Accueil > Dette italienne : la fièvre augmente, l’Europe gamberge

Dette italienne : la fièvre augmente, l’Europe gamberge

par DOMINIQUE ALBERTINI

Publie le jeudi 10 novembre 2011 par DOMINIQUE ALBERTINI - Open-Publishing

La prochaine démission de Berlusconi n’y change rien : la situation du pays continue de se dégrader. Pour de nombreux analystes, une action massive de la BCE est désormais indispensable.

Ceux qui attendaient des miracles de la démission de Silvio Berlusconi doivent se rendre à l’évidence : le départ du fantasque président du Conseil italien ne sauvera pas miraculeusement le pays de la débâcle financière. Malgré une ouverture en hausse ce mardi, la Bourse de Milan cédait plus de 4% en milieu d’après-midi. Au même moment, le taux pour les emprunts à dix ans de l’Etat italien atteignait son plus haut niveau depuis 1997, à plus de 7,5%. En clair, les problèmes de la Botte dépassent largement la personne de son futur ex-Premier ministre.

Le risque est désormais sérieux que la dynamique de la dette devienne incontrôlable. "La durée moyenne des emprunts italiens est de sept ans, explique l’économiste Alexandre Delaigue. Cela veut dire que, chaque année, le pays doit en rembourser 1/7e. Comme cette dette représente à peu près 100% du PIB, l’Italie doit chaque année trouver l’équivalent d’1/7e de son PIB pour payer ses créanciers". Ce mécanisme reste supportable pour des taux d’intérêt allant jusqu’à 5%. Au-delà, la spirale de la dette devient insoutenable pour le pays.
« Au point de non-retour »

"Le tout est de voir combien de temps on en restera à ces taux, tempère Céline Antonin, économiste à l’OFCE, spécialiste de la zone euro. On n’est pas encore dans une situation de défaut à la grecque. Cette flambée me semble essentiellement due à l’incertitude politique actuelle. Elle peut s’apaiser d’ici une semaine. En revanche, l’Italie doit lever 60 milliards d’euros fin novembre : si les taux en restent là, cela va encore renchérir le poids de la dette".

Dans une étude publiée lundi, la banque britannique Barclays se montre beaucoup plus pessimiste, n’hésitant pas à dire que l’Italie a déjà "atteint le point de non-retour". "Les intérêts sur la dette italienne ont atteint de nouveaux sommets, et sont à des niveaux que nous considérons clairement insoutenables. Cette dynamique négative de marché s’auto-entretient, et il sera très difficile à l’Italie de la briser". Pis, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) ne représenterait toujours pas "un filet de sécurité adéquat pour garantir l’Italie de la contagion".

C’est pourtant pour faire face aux problèmes d’économies du gabarit de l’Italie que le FESF a été renforcé par les pays de l’Eurozone, dans l’accord conclu le 27 octobre. Sa capacité d’action a été portée de 440 à 1 000 milliards d’euros, et il pourra notamment assurer les investisseurs contre le risque de défaut de leurs obligations italiennes, en garantissant celles-ci à hauteur de 20 ou 25%. Mais ces nouvelles fonctionnalités ne seront pleinement opérationnelles qu’en février, a annoncé lundi le patron de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker. Et il n’est de toute façon pas certain qu’elles suffiraient, seules, à soutenir le mastodonte italien chancelant.
La BCE en dernier recours

Dans l’immédiat, le seul acteur européen en position d’exercer une action décisive est la Banque centrale européenne. Cette semaine, la BCE a encore intensifié ses rachats de dette italienne sur les marchés dans l’espoir d’en faire baisser les taux d’intérêts – manifestement sans grand succès. De plus en plus d’analystes lui demandent désormais d’intervenir plus franchement. "Il suffirait que son président, Mario Draghi, dise : le taux correct de la dette italienne est de 5% et nous interviendrons sur les marchés tant que ce ne sera pas le cas", explique Alexandre Delaigue. En clair, comme ses homologues américaine, britannique ou encore japonaise, la BCE devrait créer de la monnaie pour racheter massivement la dette italienne - elle n’agit actuellement qu’à doses homéopathiques.

Mais cette option est explicitement exclue par les traités européens, farouchement gardés par l’Allemagne. Faire tourner la planche à billets entraînerait en effet de l’inflation et une dépréciation de l’euro, alors qu’un euro fort et stable était la première condition posée par Berlin à l’abandon de son mark national. "Les lignes rouges ne doivent pas être franchies", a encore rappelé mardi l’économiste en chef allemand de la BCE, Jürgen Stark. Mais selon de nombreux observateurs, l’institution sera forcée de s’affranchir de ces règles en cas de risque majeur et imminent. "C’est tout de même le pragmatisme qui domine, estime Céline Antonin. La BCE ne restera pas les bras croisés devant une crise extrême".

http://www.liberation.fr/economie/01012370570-dette-italienne-la-fievre-augmente-l-europe-gamberge