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VERS UN TOTALITARISME RAMPANT…

par Patrick MIGNARD

Publie le dimanche 13 novembre 2011 par Patrick MIGNARD - Open-Publishing
4 commentaires

La dernière péripétie grecque qui consiste à passer outre l’opinion du peuple en vue de la détermination d’une politique qui le concerne au premier chef, n’est ni une erreur, ni un faux pas dans la précipitation imposée par la crise financière.

L’épisode Irlandais pour imposer au peuple son entrée dans l’Europe et l’épisode du Traité Constitutionnel Européen imposé aux Français via le Parlement, alors qu’il l’avait refusé par référendum,… entrent dans une logique politique qui tend aujourd’hui à devenir une pratique courante.

LES NOUVELLES CONTRAINTES DU CAPITALISME

On savait depuis des décennies, et même pourrait-on dire depuis sa domination au 19e siècle, que l’impératif du capital était, et est, de prospérer en exploitant la force de travail et toutes les autres techniques – financières en particulier - qui pourraient servir son objectif principal,… faire de l’argent.

Tant que cette activité s’est déroulée au sein même des grands pays industriels – ceux là même où est né le capitalisme -, sous leur contrôle et avec la possibilité de piller consciencieusement, et sans opposition, les richesses de la planète, le capital a pu, et su, se montrer relativement généreux pour celles et ceux qu’il exploitait.

La lutte entre exploiteurs et exploités a été dure, mais ces derniers ont réussi à arracher des avantages économique et sociaux constituant ce que nous appelons aujourd’hui les « acquis sociaux ». Les premiers avaient d’ailleurs intérêts à céder ne serait ce que pour s’assurer une paix sociale propice aux affaires…

Les conditions d’après la 2e Guerre Mondiale, et surtout après la décolonisation ont « redistribué les cartes ». Les conditions de valorisation du Capital se sont internationalisées, débordant les frontières protectrices des « états-nation »… ouvrant la voie à une déréglementation financière et faisant basculer le capitalisme d’un « capitalisme industriel » à un « capitalisme financier », autrement dit vers des activités financières pourvoyeuses de profits jamais réalisés auparavant. C’est donc tout à fait logiquement que l’économie réelle, celle des entreprises, des ménages, est devenue, en quelque sorte, la variable d’ajustement de l’économie financière, celle des marchés financiers.

Les États, quelle que soit leur couleur politique, ont été complice de cette évolution, faisant le choix d’assurer cette libéralisation de l’économie. Pas seulement la finance, mais aussi les services publics, la santé, l’Ecole, les retraites,…

Le rôle d’arbitrage de l’Etat, traditionnel dans l’Etat-nation en période de capitalisme industriel, a quasiment disparu… Seul prime l’intérêt du Capital dés lors mondialisé.

Les salariés, marginalisés, atomisés et affaiblis, dans un rapport de force défavorable, sont désormais à la merci des exigences des acteurs financiers de l’économie. Leurs acquis sociaux sont peu à peu rognés.

L’Etat reprend son rôle traditionnel de garant du système et impose, sans discussion, l’ordre au service des intérêts du capital.

POURQUOI UNE TENDANCE TOTALITAIRE ?

Cette nouvelle situation a des conséquences considérables dans la sphère du politique.

Ce que nous appelons la démocratie, était fondée sur une situation dans laquelle la société offrait des conditions d’existence plus ou moins acceptables aux salariés,… mais encore avaient-ils un emploi, un revenu et pouvaient-ils revendiquer, lutter pour améliorer leurs conditions de vie. C’est cette situation qui explique probablement que dans aucun pays capitaliste développé, la classe ouvrière n’a jamais renversé le système qui l’opprimait… la situation était supportable et offrait des perspectives d’amélioration.

Aujourd’hui, les conditions de développement du capitalisme peut largement, en particulier dans les vieux pays industrialisés, se passer de la force de travail disponible dans la société… Ceci explique l’extension de l’exclusion, qui a pris le pas sur ce qu’était l’exploitation. Autrefois on luttait contre l’exploitation capitaliste, aujourd’hui on craint l’exclusion.

Les salariés n’ont plus face à eux des patrons, en chair et en os, mais des entités évanescentes et insaisissables : les marchés.

Or, un système qui est incapable de produire du lien social, de la cohésion sociale – ici le salariat – est forcément fragilisé quant à l’ordre qu’il doit faire régner. Le Capital ne payant plus, les conquêtes sociales étant inexistantes, la régression sociale généralisée, l’exclusion s’étendant à toutes les couches de la société,…seule la force, la contrainte, la répression deviennent les moyens de la stabilité.

Tant que l’illusion de la « démocratie politique », maintenue par une classe politique parasite et complice, à grand renfort de médias, fera illusion, un semblant d’ordre existera, ce qui n’empêche pas la déliquescence sociale : communautarisme, délinquance, contestation,…. Mais cette situation ne peut durer qu’un temps.

Le pouvoir politique prend de plus en plus ses aises, avec les principes dont il se réclame : lorsque le peuple ne vote pas comme il faut,… il contourne la décision avec l’aide des politiciens : exemple du Traité Constitutionnel Européen en France, exemple de la pression des dirigeants européens pour éviter une consultation populaire en Grèce à propos du programme européen qui lui est imposé.

Certes, on peut considérer ces évènements de manière isolée, mais à y regarder de près, c’est en fait une tendance qui s’instaure. On assiste en fait à un véritable détournement de légitimité.

Détournement d’autant plus simple à justifier que l’on peut toujours expliquer que «  les représentants du peuple expriment la pensée de celui-ci qui finalement n’a pas besoin d’être consulté  » (CQFD). Détournement d’autant plus facile à opérer que les dirigeants savent que le peuple n’a aucun moyen de pression, aucune auto organisation, aucune perspective en dehors des institutions… et qu’il participe, faute de mieux, et par peur de l’inconnu, passivement à la mascarade électorale qui verrouille tout.

La révolte que celui-ci peut exprimer est facilement contrôlable grâce aux mercenaires (armée, police) du pouvoir qui explique que cette force est « démocratique » puisque dirigée par des représentants élus. (CQFD).

L’arrivée en Grèce, au gouvernement de membres d’un parti d’extrême droite (trois secrétaires d’Etat),… ça ne vous rappelle rien ? Sans faire une similitude qui pourrait être abusive, un tel évènement a tout de même une signification politique évidente, dans un pays en quasi faillite et pour sauver le système.

Ainsi, « de fil en aiguille » au nom d’impératifs économiques et financiers qualifiés d’incontournables et « naturels »,… et avec la meilleure volonté « démocratique » du monde on fini par instaurer et à accepter un système politique totalitaire.

Le système politique se met alors à nu, dévoile ce qu’il est réellement : un instrument de domination sociale.

Dans les têtes et dans la rue il est alors trop tard pour faire marche arrière. La sortie de ce cauchemar coûte généralement très cher.

Le fascisme a été dans l’Histoire du 20e siècle un des moyens qu’a trouvé le capitalisme pour dépasser une situation bloquée et éviter sa remise en question. Le fascisme n’est pas exogène au capitalisme, mais une de ses productions, à un moment donné pour dépasser ses contradictions. Ceci montre le caractère éphémère, fragile de ce que nous appelons la démocratie. Celle-ci n’existe que lorsque le Capital la trouve conforme à ses intérêts… mais il peut parfaitement s’en passer… la Chine, la Russie en sont de parfaits exemples… et l’Histoire du 20e nous en donne de multiples exemples.

On ne pourra pas dire que l’on n’a pas été prévenu.

Novembre 2011 Patrick MIGNARD

Messages

  • Le totalitarisme rampant du systeme marchand touche tout le monde, les chefs d’etat (Italie, Grece,Espagne,etc) comme les "banques intouchables " :

    Nouriel Roubini : Après la faillite de MF Global c’est au tour de Goldman Sachs

    Samedi, 12 Novembre 2011 18:41

    Le problème sur lequel Nouriel Roubini a constamment mis en garde est la dépendance des banques sur le financement à court terme pour maintenir leur activité à long terme, afin d’exploiter leur entreprise. Ce qui a tué MF Global, Lehman Brothers , Bear Stearns , AIG et d’autres sociétés financières gigantesques, était le refus soudain des prêteurs à court terme de continuer à fournir de l’argent à ces entreprises. C’est à présent le tour selon lui de Goldman Sachs.......

    http://www.news-26.com/econmie/1332-nouriel-roubini-apres-la-faillite-de-mf-global-cest-au-tour-de-goldman-sachs.html

    Koudrine : La crise financière n’est que le prèlude à une crise économique d’envergure

    Samedi, 12 Novembre 2011 17:44

    "L’Europe a besoin de 2.000 à 3.000 milliards d’euros pour résoudre sa crise de la dette", a estimé samedi l’ex-ministre russe des Finances Alexeï Koudrine lors d’un colloque international." Le monde est en pleine crise financière qui a toutes les chances de dégénérer en crise économique d’envergure".....

    http://www.news-26.com/econmie/1331-koudrine-la-crise-financiere-nest-que-le-prelude-a-une-crise-economique-denvergure.html

  • D’accord avec cette analyse, mais il n’y a pas de fatalité. Il faut lutter contre ce nouveau totalitarisme. Pendant la campagne du referendum au sujet du traité européen, il y a eu vaste débat qui a débouché sur un refus de l’Europe néolibérale, nous avions refusé, nous français, cette dictature des marchés et de l’oligarchie qui contrôle la monnaie et la finance. Elle nous a été imposée de force.

    L’idéologie républicaine française, celle issue de la révolution, est tout à fait incompatible avec le néo-liberalisme, qui est la seule idéologie de l’Union Européenne. On nous impose cette idéologie qui est objectivement une idéologie de destruction des non seulement des principes universels de notre constitution, mais de destruction des nations et des peuples eux-même.

    Nous n’avons pas tellement le choix, il nous faut sortir de cette Union européenne avant qu’il soit trop tard, c’est la réponse adéquate au coup d’état permanent que représente le traité de Lisbonne.

    C’est une question de survie.

  • Monsieur Mignard,

    L’humaniste et homme d’État anglais Thomas More avait écrit au 16e siècle son traité sur la meilleure forme de gouvernement dans son ouvrage intitulé "L’Utopie". En ce 21e siècle, il serait bon de relire cet ouvrage.

    On pourrait alors y trouver des conseils pour établir une société gouvernée plus humainement.

    Car ce que décrit More lorsqu’il parle de la société de son temps ressemble beaucoup à ce que nous vivons présentement. Voici quelques passages qui en disent long :

    "Mais l’ouvrier, quelle est sa destinée ? Un travail infructueux, stérile, l’écrase présentement, et l’attente d’une vieillesse misérable le tue ; car son salaire journalier ne suffit pas à tous ses besoins du jour ; comment donc pourrait-il augmenter sa fortune et mettre chaque jour de côté un peu de superflu pour les besoins de la vieillesse ?

    Ce n’est pas tout. Les riches diminuent, chaque jour, de quelque chose le salaire des pauvres, non seulement par des menées frauduleuses, mais encore en publiant des lois à cet effet. Récompenser si mal ceux qui méritent le mieux de la république semble d’abord une injustice évidente ; mais les riches ont fait une justice de cette monstruosité en la sanctionnant par des lois.

    C’est pourquoi, lorsque j’envisage et j’observe les républiques aujourd’hui les plus florissantes, je n’y vois, Dieu me pardonne ! qu’une certaine conspiration des riches faisant au mieux leurs affaires sous le nom et le titre fastueux de république. Les conjurés cherchent par toutes les ruses et par tous les moyens possibles à atteindre ce double but :

    Premièrement, s’assurer la possession certaine et indéfinie d’une fortune plus ou moins mal acquise ; secondement, abuser de la misère des pauvres, abuser de leurs personnes, et acheter au plus bas prix possible leur industrie et leurs labeurs.

    Et ces machinations décrétées par les riches au nom de l’État, et par conséquent au nom même des pauvres, sont devenues des lois."

  • "La révolte que celui-ci peut exprimer est facilement contrôlable grâce aux mercenaires
    (armée, police)" Pour le moment le contrôle par la bureaucratie syndicale suffit.
    "L’arrivée en Grèce, au gouvernement de membres d’un parti d’extrême droite (trois secrétaires d’Etat),… ça ne vous rappelle rien ?" Et bien oui quand il y a le feu dans la maison attention à ceux qui disent la solution c’est moi.