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La réalité du Plan Patriota. Une réponse à la propagande

Publie le mercredi 2 février 2005 par Open-Publishing

Par James J. Brittain Traduction : Numancia Poggi

A la suite de leur incapacité à éliminer les guérillas et leurs collaborateurs dans la campagne colombienne par le biais de la guerre à la drogue, les Etats-Unis et le gouvernement colombien ont reformulé leur stratégie politico-économique et militaire pour affronter les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie - Armée du Peuple (FARC-EP) : ils combattent maintenant les rebelles marxistes dans le cadre de la guerre au terrorisme. Après que l’opinion publique internationale ait été informée du fait que la culture, l’élaboration et le trafic de la coca non seulement augmentaient, mais se trouvaient presque totalement contrôlés par l’organisation paramilitaire des Autodéfenses Unies de Colombie (AUC), les militaires américains et colombiens ont abandonné le prétexte de la guerre à la drogue et sont soudain passés à une campagne anti-terroriste appelée Plan Patriota. L’offensive du Plan Patriota dans le sud de la Colombie vise directement les Insurgés et leurs bases sociales et, comme l’a noté Constanza Vieira, « ils ne prétendent même plus poursuivre les objectifs de la guerre contre la drogue ».

Depuis son lancement, le Plan Patriota a été décrit comme l’heureuse rencontre entre le pouvoir militaire et la compétence, ce qui a commencé à éprouver les guérillas. Un article de l’Associated Press de novembre 2003 signalait que « le gouvernement colombien est en train de l’emporter dans son combat contre les rebelles marxistes dans leurs bastions de la forêt » et qu’« avec l’offensive du Plan Patriota... les forces gouvernementales pénètrent profondément dans les bastions rebelles » du sud de la Colombie. De tels commentaires sont devenus courants pour tous ceux qui suivent le conflit colombien. Pourtant, l’auteur de ces lignes, revenant d’une visite récente dans le sud de la Colombie, a découvert que la réalité du terrain est assez différente de celle qui est dépeinte dans les médias dominants.

Ce qui est vraiment en cours ce n’est pas une guerre contre les guérillas, ou pour la destruction des guérillas, mais il s’agit d’une campagne de désinformation orchestrée par l’Etat colombien pour cacher ce qui se passe réellement dans le sud de la Colombie : une extension du territoire des FARC-EP, et une augmentation du nombre de ses bases de soutien et de ses guérilleros.

Les reportages affirmant que l’armée colombienne et les forces américaines sont en train de réussir à vaincre les FARC-EP sont incorrects, inconsistants et objectivement faux. Le journaliste Philip Cryan a ouvertement contredit ces appréciations en affirmant que ces reportages ne font rien de plus que soutenir « la propagande de la droite » et que ces articles ignorent « des preuves édifiantes du contraire ». Cryan cite Alfredo Rangel, l’un des analystes militaires les plus respectés, lequel dit que les FARC-EP « simplement attendent leur heure jusqu’à ce que l’offensive finisse par s’épuiser ». Rangel considère qu’« il est essentiel de ne pas perdre de vue le genre de guerre menée par les FARC... ce genre de guerre ne recherche pas à affronter ouvertement les Forces Armées mais plutôt à les épuiser ».

Les FARC-EP n’ont pas seulement conservé leur pouvoir dans le sud de la Colombie par une stratégie de passivité, mais ont en fait agi de façon à empêcher les attaques de l’armée contre les paysans vivant dans la région. La relation intime entre le paysannat et les FARC-EP reste inchangée depuis plus de quarante ans et elle est parfaitement perceptible presque partout dans la campagne colombienne. Depuis le début du Plan Patriota, néanmoins, certaines caractéristiques socio-géographiques de l’alliance entre le paysannat et les FARC-EP ont changé. La raison de cette modification c’est le fait que le Plan Patriota ne s’attaque pas seulement aux guérillas, mais également à leurs bases de soutien civiles.

Depuis son lancement le Plan Patriota a fait des victimes parmi les non-combattants, a provoqué des déplacements et des morts. Au tout début du Plan Patriota, le Général James Hill, ex-chef du US Army Southern Command [Commandement Sud de l’Armée des Etats-Unis], avait affirmé que la campagne commençait « avec une offensive sur les zones rurales où les paysans soutiennent les FARC ». Cette déclaration non seulement signalait le lancement du Plan Patriota ; mais elle indiquait aussi que la stratégie était d’attaquer les gens qui défendent l’idée de la nécessité d’un changement socio-politique en Colombie. Cela a été montré par des reportages dans plusieurs journaux, comme The Guardian [de Londres], qui avait jugé que les forces de sécurité de l’Etat « ont commis des douzaines de raids et ont arrêté » des gens dans le sud de la Colombie, non pas en les accusant de rébellion ou d’assassinat, mais « sur la base d’un soupçon d’avoir donné des aliments ou de l’aide aux rebelles ».

En réponse, les FARC-EP ont utilisé leur talent pour, comme le dit le journaliste Kim Housego, « s’évaporer dans la montagne et dans la jungle ». Ainsi les rebelles ont pu ôter la pression qui pesait sur leurs bases paysannes et indigènes. L’idée derrière cette stratégie c’est de protéger la population locale qui appuie les FARC-EP, en garantissant qu’il n’y a pas de guérillero dans les communautés ciblées par les forces américaines et colombiennes. Etant donné que l’armée colombienne a toujours commis des atteintes aux droits humains contre les non-combattants, les FARC-EP ont décidé de limiter leur présence visible dans l’espoir de diminuer le niveau de violence orientée contre les populations rurales dans les vastes régions des FARC-EP.

Mais cela ne signifie pas que les FARC-EP réagissent passivement au Plan Patriota. Les FARC-EP posent encore, selon James Petras et Henry Veltmeyer, « la plus puissante » et « la plus grande menace politico-militaire » à la domination politique et économique des Etats-Unis sur la Colombie. Comme Petras et Michael Brescia l’ont souligné, les FARC-EP sont « la plus puissante guérilla du monde à s’opposer aux régimes néolibéraux et à leur parrain américain ». William Fisher et Thomas Ponniah ont affirmé que l’organisation insurgée est « la force politique et militaire la plus puissante d’Amérique du sud qui s’oppose à l’impérialisme ». De telles déclarations montrent que les FARC-EP sont une formidable menace aux intérêts économiques des Etats-Unis et de la classe dominante colombienne.

Le Plan Patriota n’a pas diminué la menace posée par les FARC-EP. En fait, tout au contraire, l’organisation insurgée est montée en puissance. Entre les années 2002 et 2004, les FARC ont lancé 900 attaques, contre 907 durant les quatre années précédentes. Alors que les Forces armées colombiennes et les paramilitaires soutenus par l’Etat ont globalement bloqué les zones frontalières dans les départements du sud de la Colombie, les FARC-EP étendent leur contrôle sur les zones intérieures dans toute la région. Rien qu’en décembre 2003, selon les habitants d’une de ces communautés, les FARC-EP ont augmenté de taille dans la région, avec une moyenne de 100 nouveaux combattants entraînés par municipalité. Ce taux de recrutement extraordinaire dépasse les taux de croissance que l’organisation insurgée a connu dans le passé. En 1979, les FARC-EP étaient présentes dans moins de 10% des municipalités colombiennes. En 2003, l’organisation insurgée opérait dans les mille et quelques municipalités du pays.

Les gouvernements des Etats-Unis et de Colombie essaient désespérément de donner l’impression que le Plan Patriota est un succès ; mais, il suffit de regarder les faits, et non la rhétorique infondée, et il est clair que c’est l’Insurrection qui prend le dessus.

Source : Colombiajournal

Adresse de l’article en anglais :

http://www.colombiajournal.org/colombia201.htm