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La loi française condamnée pour complicité d’esclavage

Publie le mardi 26 juillet 2005 par Open-Publishing
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La Cour européenne des droits de l’homme, saisie par une Togolaise exploitée pendant quatre ans par un couple parisien, a estimé que le code pénal français ne permet pas « une protection concrète et effective » contre les formes modernes d’esclavage domestique.

la France va peut-être devoir revoir sa copie en matière de loi pour lutter contre l’esclavage domestique. La Cour européenne des droits de l’homme a en effet estimé mardi que la législation française ne permet pas de réprimer avec assez de sévérité les formes modernes d’esclavage domestique. Saisie par une Togolaise exploitée pendant quatre ans par un couple de riches Parisiens, les juges européens ont estimé à l’unanimité que le code pénal, dont aucun article n’est consacré spécifiquement à l’esclavage, ne permet pas « une protection concrète et effective » contre de tels agissements.

C’est l’histoire de Siwa-Akofa Siliadin, alias « Henriette », arrivée en France en 1994 à l’âge de 15 ans qui a amené la justice européenne à se saisir de la question. La jeune fille avait été employée sans aucune rémunération jusqu’en juillet 1998 comme « bonne à tout faire » par une famille aisée auprès de laquelle elle avait été placée avec la promesse d’une scolarisation et d’une régularisation de sa situation administrative. Pendant quatre ans, elle avait travaillé sept jours sur sept, de 07H30 à 22H30, s’occupant des quatre enfants et de toutes les tâches ménagères de la famille. Elle dormait sur un matelas à même le sol dans la chambre de l’un des enfants dont elle avait la charge. Henriette finit par se confier en 1998 à une voisine, qui alerte le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM), lequel saisit le parquet.

En première instance, le couple d’« employeurs », reconnu coupable d’avoir fait travailler une « personne dépendante et vulnérable » sans la rémunérer (article 225-13 du code pénal), avait été condamné à cinq mois de prison ferme. Mais il avait été relaxé sur la base de l’article 225-14, qui réprime le fait d’imposer des « conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine ». En appel, les deux prévenus avaient en revanche été totalement relaxés au pénal, et condamnés seulement au civil à verser 15.245 euros de dommages et intérêts à leur ancienne employée.

Saisie, la Cour européenne s’est elle basée sur l’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui stipule que « nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude ». Les juges de Strasbourg rappellent que « les Etats ont l’obligation de criminaliser et réprimer tout acte tendant à maintenir une personne dans une situation contraire à (cet) article ». Estimant qu’Henriette a été « tenue en état de servitude », et relevant que « l’esclavage et la servitude ne sont pas en tant que tels réprimés par le droit pénal français », les juges ont donc condamné la France à l’unanimité.

« C’est une avancée très importante pour le combat que nous menons, s’est félicitée Bénédicte Bourgeois, du CCEM. Cette décision souligne que la législation française est trop floue, pas assez efficace pour réprimer ces faits ». Selon le CCEM, quelque 300 nouveaux cas d’esclavage moderne, concernant le plus souvent des familles d’origine africaine, sont signalés chaque année. Du fait de la réticence des victimes à porter plainte, une trentaine seulement donnent lieu à une procédure judiciaire.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=313627