croissance : depuis sa réforme, au printemps 2005, ce dernier demande aux Etats membres de la zone euro de réduire de 0,5% par an leur déficit structurel, lorsqu’ils connaissent, comme actuellement, une période de croissance soutenue. Sans être passibles de sanctions s’ils ne tiennent par leurs engagements.
Plutôt démunis pour faire plier Nicolas Sarkozy, les dirigeants européens préfèrent considérer le bras de fer actuel comme un test de la crédibilité européenne du nouveau président français, tandis que sa contribution pour relancer le chantier institutionnel lors du dernier sommet des chefs d’Etat, fin juin, a été très remarquée. « Si un pays ne peut pas respecter un engagement, cela soulève un problème qui n’est pas juridique mais politique », estime Fernando Teixeira Dos Santos, le ministre portugais des Finances, dont le pays préside l’Union depuis le 1er juillet. « On pourrait attendre d’un pays qui prône une meilleure gouvernance qu’il discute ses projets avec ses partenaires », a répété Joaquin Almunia ces dernières semaines, en espérant des clarifications de Paris.