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Les œuvres incomplètes de Benoist Rey

par PACO

Publie le lundi 10 septembre 2012 par PACO - Open-Publishing

Les éditions Libertaires ont eu la bonne idée de rééditer quatre livres de Benoist Rey. Ces œuvres incomplètes (on espère bien qu’il en publiera d’autres) sont livrées dans un coffret beau comme un gros pavé noir.

Au commencement, il y eut Les Egorgeurs. Benoist Rey a 21 ans quand il embarque à Marseille pour l’Algérie. Nous sommes en septembre 1959. Arrivé dans le Nord Constantinois, le bidasse turbulent se retrouve dans un commando de chasse, un régiment semi-disciplinaire, une unité « d’élite » aussi sanguinaire que les parachutistes et la Légion étrangère. Le journal de bord dépeint la sauvagerie quotidienne de ces hommes chargés de « pacifier » l’Algérie française. Officiers cinglés et simples soldats (européens, pieds-noirs, harkis ou même Sénégalais) se sont salement illustrés durant ces années de braise. Publié en avril 1961 par les éditions de Minuit, le livre sera interdit quatre jours après sa parution.

Puis viennent, sur deux tomes, des Trous de mémoire finalement bien remplis. L’histoire démarre par le début. Avec un père pétainiste, Benoist tombait franchement mal. Pas simple d’émerger quand crucifix et portrait dédicacé du Maréchal décorent le salon familial. Benoist entrera au petit séminaire en 1950. La lecture de Baudelaire, Lautréamont, Artaud, Duprey, Miller... et une pratique assidue de la branlette l’éloigneront de la foi. Après son passage en Algérie, celui qui lisait certains de ses bouquins avec une seule main deviendra imprimeur. Les livres-objets sont en vogue avec les Jouffroy, Mansour, Lambert illustrés par Matta, Ernst, Calder...

Benoist s’est ensuite lancé dans la restauration. Ce sera la valse des homards flambés et des rougets grillés. Parmi les habitués de La Marmite, Jean Giraud (qui dessina l’enseigne), Bridenne, Michel Foucault... En 1972, la tribu Rey s’est installée en Ariège dans une ferme en ruine. C’est le temps des « beatniks » et des « hippies ». Les séjours à Montfa peuvent durer quelques heures… ou plusieurs années. Jacques Bertin y fera une petite halte. Cela donnera la chanson Ce que dit Benoist. Puis, l’appel des casseroles résonne de nouveau. Chaises, tables branlantes et vaisselle dépareillée font leur apparition. L’Auberge des Traouquès ouvre.

Montfa se mua peu à peu en centre culturel où se produiront les Fabulous trobadors, l’orchestre de chambre de Toulouse, Farafina, Jacques Higelin... Expos, ciné club et concerts de soutien rempliront les colonnes de La Dépêche du Midi. Même le piano a eu son heure de gloire. Offert au Royal de Luxe, peint en blanc, il sera traîné par un char dans les rues de Berlin avant d’être catapulté. Pendant plus de dix ans, Montfa sera également un lieu de post-cure pour toxicomanes à l’époque où le sida commençait ses ravages.

Le quatrième round est un singulier manuel de cuisine intitulé Mieux vaut boire du rouge que broyer du noir. La couverture, signée Siné, donne le ton. Benoist Rey commence avec la recette correspondante. « Cuire dans la même marmite un curé ensoutané, mitré de préférence et un militaire de haut rang, en grand uniforme (un riz-pain-sel si possible). Sans les vider ni les peler. » Ce n’est pas avec ce genre de festin que Benoist Rey passera dans l’une de ces émissions de cuisine télévisées à la mode.

Au fil des chapitres organisés comme un « vrai » livre de cuisine (entrées, plats de résistance, fromages, desserts…), on tombe sur une multitude d’anecdotes, de rencontres amicales et amoureuses, de situations drôles ou pas. Les plats sont simples (œufs cocotte, os à moelle, salade de pissenlits, cuisine des restes…), mais, comme dirait Léo Ferré, toujours fourrés avec des tonnes de sentiments.

Après avoir digéré quelques mauvais fruits verts et pas mûrs, l’humaniste gourmand dévore la vie par les deux bouts. Passant de belles tranches de vie sur le gril, le cuisinier autodidacte a mitonné pour terminer, sans doute provisoirement, un ouvrage qui donne faim et soif… de vivre.

Benoist Rey, œuvres incomplètes (1961-2011), coffret comprenant la réédition de Les Egorgeurs, Les Trous de mémoire (2 tomes) et Mieux vaut boire du rouge que broyer du noir. Tirage limité à 250 exemplaires numérotés et signés par l’auteur. 50 euros (franco de port).

Benoist Rey sera présent à la Fête du Livre de Merlieux-et-Fouquerolles (Aisne) les 29 et 30 septembre. Plus d’infos ici et sur la page Facebook de la Fête du LIvre.

Benoist préparera le repas qui sera servi le 29 septembre par le groupe Kropotkine de la Fédération anarchiste. Infos réservation sur cette page.
Le site des éditions Libertaires.
Courriel : editionslibertaires ne5 wanadoo.fr

Cet article est une synthèse de chroniques plus anciennes sur :

 Les Egorgeurs - Chroniques d’un appelé.

 Les trous de mémoire (1).

 Les trous de mémoire (2).

 Mieux vaut boire du rouge que broyer du noir.

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