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François Hollande : fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu « à terme » ? 3/4 janvier 2012

par Gérard Filoche

Publie le jeudi 5 janvier 2012 par Gérard Filoche - Open-Publishing
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L’information a été annoncée dans Les Echos <http://www.lesechos.fr/economie-pol...>  : « Hollande ajournerait la fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu ». Puis, elle a été partiellement démentie <http://www.mediapart.fr/journal/eco...> par l’intéressé. Beaucoup n’y comprennent rien –parce que ce débat n’a jamais été mené.

Dans l’entourage de François Hollande se trouvent des partisans acharnés de la fusion entre l’impôt sur le revenu et la Contribution sociale généralisée (CSG) <http://www.insee.fr/fr/methodes/def...> . Mais d’autres sont plus réalistes et raisonnables. Est-ce ce qui a émergé à travers un démenti et une rectification prudente ? Sans doute.

Certains croient que cette mesure concerne seulement le prélèvement à la source de l’impôt. Mais dans ce cas, que veut dire « la source » ? La seule feuille de paie ou chaque transaction financière ?

D’autres pensent qu’il s’agit de « fiscaliser les cotisations sociales ». Dans ce cas, il s’agit de rompre avec la protection sociale assise et garantie par le travail, et de l’étatiser, de l’assimiler à l’impôt. Ce n’est pas une mince affaire. C’est une vraie rupture avec l’organisation sociale française telle qu’elle existe depuis 1945 et le programme du Conseil national de la résistance.

Enfin, il y a ceux qui pensent qu’il faut diminuer le « coût du travail » et qui, pressionnés par les idées néolibérales, veulent, comme le Medef et les sarkoystes, supprimer les cotisations sociales sur le salaire brut : c’est un peu le même raisonnement qui aboutit à une « TVA sociale ».

Tout ça se mélange dans les majorités différentes qui ont fait entrer cela dans les programmes du PS depuis... au moins une quinzaine d’années. C’est un peu comme un serpent de mer géant qu’on voit et qu’on ne voit plus apparaître selon les périodes. Dès la Gauche socialiste (de 1995 à 2002), je me suis opposé politiquement à cela avec tous nos amis de la revue Démocratie & Socialisme (D&S). <http://www.democratie-socialisme.org/>

Il existe une sorte de lobbying que j’ai observé, venu surtout des gens de Bercy et qui s’exerce dans tous les courants et sensibilités, même au sein de la Gauche socialiste, favorable à la fusion CGS/impôts, parfois même en faveur de la fusion impôt et cotisations sociales. (Même Benoît Hamon et Henri Emmanuelli défendent, à ma connaissance, ce projet, d’ailleurs inclus contre mon gré et celui de D&S, dans le texte d’Un monde avance au congrès de Reims.)

Il paraît qu’il y a, dans les placards de Bercy, des projets détaillés tout prêts pour cette gigantesque opération et que chaque gouvernement... y a renoncé devant l’énormité du choc social qu’ils induiraient.

Je me souviens encore avoir voulu amender, en vain, le dernier projet présidentiel le 1er juillet 2006, à Solférino, au Bureau national, pour retirer ce type de projet (je n’avais réussi ce jour-là qu’à faire enlever la « retraite à la carte » et à rétablir la retraite à 60 ans).

Je me souviens qu’à la coupure, dans la cour de Solférino, DSK était venu me voir, en personne, à part, pour me dire, dans le creux de l’oreille, que « j’avais raison, que j’avais les pieds sur terre, qu’il ne comprenait pas pourquoi tout le monde reprenait cette idée à la direction du PS, que jamais cela ne se ferait, ils sont fous, c’est trop énorme ».

Je me souviens aussi, en mars 2010, de l’interview de François Chérèque sur France inter, expliquant au nom de la CFDT pourquoi il était totalement contre, lui aussi, un tel projet. Et, en fait, TOUS les syndicats sont contre, quasi à 100%, ce qui s’explique, car il s’agit de la mort de la protection sociale basée sur le travail.

Je me rappelle aussi, au Nouveau parti socialiste (NPS), d’un court débat en 2003 avec Jérôme Cahuzac qui écarquillait les yeux d’effroi lorsque je défendais cette thèse devant Vincent Peillon et Arnaud Montebourg et cela ne me surprend pas de le voir monter au créneau aujourd’hui pour démentir en premier l’information des Echos.

En effet, il y a de quoi réfléchir pour qui ouvre les yeux. La fusion impôt sur le revenu / CSG est carrément une forme possible de contre-révolution, de réaction sans précédent, et ce, quelles que soient les bonnes intentions dont elle se pare. Car en France, et c’est une excellente chose, nous avons DEUX budgets. Pour faire court, l’un est celui de l’Etat, avec 320 milliards d’impôts (quand Sarkozy ne baisse pas trop les recettes pour nous endetter !). L’autre est celui de toute la protection sociale, en gros, avec 450 milliards de cotisations qui rentrent (quand Sarkozy ne bloque pas trop nos salaires et ne fait pas trop de cadeaux aux patrons sous forme d’exonérations).

Le premier budget, celui de l’Etat, n’est « pas pré-affecté », le Parlement décide chaque année « combien » il donne à l’école ou aux prisons, aux hôpitaux ou aux casernes.

Le second budget est « pré-affecté », les cotisations sont recueillies spécialement pour le chômage, la maladie, les accidents du travail, le logement, les familles nombreuses, la retraite. Il est impossible constitutionnellement d’user de ce second budget, par exemple, pour faire la guerre en Afghanistan. La CSG est une contribution dont le Conseil constitutionnel a décidé qu’elle était pré-affectée aux caisses sociales.

C’est bien, même excellent, que nos cotisations sociales soient ainsi « à l’abri ». Pour le coup c’est une « règle d’or » saine. Il ne s’agit pas de « prélèvements obligatoires » mais de « prélèvements volontaires » d’une partie des salaires mutualisée, mise dans un pot commun et redistribuée à chacun selon ses besoins, c’est une chose magnifique, un bonheur. Ça ne fonctionne pas à ce jour comme l’impôt. Et c’est tant mieux. Fusionner les deux, c’était un énorme risque, celui d’affaiblir la protection sociale, de passer sur l’impôt ce qui est lié et assuré par le travail, par le bulletin de paie, dans le salaire brut.

Protégeons nos caisses sociales !

Oui, il faut que la protection sociale reste payée en direct avec le salaire. C’est du sûr, c’est du salaire brut, solide, direct ou différé, ça ne passe pas par des aléas de vote ou de fonds de pension. D’ailleurs, la fameuse « dette » sur la protection sociale, elle, n’est que de 10,5% (soit 45 milliards sur un budget de 450 milliards) tandis que 78,5% du reste de la dette relève des choix de l’Etat, soit environ 1500 milliards sur un budget de 320 milliards.

Ne mélangez pas les torchons et les serviettes, cela ne desservirait que la protection sociale.

Les offensives au sein du PS pour fusionner impôt et CSG/cotisations sociales sous prétexte de « prélever à la source » ont surtout été celles des courants droitiers lobbies de Bercy, Gracques et Valls, obsédés par la séparation de la protection sociale et du salaire pour baisser le fameux « coût du travail » (sic). Ils croient que la baisse du coût du travail est la solution au chômage, au libre-échange et commerce extérieur, etc... un peu comme les néolibéraux le croient. Valls, plus droitier que d’autres, en avait tiré la logique : il souhaitait baisser les cotisations sociales et les remplacer par la « TVA sociale », une méthode également rêvée par le Medef pour baisser le salaire brut et que Sarkozy veut désormais mettre en œuvre en essayant de diviser.

Reste à être logique mais autrement : pour assurer la défense du salaire brut (réapprenons à 24 millions de salariés à relire leur feuille de paie, car c’est elle qui va être attaquée), il faut enlever au Parlement la caricature de débat qu’est, tous les ans, l’adoption cynique de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). Il faut aussi rendre des caisses sociales aux syndicats la sérieuse et responsable gestion du salaire brut, en organisant des élections tous les cinq ans, jumelant prud’hommes et élections sociales. Nous devons donc abroger les ordonnances de Pompidou de 1965 et ce qui reste de la loi Juppé de 1995. C’est le retour au contrôle légitime par les salariés de la partie mutualisée de leur salaire. Une vraie révolution, un vrai progrès.

En même temps qu’on va hausser les salaires, on remettra du même coup à flots les caisses de protection sociale, car c’est le blocage des salaires qui les met en difficulté. On restaurera une protection sociale démocratique non étatisée. Pourquoi les libéraux qui veulent toujours moins d’Etat sont-ils aussi acharnés à « étatiser » la Sécu ? Il faut baisser le coût du capital, pas du travail. Il faut déplaire aux banques et aux officines de notation, et non pas devancer leurs ordres.

http://www.filoche.net/2012/01/03/hollande-ajournerait-la-fusion-entre-la-csg-et-limpot-sur-le-revenu-bravo/

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