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La bataille de Fort Lauderdale

Publie le mercredi 29 juin 2005 par Open-Publishing

Par Eleazar Díaz Rangel, Radio Nacional de Venezuela

Vous devez me croire si je vous dis que je ne comprends pas comment les Etats-Unis commettent tant d’erreurs d’appréciation sur la situation latino-américaine, que je ne sais pas qui sont les analystes et les assesseurs du président Bush qui le conduisent à se tromper à ce point, que j’ignore le degré de responsabilité de Condoleezza Rice, et que je ne m’explique pas non plus comment ils font pour ne pas voir qu’ils subissent défaite sur défaite.

Avant d’entrer en cette Assemblée de l’OEA [tenue à Fort Lauderdale, Floride, Etats-Unis], rappelons les échecs de leur politique interaméricaine.

En juin 2003 malgré les pressions de Colin Powell au Chili, pour la première fois depuis la création de la Commission Interaméricaine des Droits Humains en 1949, l’OEA à écarté le candidat des Etats-Unis, préférant choisir un Vénézuélien et un Brésilien. Rude coup.

En septembre 2004, Maisto et Noriega se sont déplacés comme des poids plume pour empêcher l’approbation du rapport de l’OEA qui avalisait les résultats du referendum [au Venezuela, remporté par Chávez]. Ils n’ont pu que retarder le vote de 24 heures et, résignés, ils ont fini par accepter la proposition originale. Nouveau revers.

En Equateur en janvier 2005, lors de la conférence des ministres de la défense, les propositions nord-américaines pour préparer des forces pour intervenir en Colombie ont été vaincues.

Récemment ils ont lancé un Salvadorien comme candidat pour la présidence de l’OEA. Ils ont dû y renoncer, pour apporter leur soutien à un Mexicain. Ils sont parvenus à une égalité, à 5 reprises, 17 à 17. Mais lors de la reprise de la session deux pays sont passés du côté du Venezuela, et pour ne pas rester une fois de plus isolés, ils ont fait retirer le Mexicain et ils ont votés pour le Chilien. Ils ont ainsi évité une défaite retentissante.

Quelqu’un doit bien être responsable de tant d’échecs. Rice ? Roger Noriega ? Il est logique, lorsque se produisent de façon continue des faits de ce genre, que les causes soient analysées, que des changements s’opèrent, que des stratégies se redéfinissent, etc. Bien qu’ils ne parviennent pas à sortir de leur crise, j’imagine que Joe Torre se sera réuni à plusieurs reprises avec son équipe de direction pour voir ce qui leur arrive, aux Yankees.

Face à une telle série d’échecs, c’est ce que font les entrepreneurs, les politiciens, tout le monde. On peut se demander si à la Maison Blanche ils n’ont pas cette saine habitude.

Ce qui est arrivé à Fort Lauderdale c’est une défaite multiple. Sans la moindre consultation, ni même avec leurs bons amis des autres pays, ils ont élaboré un projet de Déclaration de Floride qui, ignorant la Charte de l’OEA, créait un mécanisme comportant des « contributions de la société civile » (Qui les introduirait en contrebande ?), afin de réaliser un suivi de la démocratie dans nos pays. Tous les gouvernements l’ont vu comme une tentative d’ingérence dans leurs affaires, et ils l’ont logiquement rejeté.

Personne ne leur garantissait que ce mécanisme ne serait utilisé que contre le Venezuela, ainsi qu’il était prévu. La Déclaration qui a été approuvée, dont la rédaction a été impulsée par [le Chancelier vénézuélien Alí] Rodríguez Araque, était totalement différente. Les Etats-Unis ont dû apporter leur vote.

Le Venezuela a présenté le projet sur le terrorisme, auquel il ne manquait que les noms et prénoms : les Etats-Unis et l’affaire Posada Carriles. Ce texte exhorte à refuser l’asile à tout terroriste qui serait recherché par un autre pays.

Il a été approuvé, mais on ne sait pas si les Etats-Unis y ont apporté leur voix. Lorsque la question à été posée à l’ambassadeur Jorge Valero dans l’émission d’Ernesto Villegas, il était impossible de dissiper les doutes. Le triomphe de la diplomatie vénézuélienne a été tellement éclatant que six autres projets ont été approuvés. Mais le pays n’en connaît pas encore le contenu.

Vous n’attendrez pas qu’ils soient rendus publics par les agences ou par CNN.

Que la politique des Etats-Unis vis-à-vis de l’Amérique latine subisse tant de défaites est une affaire qui les regarde. Je ne sais s’ils sont parvenus au moment d’opérer des révisions, s’ils se rendront compte du processus de changement qui se produit en Amérique latine, s’ils verront que l’OEA n’est plus leur « ministère des colonies », que cette fermeté et cette combativité des mineurs et du peuple bolivien n’a pas été stimulée par Caracas, même s’ils en reçoivent la solidarité.

Le chancelier panaméen a émis ce commentaire dans un couloir : « Les yankees ne savent pas comment les choses ont changé, maintenant ils doivent négocier ».

Et rien ne pouvait être plus tranchant que la prise de position du Parti Démocrate [des Etats-Unis], qui a sévèrement critiqué la politique interaméricaine des Etats-Unis, et particulièrement au sein de l’OEA.

Ce qui est surprenant c’est qu’il existe au Venezuela des secteurs et des individus de l’opposition qui se joignent à cette ligne de la défaite, qui étaient tout le temps aux côtés de Noriega et de Maisto, et dont l’antichavisme viscéral les empêche de percevoir les changements qui sont en train de se produire ; c’est l’Amérique latine qui est le vainqueur de cette assemblée de l’OEA, mais ils se placent en opposition à toute la région et se trouvent à la droite du Parti Démocrate. C’est incroyable.

Nouveautés

A me retour je trouve ces faits :

[Le militant de l’opposition radicale] Julio Borges surprend tout le monde et annonce sa candidature à la présidence. C’est une décision audacieuse de Primero Justicia, qui a laissé bouche-bée toute l’opposition. Il a pris ses distances et il a montré le chemin constitutionnel pour s’opposer à Chávez. Cela me semble une décision avisée.

Je ne parviens pas à comprendre ce qui s’est réellement passé lors des absences du président Chávez, pour la marche du 28 mai, pour l’émission Aló Presidente, et sa disparition temporaire. On dit que l’absence d’information opportune et fiable génère la confusion et alimente les rumeurs.

Aujourd’hui, après sa rencontre avec Bush, ce serait une grave erreur pour Corina Machado de se porter candidate à l’élection présidentielle. Autant à la Maison Blanche, qui semble la soutenir, qu’au sein de Súmate, ils doivent connaître l’expérience de la candidature soutenue par les Etats-Unis contre Perón. Si elle avait été défaite quand les Etats-Unis étaient au sommet de leur puissance, tout juste vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, on peut imaginer ce qui se produirait aujourd’hui.

Ceux qui mettent en doute l’échantillon de 1% du registre électoral, parce qu’il serait peu fiable, devraient savoir qu’une enquête parmi 1500 personnes est un échantillon suffisant aux Etats-Unis, ou en France, pour connaître les opinions de dizaines de millions de personnes. Et j’imagine qu’ils savent leur niveau de véracité.

Le [parti de Chávez, Mouvement Ve République] MVR a écouté les 10 gouverneurs et les secrétaires généraux de tous les partis du chavisme (à l’exception du Parti communiste du Venezuela), et a demandé la constitution d’une commission équilibrée et pondérée pour étudier les dénonciations à l’encontre de Manuitt. Il ne s’agit pas d’éviter l’investigation, qui doit être menée en profondeur, mais d’empêcher que des questions personnelles et politiques ne soient déterminantes.

C’est un raz de marée ce qui se passe à l’Université Bolvarienne et à la Mission Sucre. Une conspiration, réelle ou supposée, aurait commencé durant la période d’Egilda Castellanos, avec des effets négatifs. Mais on ne trouve pas facilement quelqu’un qui ose parler.

Washington semble avoir oublié la « course aux armements » du Venezuela après la sortie du rapport annuel 2004 du prestigieux Institut de Recherche de Stockholm pour la Paix (SIPRI). Les Etats-Unis sont les premiers exportateurs d’armes : 38 des 100 entreprises qui vendent des armes sont de ce pays, et elles contrôlent 63,2% du marché.

En Amérique latine durant la période 2000-2004 voici les pays qui se trouvent devant le Venezuela : le Brésil avec 888 millions de dollars ; le Mexique avec 610 millions ; la Colombie 515 ; le Chili 504 ; et l’Argentine avec 345. Le Venezuela arrive enfin avec 250 millions.

Qu’en pensez-vous ?

Source : Radio Nacional de Venezuela

http://www.rnv.gov.ve/noticias/index.php?act=ST&f=15&t=18828

Traduction : Numancia Martínez Poggi